Le cinéma inspire depuis toujours de nombreuses vocations. De l’acting en passant par la réalisation et l’écriture de scénario, à Toulouse, ils sont nombreux à espérer voir un jour leur nom sur une affiche ou un générique. Mais combien d’entre eux ont réussi à faire carrière dans ce milieu aussi attrayant qu’opaque et inaccessible ? Qui sont-ils, et à quoi ressemble leur combat ?
Alexandre G. est un passionné du grand écran depuis toujours. Déjà enfant, il réalisait des vidéos avec ce qu’il avait sous la main. Désormais âgé de 23 ans, il a troqué ses petites caméras amateures pour du matériel plus professionnel, et poursuit sa passion contre vents et marées. Rencontre.
Comment as-tu appris à faire des films ?
Je m’intéresse au cinéma depuis mes 10 ans, du coup j’ai commencé très tôt à m’amuser en réalisant de petites choses sans ambition. Ensuite, j’ai fait un bac pro photographie à Tours qui m’a apporté beaucoup de connaissances en technique. J’y ai appris le cadrage, les focales, comment raconter des histoires avec l’image, etc. On apprend forcément le cinéma, avec la photographie. Ce sont des domaines assez proches.
Puis, je suis monté à Paris pour faire un BTS audiovisuel. J’y faisais une alternance dans une entreprise de location de matériel audiovisuel. Pour la première fois, j’avais accès à ce qui se faisait de mieux sur le marché. Mais j’ai interrompu mes études parce que je ressentais le besoin de me consacrer au travail.
J’ai donc créé mon entreprise il y a un peu plus de deux ans, à l’âge de 21 ans : AGR Films. Mes contrats se limitaient surtout à ce qu’on appelle le “corporate”, des films institutionnels à destination des entreprises, des clips, des aftermovies, des lives… J’ai un peu touché à tout. Ça m’a permis d’avoir un salaire correct, même si c’est surtout la réalisation pour le cinéma qui me passionne vraiment.
Depuis que tu es à Toulouse, est-ce que tu arrives à vivre de la réalisation ?
En ce moment, je suis technicien audiovisuel pour le studio Lanfant, à Côte Pavée. C’est un ami rencontré dans un festival de court-métrage qui l’a ouvert il y a deux mois. Mais j’ai quand même beaucoup moins de travail que quand j’étais à Paris. Avant, j’arrivais à m’en sortir avec trois ou quatre missions par mois, payées en moyenne 500€ chacune. Ça m’assurait au moins un SMIC. Là, depuis que je suis à Toulouse, je n’ai trouvé aucune opportunité en-dehors du studio.
Une connaissance me prête son camping-car pour que je puisse vivre dedans, autrement, je n’aurais pas de solution de logement. C’est difficile et je me sens un peu démoralisé. Je suis dans la période clichée de l’artiste dans sa caravane qui galère. Mais j’ai quand même espoir que ça s’améliore au printemps, j’ai des projets qui pourront me permettre d’avoir une situation plus stable et de relancer la machine.
Après, pour l’instant, réaliser des films ça me coûte surtout de l’argent. J’ai dû créer des cagnottes en ligne à deux reprises, qui m’ont permis de récolter 2000€ chacune. Puis je me suis endetté sur un an pour financer mon dernier film. C’était 5000€ que je n’avais pas. Ça peut avoir l’air d’être une mauvaise idée, de mettre autant d’argent dans des films, mais ce sont mes bébés. Je ne peux pas ne pas les faire.
Comment décrirais-tu tes films ?
Mes histoires sont toujours axées sur la nostalgie. Je ne sais pas vraiment pour quelle raison ce thème revient, mais j’en ai toujours eu besoin dans mes films. Peut-être que je suis attaché à ma jeunesse, qui était agréable et pas difficile. Je crois que j’ai vraiment besoin d’écrire sur un sujet qui me touche, sur de l’humain. En tout cas, cet aspect m’est essentiel pour terminer un film, et en être pleinement satisfait.
Ils parlent aussi de ma vie, s’en inspirent. J’ai écrit Les amours silencieuses suite à une rupture difficile. Mon prochain court-métrage, Les enfants de la mémoire, je veux le consacrer à mon grand-père. Cela dit, je n’essaie pas de faire des films démoralisants ou tristes. Je veux surtout faire des films qui peuvent être vus et compris par tout le monde, qui font réfléchir sans pour autant tomber dans le débat.
D’un point de vue technique, j’utilise beaucoup les flash-backs. Et aussi des montages qui ne sont pas linéaires, presque désarticulés. Je trouve que ça permet de faire passer des informations d’une manière particulière, de faire ressentir les émotions différemment au spectateur. Ce n’est pas pour rendre l’histoire plus compliquée qu’elle ne l’est, mais plutôt pour jouer avec l’interprétation de l’histoire. J’aime aussi les ambiances très silencieuses et lentes, qui racontent davantage que le seul plan. Peu de dialogues, beaucoup de musiques. Après, je ne pense pas avoir de signature sur le style. Ça peut être du noir et blanc ou de la couleur, du cinémascope ou non, cet aspect-là n’a pas tant d’importance.
Peux-tu raconter un moment fort que tu as vécu et qui est lié au cinéma ?
En 2017, j’ai découvert le Kino Kabaret, un réseau international de festivals de courts-métrages. Ça a changé ma vie, parce qu’à ce moment-là, j’étais perdu. Je ne connaissais personne qui avait les mêmes ambitions dans le milieu. J’ai rapidement commencé à enchaîner la plupart des Kinos de France. J’y ai rencontré des gens formidables et les personnes qui sont aujourd’hui mes amis les plus proches. C’est aussi là que j’ai pu projeter pour la première fois l’un de mes films. Je n’avais que 17 ans à l’époque, j’étais encore un gamin qui rêve, alors ça a été très fort à vivre.
Et dernièrement, en octobre 2022, j’ai projeté pour la première fois mon film, Les amours silencieuses, au cinéma. La projection lui était dédiée, contrairement aux festivals qui diffusent des dizaines d’autres films. Les spectateurs étaient venus uniquement pour voir le mien. La salle était remplie. À la fin, ils ont applaudi, se sont levés… C’était un moment magique, plein de fierté. J’étais aussi soulagé, parce que ce film a représenté deux ans de travail. À ce moment-là, c’est vraiment ton moment. Comme ça arrive rarement, ça lui donne une saveur toute particulière.
Crédits photo : @clo_haren_cinema
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