Inconnu de la justice, un homme de 21 ans a été condamné le 5 février à Toulouse à 3 ans de prison pour détention d’un fusil d’assaut et de drogue. Une valeur marchande de 114 000 euros a été saisie par la police. Une condamnation qui tombe au moment où la nouvelle proposition de loi de lutte contre le narcotrafic a été votée au Sénat le mardi 4 février.

Il est 19h30 au Palais de Justice de Toulouse. La salle d’audience des comparutions immédiates est presque vide quand un homme de 21 ans se présente dans le box des accusés. Le jeune toulousain comparaît pour des faits de détention d’arme de guerre de catégorie A de type AK47 et de drogue : 1 kg de cocaïne et 80 kg de résine et herbe de cannabis. Un total de 114 000 euros ont été trouvés dans son appartement de Villeneuve Tolosane. Une saisie surprenante alors que l’accusé présente un casier judiciaire vide. 

Des nouveaux profils de trafiquants ? 

« C’est un cas que nous avons rarement dans les tribunaux », déclare la présidente de l’audience à la lecture du dossier. « C’est une situation hors-normes par rapport à celui d’un simple vendeur que nous voyons d’habitude ». Pourtant, l’accusé assure n’être payé “que 50 euros pour tout ça ». 

Un phénomène de plus en plus courant qui témoigne d’un trafic qui se renouvelle. « Cela devient hors de contrôle, déclare le procureur de la République, la justice doit prendre des peines dissuasives pour stopper ça et casser les réseaux ». Un levier de recrutement des primo-délinquants à qui l’on assure des peines minimes en cas de poursuites judiciaires. Une façon de les convaincre de jouer un rôle actif dans le trafic de drogue. 

Un constat de hausse globale du trafic de stupéfiant qui a conduit le Sénat à adopter une nouvelle proposition de loi le mardi 4 février pour lutter contre le narcotrafic en France. 

En finir avec le trafic de drogue

Portée par les deux sénateurs, Etienne Blanc (Les Républicains) et Jérôme Durain (Parti socialiste) et également soutenu par le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau. Le texte a été transmis à l’Assemblée nationale qui devra à son tour se prononcer sur ce projet au mois de mars, avant d’être définitivement adoptée.

L’une des mesures phares de cette réforme est la création d’un parquet national anti criminalité organisée (Pnaco). Cet organe spécialisé aura pour mission de centraliser les enquêtes et de coordonner les actions judiciaires contre le trafic de stupéfiants, le blanchiment d’argent et la corruption. Inspiré du modèle du Parquet national antiterroriste (Pnat), il permettra « une plus grande efficacité dans le démantèlement des réseaux », selon les deux sénateurs.

Ce texte de loi souhaite l’instauration de cours d’assises spécialisées, exclusivement composées de magistrats professionnels. L’objectif est d’éviter les pressions et intimidations qui pèsent parfois sur les jurés populaires dans les affaires de crime organisé.

Autre aspect clé de la loi : la lutte contre les flux financiers du narcotrafic. Le texte prévoit la saisie systématique des biens acquis grâce au trafic de drogue, afin de priver les trafiquants de leurs ressources et d’affaiblir leurs réseaux. À cela s’ajoutent des mesures « antiblanchiment », pour permettre la fermeture administrative de commerces soupçonnés de blanchir de l’argent.

Les messageries chiffrées (Telegram, Signal, Whatapp…) sont également visées. L’objectif est clair : accéder aux conversations des trafiquants pour faciliter le partage des informations entre la justice et les services de renseignements.

Controverses chez les avocats 

Si la loi a été votée à l’unanimité au Sénat, en revanche le texte est contesté par de nombreux avocats qui y voient une entrave à l’exercice de la défense et à la vérité judiciaire. Au Palais de Justice de Toulouse où les dossiers liés au narcotrafic sont en hausses, le projet de loi fait débat. L’ancien bâtonnier de Toulouse, Pierre Dunac dénonce les dérives que peuvent engendrer cette loi. « C’est la porte ouverte aux illégalités qui peuvent être commises par les enquêteurs notamment avec l’utilisation des moyens intrusifs d’enquête comme les écoutes à distance et les infiltrations, explique-t-il, nous ne pourrons pas vérifier si les procédures d’enquêtes ont été faites légalement. »

Il critique également la création d’un parquet spécial basé à Paris, est rappelle que « le narcotrafic n’est pas comme le terrorisme, il y des régions plus touchées que d’autres, il faut donc des moyens localisés »

La loi doit être désormais examinée à l’Assemblée Nationale à partir du 17 mars.