Le tribunal correctionnel de Paris a accueilli le 13 décembre dernier le procès de Laurence Arribagé, ancienne députée de Haute-Garonne et actuelle maire adjointe de Toulouse, poursuivie notamment pour dénonciation calomnieuse dans le cadre des élections législatives de 2017. Retour sur une affaire hors norme.

Le récit de cette machination politique digne d’un épisode de Baron Noir, prend racine à l’approche des élections législatives de juin 2017. Alors Maire de Flourens depuis 2014, Corinne Vignon est sollicitée par le comité électoral de La République En Marche qui veut jouer le tout pour le tout pour tenter de remporter la 3ème circonscription de Haute-Garonne jugée ingagnable par les macronistes. Poussée par un noyau de militants locaux qui l’enjoignent à se présenter, elle finit par accepter. Un choix vécu comme une véritable trahison par la député sortante de cette élection, Laurence Arribagé, qui voit d’un très mauvais œil cette candidature (similaire à la sienne sur le plan politique, ndlr) sortie de nulle part.

Nous sommes le 15 juin 2017 lorsque Corinne Vignon, alors en réunion à Toulouse Métropole, découvre un parterre de journalistes qui l’attendent à la sortie pour l’assaillir de questions. En cause, l’ouverture d’une enquête préliminaire à son encontre pour soupçons de travail dissimulé et fraude fiscale. La candidate à la députation tombe des nues et ne comprend pas du tout ce qui lui arrive.

Les dessous d’une machination politique

À l’origine de ces révélations dans la presse, pas besoin d’aller chercher trop loin, la fuite vient de son ancien employeur Frédéric Sartorelli. Alors en froid avec son ancienne employée, ce dernier ne supporte pas la perspective de voir Corinne Vignon devenir députée de la République. Accusation de faux CV, de faux arrêts maladie, activité de médium non déclarée… Frédéric Sartorelli sort l’artillerie lourde, mais les preuves tangibles de ses allégations sont en réalité plus que légères. L’accusation d’activité de cartomancienne non déclarée, correspond en réalité à 200 euros de prophétie réalisée au black. 

Qu’importe, l’occasion de faire tomber Corinne Vignon est trop belle. Sartorelli s’arrange pour rencontrer Arribagé et l’informer de la soi- disant « bombe » qu’il a en sa possession pour « éteindre » sa rivale politique. Laurence Arribagé met les deux pieds dedans et fournit à son nouveau complice, le numéro de différents journalistes locaux qui se chargeront d’ébruiter l’affaire.

C’est au tour de Marc Mienvielle, lui aussi prévenu au procès de faire son entrée dans l’intrigue. Alors numéro trois des services fiscaux de Haute-Garonne, il décide de déclencher une enquête fiscale d’une rapidité troublante portant sur les activités d’astrologue amateure de Corinne Vignon, dont elle n’aurait pas déclaré les revenus. Simultanément, celui-ci adresse un signalement judiciaire au parquet de Toulouse, sans vérifications préalables. Un élément qui alerte aussitôt les autorités judiciaires sur un potentiel risque de « machination politique ». 

Il faut dire que le timing dans lequel interviennent ces révélations est particulièrement suspect. Qualifiée à l’issue d’un premier tour plus que médiocre, Laurence Arribagé est, au moment de l’ouverture de l’enquête, en grande difficulté dans les urnes face à Corinne Vignon en passe de remporter le scrutin.

Suite à l’information judiciaire ouverte dès 2021, les enquêteurs mettent finalement la main sur des échanges de SMS sans équivoque entre les trois prévenus, renforçant définitivement l’idée d’un « complot » politique présumé aux yeux de la justice.

Une tentative de déstabilisation grossière finalement sans conséquences sur l’avenir politique de Corinne Vignon finalement élue en 2017. Bien que réélue confortablement en 2022, quelques traces de cette affaire restent tenaces dans le quotidien de l’ex Maire de Flourens que certains députés continuent encore aujourd’hui à appeler « Irma Vignon » dans les couloirs du Palais Bourbon.

De lourdes réquisitions

Plus de 6 ans après les faits, c’est à près de 700 km de la 3ème circonscription de Haute-Garonne que Laurence Arribagé s’est à nouveau retrouvée le 13 décembre dernier face à son ancienne collègue Corinne Vignon, devant la XIIe chambre du tribunal correctionnel.

Un procès attendu qui a débuté par une mise en contexte claire et sans concession de la présidente du tribunal Isabelle Prévost-Deprez, comme le retrace nos confrères de Médiacités Toulouse présents au procès. Soulignant que les actes reprochés à l’ex-député de Haute-Garonne visaient à déstabiliser la candidature de Corinne Vignon face à laquelle elle était opposée aux élections législatives de 2017.

À ses côtés sur le banc des prévenus, l’ancien directeur régional adjoint des finances publiques d’Occitanie Marc Menvielle, aujourd’hui à la retraite, et l’ex-employeur de Corinne Vignon, Frédéric Sartorelli.

Toujours selon nos confrères de Médiacités, le procureur de la République, Raphaël Morand, a insisté sur l’existence et la matérialité établie d’une telle manœuvre de déstabilisation personnelle et politique à l’encontre de Corinne Vignon. Avant de souligner le devoir d’exemplarité de Laurence Arribagé en tant que représentante de la nation.

À l’issu du procès, les réquisitions du parquet sont sévères. Trois ans de prison avec sursis et l’interdiction des droits civiques pour Laurence Arribagé, avec une exécution provisoire pouvant entraîner la destitution de son poste de maire adjointe. Marc Menvielle et Frédéric Sartorelli encourent respectivement trois ans et deux ans de prison avec sursis. Des amendes allant de 15 000 à 20 000 euros ont également été ajoutées aux réquisitions finales.

À nouveau contactés pour les besoins de cet article, les services de la Mairie de Toulouse et Jean-Luc Moudenc se refusent pour l’heure à tout commentaire. Seule allusion à l’affaire, un tweet du maire LR de Toulouse avec une photo de lui marchant aux côtés de sa fidèle alliée politique Arribagé, accompagnée de la phrase suivante : « En politique comme dans la vie, la fidélité ça compte. »

Tweeté deux jours après le procès de l’ex-députée, ce soutien assumé n’a pas manqué de faire réagir, notamment à gauche. François Piquemal, député LFI de Toulouse, s’est indigné dans un tweet incendiaire : « Le maire de #Toulouse apporte donc son soutien à sa bras droite jugée pour un complot politique contre une députée. Indigne de notre ville et d’une posture républicaine. »

Il faudra attendre le lundi 29 janvier pour avoir le fin mot de cette affaire, avec un délibéré fixé à 13h30.