Le 11 et 12 février avait lieu le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA) à Paris. S’il est clair qu’elle est lancée, la course française à l’IA emmène-t-elle la région Occitanie dans son sillage ? Faisons le point avec des chercheurs de l’université d’informatique de Toulouse.
Un chiffre était sur toutes les lèvres depuis l’annonce d’Emmanuel Macron le 9 février : 109 milliards d’euros seront investis dans l’IA. En écho direct aux 500 milliards de dollars annoncés par Donald Trump pour développer une IA américaine, la somme colossale doit être relativisée. « C’est de l’argent qui existe déjà, » révèle Laurent Perussel, directeur de la faculté d’informatique de Toulouse (IRIT) et chercheur en intelligence artificielle. « Il s’agit maintenant de mettre des étiquettes pour dire qu’il est investi dans de l’IA, c’est une compilation d’intentions d’investissements. » Tout comme le sommet qui avait lieu à Paris, « c’est du marketing, pour montrer tous les efforts qui ont été faits dans les dernières années, » pour Umberto Grandi, un des professeurs de la faculté d’informatique.
Umberto Grandi, lui aussi chercheur en IA, détaille : « Paris est devenu un marché pour les chercheurs et pour les experts d’IA en Europe, le sommet a formalisé cela. » S’il est clair que l’IA s’implante en île-de-France, peut-on en dire autant de la région toulousaine, et l’Occitanie par extension ? « Contrairement à ce que l’on croit, le premier employeur de l’Occitanie ouest, ancien Midi-Pyrénées, c’est l’informatique,» dévoile Laurent Perussel pour qui le réseau de start-up est «assez vivant.» A ce terreau fertile, s’ajoute aussi la présence « d’énormément de chercheurs dans l’IA à Toulouse, au LAAS [branche du CNRS, ndlr.] mais aussi dans des clusters » retrace Umberto Grandi.
« Il ne faut pas juste des chercheurs, il faut aussi du capital»
Umberto Grandi, professeur à la faculté d’informatique de Toulouse (IRIT) et chercheur en intelligence artificielle
Secteur-roi de la région toulousaine, l’aéronautique, pourrait attirer des entreprises dans l’IA. Au-delà de l’avion autonome, qui est un « vieux refrain » pour Laurent Perussel, les besoins en IA sont aussi dans la maintenance de l’avionnerie. Grâce à des modèles de données consolidés par de l’IA, les chercheurs souhaitent parvenir à de la «maintenance prédictive » comme la nomme Laurent Perussel, pour « établir des corrélations entre l’état actuel de l’avion et des pièces qu’il faudrait entretenir. C’est un gros morceau de ce que fait Airbus. »
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Au-delà de l’aéronautique, l’IA en Occitanie est aussi développée à des fins d’optimisation dans le secteur de la santé ou encore d’observations météorologiques. D’après un rapport de l’observatoire Deeptech en Occitanie, ce seraient déjà 170 entreprises implantées dans la région qui travaillent à développer différentes initiatives. Entre viviers de talents, lieux de formations et clusters d’entreprises high-tech, l’Occitanie renforce sa position comme région motrice dans la conquête de l’IA.
Des obstacles structurels difficilement surmontables
Si les perspectives sont prometteuses, les résultats sont encore loins. En cause : des problèmes structurels. Toulouse, à l’inverse de Paris ou Marseille, se situe trop loin des câbles sous-marins qui acheminent nos données depuis le monde entier. Selon Umberto Grandi, cela constitue un frein au développement de data centers en Occitanie. Or ces derniers, friands en énergie, sont absolument nécessaire à l’entraînement des IA.
« Il faut un réseau électrique stable, des centrales proches, et il ne faut pas juste des chercheurs, il faut aussi du capital, » développe Umberto Grandi. Faute de cela, la région toulousaine ne dispose pas de tous les atouts nécessaires pour devenir un pôle dynamique dans l’IA française. Bien loin des investissements qui se chiffrent en milliards pour la France, la Région Occitanie avait annoncé une enveloppe jusqu’à 60 millions d’euros pour créer « une IA de confiance» dans la région.
Le professeur d’université conclut : « Il y a les talents à Toulouse, mais pas le capital. Ce n’est pas une mauvaise chose, comme on l’a vu avec la Silicon Valley, les talents vont aller vers le capital.»