Alors que la tendance nationale et locale est à un repli du financement culturel, l’Orchestre national du Capitole de Toulouse fait exception. Loin d’être concerné par les coupes budgétaires de Toulouse Métropole, l’orchestre parvient à se maintenir financièrement. Explications.
C’était en janvier 2012. Lors d’un discours de campagne, François Hollande promettait de « sanctuariser le budget de la culture ». Élu en mai, le président de la République y place à sa tête Aurélie Filippetti. Pourtant, très vite, la ministre de la Culture va déchanter.
Loin d’être maintenu, le budget alloué à la culture est baissé par le nouveau chef de l’Etat de 6% durant les deux premières années de son mandat. Une réduction critiquée par Fillipetti, qui dira « du jamais vu même sous la droite ». Finalement, le bilan comptable de François Hollande au niveau culturel pourrait être positif sur ses cinq ans à la présidence avec une augmentation du budget entre 2012 et 2017 de 2,5%. Les deux dernières années ont été plus fastes et 2017 s’annonce aussi meilleur. Le projet de loi de finance de 2017 prévoit une augmentation de 5,5%. Toutefois, cette hausse est liée aux prévisions de croissances. Si celles-ci venaient à baisser, c’est l’ensemble du budget de l’Etat qui pourrait être impacté dont la culture.
Il faut donc démystifier l’idée selon laquelle le budget dévolu au ministère de la Culture est en baisse. Si le problème ne réside pas dans les coupes budgétaires, BFM n’hésite pas à parler de maigre bilan pour François Hollande. En cause, le peu de promesses tenu par le président.
L’orchestre du Capitole résiste aux coupes budgétaires
Toulouse, quatrième ville de France, a vu son financement culturel complètement modifié depuis l’élection de Jean-Luc Moudenc. Son adjoint à la culture, Francis Grass, a annoncé son intention de baisser les subventions aux associations de 25% d’ici 2020. Si l’on en croit la comparaison faite entre les budgets primitifs de 2015 et 2016, la grande régression est déjà en marche. Ainsi lorsque les subventions accordées aux acteurs culturels locaux étaient de 10,7 millions d’euros en 2015, elles ne sont plus que de 7,8 millions en 2016.
L’année 2016 apparaît comme une petite révolution dans le financement de ce secteur à Toulouse. Le Théâtre et l’Orchestre national du Capitole, ou le Théâtre national sont désormais partie intégrante du budget la métropole. Principale conséquence, la Ville rose a pu alléger ses dépenses culturelles de façon significative. Le budget alloué à la culture passe de 128 millions d’euros en 2015 à 80 millions en 2016.
Dans ce contexte, l’Orchestre national du Capitole (ONC) fait exception. Quand la majorité des acteurs culturels sont en souffrance à l’image des théâtres associatifs, l’ONC ne connaît aucune coupe budgétaire. Volonté municipale de sauvegarder une culture élitiste ? L’explication est ailleurs. « Le budget de l’orchestre est d’environ 14 millions d’euros et il se maintient depuis plusieurs années. La raison est simple, ce sont essentiellement des dépenses de salaire. Tant que l’orchestre comprendra 125 musiciens, le budget restera le même », précise Emmanuelle Imberty, déléguée générale d’Aïda. Cette association de mécènes apporte également revenus supplémentaires à l’orchestre à hauteur de 1 à 2% du budget total de ce dernier. Et a engendré, au début de l’automne dernier, une petite polémique.
Le crowdfunding de la discorde
Le 17 septembre dernier, Aïda lançait en effet sur Internet un crowdfunding. L’objectif : récolter des fonds permettant de rénover le parc de clarinettes mis à disposition des musiciens. L’opération a été un réel succès, puisque le montant initialement fixé (10 000 euros) a été atteint, puis dépassé, en l’espace d’une dizaine de jours seulement.
Mais ce financement participatif n’a pas vraiment plu aux membres de l’ONC. « Le public paie des impôts locaux. Nous sommes, nous, musiciens de l’orchestre, des agents publics, des employés de la métropole, déclare Yves Sapir, délégué syndical CGT de l’ONC, au micro de France Bleu Toulouse. Notre fonction est de favoriser la diffusion de la musique auprès de tous les publics (…). En termes de communication, cette opération de crowdfunding est très maladroite.» Déjà financé par les collectivités locales, avec un budget qui s’élevait à 14,42 millions d’euros en 2015, l’orchestre n’aurait donc pas besoin, selon plusieurs de ses membres, de demander à ses spectateurs de mettre eux aussi la main à la poche.
Du côté d’Aïda, présidée depuis 2001 par Francis Grass, l’actuel adjoint au maire à la culture (voir notre interview ici), on cherche à rappeler que « toutes les actions sont menées en concertation avec les musiciens, d’après Emmanuelle Imberty. Ça a bien sûr été le cas au sujet du crowdfunding.» Le délégué syndical de l’orchestre, Yves Sapir, n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien et n’a donc pas pu communiquer son point de vue à ce sujet.
Quand ce n’est pas la question financière qui fait débat, c’est la communication qui laisse à désirer. Décidément tout n’est pas simple dans la vie culturelle toulousaine…
par Pierre Loevenbruck et Raphaël Brosse