Chercheur en informatique, Patrick Taillandier est directeur de recherche à l’INRAE* Toulouse. Dans ses travaux, il modélise les comportements des individus et de leurs interactions en groupe. Dans le cadre de la nouvelle exposition Comme des moutons ? du Quai de Savoirs, il nous parle de son travail en lien avec la foule.
Tout d’abord et pour faire le lien avec l’exposition Comme des moutons ? au Quai des Savoirs, comment expliquez-vous cette fascination pour la foule ?
Déjà, je pense que tout ce qui concerne les sociétés, les interactions sociales et leurs impacts… Tout ça intéresse la population. Avec la notion de foule, on va essayer de comprendre comment fonctionnent les comportements collectifs. En plus, récemment, dans la période Covid, on a mangé du modèle tous les jours pendant pas mal de temps, même s’il y a beaucoup de gens sur les plateaux télé qui racontaient n’importe quoi. Les modèles du Covid montraient justement la propagation de la maladie via le comportement des individus et ça a montré l’importance des modèles,
Quel va être l’impact d’une foule sur les comportements individuels ?
Il est clair que les groupes sociaux peuvent avoir un impact important sur l’adoption de comportements individuels. On sait justement qu’au sein d’un groupe, plus on pense que les autres ont une certaine opinion, plus ça va nous guider vers cette même opinion. Parfois aussi, un comportement individuel peut impacter une trajectoire collective [Ce qu’on peut lier au biais de confirmation, NDLR]. Et il y a plein d’exemples ! Un cas simple, c’est le Covid. Le patient zéro n’aurait pas contaminé d’autre personne s’il n’avait pas eu tel ou tel comportement.
L’exposition Comme des moutons ? du Quai des Savoirs est une adaptation de l’exposition Foule précédemment présenté à la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris. Le chercheur et youtubeur Mehdi Moussaid (à l’origine de la chaîne Fouloscopie, commissaire scientifique de l’exposition pour le Quai des Savoirs Comme des moutons ?, visite dans cette vidéo l’exposition foule avec les youtubeurs @Lea_Bello et @CyrusNorth.
Comment modélise-t-on un système aussi complexe que le comportement humain ?
Tout d’abord, on se base sur beaucoup de données. On se base sur des travaux qui viennent de différentes disciplines comme la psychologie, la sociologie ou les neurosciences. Ensuite, dans les modèles, il faut faire des hypothèses sur les réactions des individus dans telle ou telle situation. Et enfin, on a une phase de calibration avec des données réelles qui viennent d’observations sur de vrais individus.
Quel est le principal enjeux de modélisation d’une foule ?
Le principal enjeu va être de déterminer quels facteurs il faut prendre en compte. L’Être humain est extrêmement complexe. Cela nous oblige à faire des choix sur les facteurs caractéristiques à garder en fonction de ce que nous cherchons à explorer. Des fois, on doit se baser sur des modèles provenant de la psychologie pour nos simulations.
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On entend beaucoup parler d’Intelligence Artificielle ces derniers temps. Comment vous l’intégrez dans vos travaux ?
Ce qui est intéressant, c’est qu’historiquement, ma discipline était considérée comme de l’IA au-delà de tout ce qu’on entend aujourd’hui comme le machine Learning [apprentissage automatique, NDLR] ou le deep learning [apprentissage profond, NDLR]. Pour donner un exemple de l’utilisation d’IA, nous nous sommes intéressés aux politiques publiques qui pouvaient être intéressantes pour l’adoption de pratiques agroécologiques. L’IA nous a permis d’explorer l’espace des possibles et de savoir, par exemple, quel était le temps de mise en place de telle ou telle politique. Ensuite, on utilise l’IA pour nous écrire des lignes de code. Comme on utilise chat GPT, on donne une description textuelle à une IA qui nous donne les base d’un modèle.
Après un cursus classique en école d’ingénieur en informatique, Patrick Taillandier a fait un thèse concernant l’utilisation de l’Intelligence Artificielle pour améliorer un système de construction automatique de cartes pour l’Institut géographique national. Il a été maître de conférence à l’université de Rouen et a enseigner les mathématiques dans le domaine de la géographie. Aujourd’hui, Patrick taillandier est directeur de recherche à l’INRAE à Toulouse. Avec des expériences en France et au Vietnam, il se base du des simulations informatiques pour simuler le comportement des individus : « Je cherche à simuler des systèmes socio-environnementaux, ça peut être des sociétés humaines ou n’importe quoi. Et l’approche va consister à représenter explicitement les entités qui vont composer le système étudié. »
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*l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
Photo : Patrick Taillandier par Nguyen Phuong Thao