Du 2 février au 3 novembre 2024 se déroule l’exposition IA : Double Je au Quai des Savoirs à Toulouse. Une manière de sensibiliser sur le sujet de l’intelligence artificielle (IA). Avec l’arrivée d’outils comme ChatGPT et leur utilisation croissante par les élèves, l’enseignement a entamé une nouvelle transition technologique.
D’après une étude de Compilatio et de l’institut de sondage Le Sphinx, menée entre juin et août 2023 sur plus de 1200 enseignants et 4400 étudiants, 55% des étudiants déclarent utiliser un outil d’IA générative occasionnellement. Pas étonnant quand on voit le nombre de recherches des termes IA et ChatGPT augmenter dans les recherches Google ces dernières années.
« Avec mes élèves, il y a une sorte de contrat. Il y a des moments où ils peuvent utiliser l’IA, et d’autres où ils doivent travailler par eux-même »
Cécile Cathelin
Pour Cécile Cathelin, professeure de lettres au lycée, enseigner à l’heure de l’IA, c’est enseigner avec elle. « Je fais utiliser l’IA à mes élèves, explique-t-elle. Entre nous c’est clair dès le début de l’année, il y a comme un contrat entre eux et moi. Il y a des moments où je leur dis d’utiliser ces outils et d’autres où ils doivent travailler tout seul. » Une manière de contourner un usage abusif de ces outils par les élèves : « cela fait un moment que je ne leur donne plus de devoirs à la maison, poursuit-elle. Il y a trop de risques qu’ils utilisent ChatGPT. » Dans une interview pour Madame Figaro datant d’octobre 2023, Laurence Devillers, professeure en intelligence artificielle à la Sorbonne, expliquait que « la machine n’a pas beaucoup d’imagination […]. Si on confie trop de tâches à ces systèmes d’IA, on va perdre en intelligence collective car la machine standardise plein de choses dont on ne se rend pas forcément compte. » Elle est également intervenue au Quai des Savoirs le 6 février dernier pour donner un conférence intitulée « Comment éduquer à l’heure de l’IA ? ». Elle y a donné sa vision sur l’interaction entre IA et éducation. Le plus compliqué semble résider aujourd’hui dans le manque de ligne directrice pour l’éducation. C’est pour l’instant aux professeurs de tracer leur propre chemin et de trouver un équilibre fonctionnel dans l’usage des IA. Cécile Cathelin attend beaucoup des prochaines annonces gouvernementales : « Gabriel Attal a dit qu’il amenait l’éducation à Matignon, mais pour l’instant, on ne sait pas vraiment quoi faire. »
Une reconfiguration de l’enseignement
L’IA est pour l’UNESCO une manière d’atteindre le quatrième objectif de développement durable (ODD 4) de l’agenda 2030. Il s’agit d’un plan international visant à améliorer la situation mondiale en éradiquant la pauvreté et en se tournant vers le développement durable. L’ODD 4 s’intitule « Éducation de qualité » et a pour objectif de garantir « l’égalité d’accès à une formation professionnelle abordable, d’éliminer les disparités entre les sexes et de richesse et d’assurer l’accès universel à un enseignement supérieur de qualité ». Dans cette optique, l’UNESCO voit l’intelligence artificielle comme un outil pour faire progresser les élèves. Sentiment qui ne semble pas encore partagé par l’ensemble des professeurs : « j’ai beaucoup de collègues qui rejettent totalement l’IA de leur cours comme certains l’ont fait avec l’arrivée du numérique il y a quelques années », avoue Cécile Cathelin. Laurence Devillers expliquait à Madame Figaro que les professeurs « sont inquiets car [l’IA] remet en cause leurs habitudes. »
L’omniprésence de l’IA se fait également ressentir dans l’enseignement supérieur. « C’est un secteur qui m’a intéressé car j’ai senti les fortes opportunités qu’il proposait, explique Dylan Sechet, fraîchement diplômé de Centrale Supélec où il s’est spécialisé dans l’IA. Je suis d’ailleurs persuadé que nous ne sommes qu’au tout début de ce que l’IA nous réserve pour l’avenir. » Réelle volonté de former de futurs ingénieurs responsables ou simple coup de com, les formations techniques s’accompagnent de sensibilisations sociétales. « Nous avions un cours d’éthique et un cours d’informatique écologique », explique l’ancien étudiant.
Un cadrage normatif en mouvement
Le 24 janvier dernier, les pays membres de l’Union européenne ont voté à l’unanimité un projet de loi pour la régulation des intelligences artificielles : l’AI act. Il s’agit là d’une première mondiale. Le but est de déterminer les utilisations les plus dangereuses de l’IA. Trois catégories ont été considérées, allant des domaines qui ne nécessitent pas de régulation aux risques inacceptables comme l’usage de l’IA pour noter socialement les citoyens. Côté français, cela fait déjà quelques années que la question de l’intelligence artificielle a été mise sur le devant des scènes politique et économique. En 2018, Cédric Villani, mathématicien et homme politique, remettait au gouvernement un rapport sur l’IA. Peu de temps après arrivait la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle, lancée par le président Macron. Elle s’inscrit dans le cadre de France 2030, un plan ayant pour objectif de faire de la France un leader du monde de demain grâce à l’innovation. Avec des objectifs principalement économiques et industriels, 1,5 milliards d’euros étaient prévus pour mettre à profit cette stratégie nationale. Une première phase a consisté à structurer la toile des acteurs du domaine. Dans un second temps est venue une phase d’accélération et de diffusion de l’IA dans l’économie. Il y a depuis une volonté grandissante d’augmenter le nombre de formations autour de l’intelligence artificielle, bien que beaucoup d’enseignants restent dans le flou sur la marche à suivre.
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