À deux semaines de l’échéance du Grand débat national, le gouvernement mise tout. En plus des cahiers de doléances, des contributions en ligne et des réunions d’initiatives locales, des stands mobiles de proximité sont déployés dans toute la France afin d’être au plus proche des citoyens. Avec une autre étudiante nous avons participé à cette mission. Reportage.

8h27 à la gare de Toulouse, nous montons dans le train direction Albi. Il y a une heure pour faire le point sur la journée qui nous attend. Après un entretien d’embauche réussi, une formation de deux heures et une réunion d’informations pratiques, l’idée est de récupérer de manière qualitative la parole des citoyens, via un formulaire papier ou en ligne pour la faire remonter et permettre une analyse approfondie des restitutions.

Plutôt sereine sur la journée qui arrive, Paula se confie :

« J’ai déjà participé à des forums étudiants en tant que représentante de l’école donc je suis assez familière avec ça. La seule question c’est peut-être la réaction des gens, dans le contexte de la crise sociale, certains peuvent être réticents au Grand débat ».

9h00. Arrivée à La Poste de la place principale de la petite ville de 50 000 habitants. Les employés du service public sont contents de voir de la « jeunesse » et s’amusent de cette « innovation ».

Un peu curieux quand même, un employé interroge : « Mais alors, dites-moi, qu’est-ce que vous faites ici ? ».

Nous expliquons : des formulaires sont à disposition des citoyens, sur les quatre thèmes principaux du Grand débat national : la transition écologique ; la fiscalité et les dépenses publiques ; la démocratie et la citoyenneté et l’organisation de l’Etat et des services publics. Ils sont à remplir sur papier ou directement en ligne sur les tablettes à disposition. En tout ce sont 75 questions réparties dans les différents questionnaires. Les consignes sont claires : l’objectif n’est pas quantitatif mais d’informer sur le Grand débat citoyen et ses modalités de participation.

Un public plutôt réceptif dans la matinée

10h15. Les clients commencent à arriver même si un employé précise : « On est en fin de mois, il n’y aura pas grand monde aujourd’hui. Les gens n’ont plus de sous à la fin de mois ». Et pourtant on ne se démonte pas, on approche les clients de La Poste en leur expliquant le principe et leur proposant de remplir les formulaires. Certains acceptent, d’autres les rejettent. Manque de temps, d’envie, d’informations. Mais déjà deux personnes sont assises sur les tabourets et attablées aux mange-debout à remplir les questionnaires en ligne. Au départ parti pour remplir un seul questionnaire, Philippe finit par remplir les quatre : « rapidement, c’est pas mal », reconnaît-il. L’initiative est saluée par plusieurs personnes, reconnaissant que « ce n’est pas qu’à la télé ».

En effet, pendant un mois, douze stands de proximité sillonnent en même temps la France couvrant 100 villes différentes, dans des postes ou dans des gares. Le dispositif a pour objectif de toucher des publics qui ne seraient pas forcément familiers au numérique. La participation au Grand débat se traduit désormais par 1 400 000 contributions en ligne enregistrées au 7 mars et 10 000 réunions locales.

Paula, recrutée par la Junior Entreprise de Sciences Po Toulouse, témoigne : « Je suis contente d’avoir pu y participer. Pour moi, c’est important de s’informer de ce qu’il se passe dans le pays, surtout en cette période. Il ne s’agit pas de promouvoir quelque chose mais d’informer les gens, de les inciter à participer et à donner leur avis et leur point de vue, quels qu’ils soient, pour faire avancer les choses. L’important c’est de faire comprendre que chacun a son mot à dire puisqu’il s’agit de l’avenir de notre pays. »

« Vous croyez que ça va aboutir à quelque chose ? »

13h00. C’est l’heure de la pause déjeuner. L’affluence est plus dense mais ce n’est pas sur cette plage horaire que nous récupérons davantage de questionnaires. Les clients n’ont pas le temps de répondre et repartent précipitamment. L’après-midi, le public est différent. Des personnes âgées prennent le temps de remplir les questionnaires, sur place ou pour chez eux. En effet, la plupart témoigne le besoin de réfléchir à tête reposée pour y répondre : « Je préfère le remplir chez moi, j’ai besoin de temps, de me concentrer. Là je n’ai pas mes lunettes », témoigne une dame âgée. Et même si certains remplissent les contributions, c’est parfois sans grande conviction : « vous croyez que ça va aboutir à quelque chose ? » questionne une dame.

15h00. Le référent départemental du grand débat, Didier Gardinal, passe nous voir à la poste. Au courant de la tenue de l’opération, il demande comment se passe la journée, quels sont les retours des clients de la Poste sur le Grand débat et leurs principales attentes.

Didier Gardinal en visite au stand de la Poste, de la place du Vigan à Albi. Photo : préfecture du Tarn

Le temps passe, les questionnaires se remplissent. Nous restons toujours souriantes malgré certains refus sévères :

« Je suis anarchiste, je ne participe pas à cette mascarade du gouvernement ! » répond une personne.

« Non, je suis trop vieille maintenant pour m’occuper de politique » indique une cliente. Ou encore : « non merci, ça ne m’intéresse pas, qu’on s’occupe d’abord de ce qui se passe chez nous, de toute façon on ne nous écoutera pas ! » s’indigne un monsieur. À cela, Léo Lesne, référent départemental des Jeunes avec Macron en Haute Garonne répond :

« Il y a tout un processus qui est préparé pour analyser les cahiers de doléances, des organisations, publiques ou privées, sont chargées de la lecture des contributions de masse. Il va en ressortir quelque chose ».

17h40. Nous plions bagage, rangeons le stand, envoyons les contributions papier et repartons en direction de la gare, retour à Toulouse. Paula se confie à la fin de la journée :

« Cela a été très intéressant pour moi et ça m’a beaucoup appris sur le sens que les actions du gouvernement ont pour ces gens. Je me suis vraiment sentie utile puisque j’ai eu l’impression de donner la parole à des personnes qui ne l’auraient peut-être pas pris d’elles-mêmes ».

Les stands mobiles continuent de faire le tour de la France. Un stand était installé dans la gare de Toulouse les 4 et 5 mars derniers pour ceux qui souhaitaient s’essayer à l’exercice et noircir les pages des questionnaires. Il est aussi toujours possible de donner sa propre contribution.

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