Le service de cardiologie CHU de Rangueil se mobilise aux Halles de la Cartoucherie le 6 mars 2025. Crédits : Tiphaine de Saint Viance
Parmi les 70 soignants du service de cardiologie de Rangueil, une vingtaine se sont mobilisés ce jeudi 6 mars à l’occasion d’un job dating, organisé par la direction de l’hôpital. En grève depuis le 6 janvier 2025, le service lutte contre la suppression du poste d’agent d’accueil.
« Ils suppriment des postes et aujourd’hui ils font un forum pour recruter des gens, des contractuels, après avoir supprimé des titulaires. » Noémie, infirmière, est venue protester ce matin contre le job dating organisé par la direction, une succession d’entretiens d’embauche rapides. Alors que plus d’une centaine de personnes font la queue devant la Cabane des Halles de la Cartoucherie, utilisée par l’hôpital de Rangueil pour faire passer des entretiens, plusieurs soignants sont regroupés près de l’entrée.
« On veut prévenir les gens qui vont se faire recruter, les sensibiliser. On comprend, ils ont besoin d’un boulot et c’est normal. Mais il faut leur dire que tout ce qu’on va leur promettre sera certainement faux. » explique Céline, aide-soignante dans le service des soins intensifs de cardiologie.
Il y a deux mois, ce service a entamé une grève après une décision de la direction de supprimer le poste d’agent d’accueil. Un emploi qui consiste à filtrer les appels téléphoniques, orienter et faire patienter les familles. Désormais ce sont des tâches supplémentaires pour les soignants. « Ça devient dangereux pour les patients parce qu’on les délaisse. » explique Céline.
Précarisation des emplois
À 10 heures, alors que les entretiens s’enchaînent à l’intérieur, le syndicat Solidaires accompagne les soignants au son de leurs tambours. « Bien sûr qu’on est pour que les gens soient employés, mais qu’on les titularise. On ne devrait pas les précariser. » Victor, un infirmier syndiqué, dénonce des techniques managériales déshumanisantes et tournées vers la performance : « Ce qui compte ce sont les chiffres, les objectifs, surtout pour leur carrière. »
En cause selon lui : la loi Bachelot, adoptée en 2009 pour rationaliser les dépenses du système hospitalier tout en modernisant son organisation. Cette réforme a renforcé le pouvoir des directeurs d’hôpitaux en leur accordant plus d’autonomie dans la gestion budgétaire et le recrutement.

Pour plusieurs personnes présentes ce matin, la suppression du poste d’agent d’accueil va s’étendre dans tous les autres services. Selon Victor, il règne au sein de l’hôpital un climat de tension. « La direction est très brutale et sauvage. Les postes qu’elle considère inutiles, soit elle les met à la porte, soit elle les met à la retraite d’office. » Sa blouse sur le dos, il renchérit : « C’est illogique et c’est improductif. Les familles vont attendre plus longtemps, le téléphone va sonner pendant des heures. »
« On commence à s’épuiser »
Depuis le début du mouvement, plusieurs pétitions ont été lancées, dont une qui a récolté 1500 signatures. Victor explique que la direction n’en n’a pas tenu compte. Une pancarte en main, Noémie s’exprime : « on a tenu deux mois pour faire du bruit mais on commence à s’épuiser. Les gens commencent aussi à être démoralisés. Ils sont beaucoup moins investis dans la cause, ou alors la colère les a un peu bouffés. »
Roger est médecin au centre hospitalier de Royan en Charente-Maritime. Il accompagne sa fille qui travaille dans le service. « On est venus par solidarité avec l’équipe de cardiologie. Dans mon hôpital on a les mêmes problèmes de suppression de postes. C’est plus que des agents d’accueil, c’est même des fermetures de services entiers et des suppressions de lits. » explique-t-il. Pour lui, seule une action collective au niveau national pourrait fonctionner.