Le président des États-Unis Donald Trump a déclaré vouloir faire de Gaza une nouvelle « Côte d’Azur » et vider le territoire de ses habitants, lors d’une visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à la Maison Blanche. Retour sur ces déclarations qui ont choqué la scène internationale avec Alexandre Hermet, enseignant-chercheur en droit international public à Sciences-Po Toulouse.

Donald Trump répond aux demandes de l’extrême droite israélienne, qui a été elle-même surprise par ces déclarations. Est-ce un projet que D. Trump peut réellement réaliser ou est-ce un moyen de mettre une pression ?

Alexandre Hermet : Il est difficile de répondre, car c’est compliqué d’essayer de prévoir ou de savoir ce que veut réellement Donald Trump. Par exemple, lorsqu’il a dit vouloir augmenter les droits de douane, beaucoup de gens n’y croyaient pas vraiment. Il l’a fait il y a quelques jours. Et finalement, il reporte ces mesures pendant un mois parce qu’il a obtenu des concessions – mais qui sont minimes. Un autre exemple est la question du Groenland. On pensait que c’était pour obtenir plus de droits notamment militaires ou économiques sans chercher à avoir une souveraineté totale. Au final, il cherche sûrement la souveraineté. Par ailleurs, techniquement, c’est difficilement réalisable. Ce projet va rencontrer l’opposition de toute la communauté internationale. Car le déplacement forcé de population est un crime contre l’humanité. Rien que pour cette raison ce n’est pas envisageable. Il a dit aussi cette nuit que les États-Unis allaient occuper Gaza. D’un point de vue juridique, cela soulève d’importantes difficultés. Si les États-Unis ne reconnaissent pas la Palestine comme un État indépendant, la majorité des pays soutient la solution à deux États et considèrent qu’Israël n’a pas le droit sur ces territoires, conformément à ce que dit l’ONU également. Il n’y a que les Palestiniens qui pourraient décider ou non si les États-Unis peuvent s’installer sur ce territoire.

Si Donald Trump décide d’aller jusqu’au bout de ce projet, la communauté internationale et en particulier les pays européens sont-ils assez puissants pour s’y opposer ?

AH : C’est difficile à dire également. Les pays européens vont d’abord essayer de s’opposer aux droits de douane que les États-Unis veulent leur imposer, comme l’a déjà déclaré Donald Trump. Je ne vois pas les Occidentaux réagir vivement. Peut-être d’autres pays le feront, notamment les pays arabes. En ce qui concerne l’ONU, il y aura des oppositions assez fortes. Les États-Unis seront minoritaires et ils se confronteront à des vétos. Ils ne pourront pas passer par l’ONU, alors est-ce qu’ils le feront unilatéralement ? Peu d’États pourront s’y opposer. La réaction la plus intéressante sera celle des pays arabes. Que feront-ils ? Mais je pense que celle des pays occidentaux ne sera pas très vive.

Est-ce que ces déclarations peuvent décrédibiliser les Etats-Unis sur la scène internationale ou au contraire renforcer sa position ?

AH : Peut-être que ce sont des positions qui sont difficilement tenables sur la scène internationale. Mais, parfois, les décisions critiquées sur la scène internationale peuvent être bien reçues par leurs électeurs. On ne sait pas.

Est-ce que ce projet va à l’encontre du droit international ?

AH : Oui, les États-Unis n’ont aucun droit sur les territoires palestiniens, Israël non plus. C’est de l’occupation, la Cour internationale de justice (CIJ) s’est déjà prononcée en ce sens. Le déplacement de populations est un crime contre l’humanité. Cela relève de la CPI, car la Palestine est partie à la Cour. La CPI a un poids limité, car les États-Unis et Israël refusent de l’appliquer. Ils sont également dans une position de contestation contre la Cour Pénale Internationale (CPI). Quoi que fasse la CPI, ils justifient leur discours en disant que la Cour est manipulée. Ils ne sont pas partie au statut de la CPI. Les États-Unis veulent sanctionner le Procureur de la CPI et son bureau, ils l’avaient déjà fait lors de sa première présidence. Les décisions de la Cour n’auront aucun impact sur la politique actuelle.

Quelles sont les réactions occidentales à cette déclaration ?

AH : La France a publié un communiqué en disant qu’aucun déplacement forcé de population ne pouvait être envisagé. Il y a toujours des réactions, même si on ne les entend pas trop. La grande question est jusqu’où sont prêts à aller les pays qui s’opposent aux États-Unis ? Les Européens n’iront pas très loin, je suppose. Ils vont défendre seulement ce qui les concerne directement comme sur la question des droits de douane. Mais que va faire la Russie ? Et que va faire la Chine ?

L’article a été modifié le 7/02/2025 à 9h52

Photo : capture d’écran de la conférence de presse