Le 4 février, le plus grand squat de Toulouse a pris feu. Plus de 600 personnes ont été évacuées. La plupart sont des demandeurs d’asiles sans aucun logement. Certains ont été relogés, d’autres ont fui et beaucoup ont perdu leurs affaires et tout ce qu’il leur restait. Rencontre avec deux d’entre eux, Mohamed et Amidou. 

A 27 ans, Mohamed habitait au squat du Muret depuis quatre ou cinq mois. D’origine guinéenne, il est arrivé en France il y a deux ans et demi et vit à Toulouse depuis octobre 2019. Amidou aussi est guinéen. Il a 25 ans et vivait dans le squat depuis son arrivée en France, en juillet dernier.

La mairie à condamné le bâtiment par arrêté municipal / crédit : Mathida DIABY

Où étiez-vous quand le bâtiment a pris feu ?

Mohamed : Je n’étais pas au squat quand il a pris feu. On m’a appelé quand j’étais dans le métro et j’ai tout de suis fait demi-tour. Le feu n’a pas pris dans la chambre ou je laissais mes affaires. J’ai perdu des vêtements. Heureusement, j’avais mes papiers importants avec moi. Le soir même, j’ai dormi chez un ami.

Amidou : Moi, j’étais à Muret quand le feu s’est déclenché. Je cuisinais au premier étage. Il y avait une femme avec un bébé dans la pièce. Elle s’est penchée par la fenêtre parce qu’elle a entendu des cris. « Sortez ! Sortez ! Il y a danger ». Elle a eu peur et a failli sauté par la fenêtre. Je l’ai retenue. On est descendu par les escaliers. C’est quand nous sommes arrivés en bas que nous nous sommes rendu compte qu’il y avait le feu.

Avant l’incendie, dans quelles conditions viviez-vous ?

Mohamed : Je partageais une chambre avec quatre autres personnes. On dormait, on cuisinait, on mangeait, on faisait tout dans la même pièce. C’était dur, quand même. Il n’y avait pas de douche. La nuit, on faisait chauffer de l’eau pour se laver dehors. L’électricité se coupait tout le temps. Souvent, on voulait préparer à manger mais on ne pouvait pas à cause des coupures d’électricité. C’était tellement sale. L’eau coulait sur les murs. Il n’y avait pas de chauffage alors qu’il y avait des familles avec des enfants.

Vous avez perdu des affaires ? 

Les débrits par terre témoignent de l’ancienne occupation du squat du Muret / crédit : Mathida DIABY

Amidou : Tout ! Je n’ai rien pu prendre avec moi. J’ai perdu mes vêtements et tous mes papiers, sauf le récépissé de demande d’asile. Ils ont envoyé des bus pour nous amener dans un gymnase. J’ai passé la nuit là-bas. Il faisait très froid. Ils nous ont donné des lits d’hôpitaux et quelques couvertures. Mais c’est comme si nous avions dormi dehors. Il y avait des femmes et des enfants. On nous a laissé trois jours là-bas. Ensuite, ils nous ont envoyés au Parc des Expositions sur l’Ile du Ramier. Je dormais dans le hall huit. Il faisait moins froid mais les conditions de vie n’étaient toujours pas bonnes. On y est resté deux jours. Depuis ils ont ouvert deux squats : à Blagnac et au Mirail.

Et maintenant, où vivez-vous ? 

Les agents de sécurité d’une société privée patrouillent autour du squat condamné du Muret / crédit : Mathida DIABY

Mohamed : Depuis, je dors chez des amis. Quelques associations nous sont venues en aide. Après l’incendie, je ne suis pas retourné au squat. C’est l’association Saveur d’Exil qui a récupéré mes affaires quand ils ont condamné le squat. J’ai reçu le statut de réfugié il y a quelques jours. J’ai fait une demande de domiciliation et j’ai rendez-vous mercredi.

Amidou : En ce moment, je dors dans le squat du Mirail. Aujourd’hui, j’ai été convoqué à la préfecture. Ils veulent me renvoyer en Espagne. Ils m’ont donné 48 heures pour me rendre à la police. Si je ne le fais pas, je serais considéré comme un fugitif. J’ai contacté un avocat pour faire un recours. J’attend la réponse. Si le recours est rejeté, je vais devoir quitter la France.

Au Mirail, un deuxième squat a été ouvert / crédit : Mathida 

La chambre de Amidou dans le nouveau squat du Mirail / crédit : Mathida DIABY