À l’occasion de la projection jeudi 17 mars du documentaire Média Crash, qui a tué le débat public ? à l’Utopia de Borderouge, Michael Hajdenberg, journaliste et coresponsable du pôle enquête de Médiapart, dresse l’état des lieux du paysage médiatique français.

À moins d’un mois du premier tour de l’élection présidentielle, Mediapart et Première ligne coproduisent un documentaire révélation sur la concentration médiatique et les complicités qui existent au sein des instances étatiques. Pour eux, le débat public est en péril.

Univers-cités. À Médiapart, vos enquêtes sortent toujours à des moments stratégiques de la vie politique. Votre méthode a-t-elle été la même pour ce documentaire ?

Michael Hajdenberg. Cela fait des années que nous constatons que le pluralisme dans les médias est de plus en plus opaque. Mais cette année, le constat est sans appel. Seuls neuf milliardaires possèdent 90% des médias nationaux en France. Ce n’est pas possible d’attendre davantage pour en parler. Nous assistons à une accélération sans précédent de la concentration médiatique. Le rachat d’Itélé (devenue CNews) et d’Europe 1 par Vincent Bolloré ont forcément été des éléments déclencheurs. D’autre part, nous estimons que les responsabilités de l’État et des politiques sont non négligeables. Il serait également pertinent de parler de la liberté des journalistes, surtout en temps de campagne présidentielle. Donc oui, notre stratégie reste d’alerter les gens au bon moment.

Cela fait déjà quelques semaines que votre documentaire est sorti. Avez-vous eu des retours ou questions de la part de l’opposition sur votre travail ?

Pour l’instant, nous n’avons eu que très peu de retours de la part de l’opposition. La commission sénatoriale s’est emparée du sujet de la concentration médiatique, mais évidemment, cela n’a rien donné de bien concret. D’ailleurs, jusqu’à preuve du contraire, aucun candidat de gauche ou de droite ne s’empare du thème et cela reste regrettable. Il en va de la liberté de s’informer, sans qu’une information ne soit tronquée ou dissimulée par idéologie. Personne ne semble être choqué par l’emprise qui existe dans certains médias. L’État, non plus, ne semble pas vouloir changer quoi que ce soit. Aucune instance ne semble vraiment concernée par l’ampleur que prend la main mise de certains sur les médias français.

Dans le reportage, vous évoquez le fait qu’il n’existe aucun organe de contrôle efficace du pluralisme de l’information dans les médias. Que pensez-vous du rôle de l’Arcom ? 

Nous avons contacté le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) à l’époque, avant qu’il ne fusionne avec Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet). Cela n’a donné que des plates banalités. Pour eux, il n’y a rien de choquant à ce que certains candidats à la présidentielle semblent avoir plus de temps d’antenne, car la nuit, les chaînes concernées diffusent des images des autres candidats pour compenser. Nous savons bien évidemment que ce n’est pas comparable, les audiences sont absentes la nuit, c’est inadmissible. L’actuel Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) ne fait pas son travail de contrôle. Ils font seulement de la figuration. Nous nous posons sérieusement la question sur l’utilité d’une institution qui ne contrôle rien et ne sanctionne que très peu. Il nous faudrait peut-être un organe plus interventionniste ?

 

Crédits photo : Nelly Metay