Le cinéma inspire depuis toujours de nombreuses vocations. De l’acting en passant par la réalisation et l’écriture de scénario, à Toulouse, ils sont nombreux à espérer voir un jour leur nom sur une affiche ou un générique. Mais combien d’entre eux ont réussi à faire carrière dans ce milieu aussi attrayant qu’opaque et inaccessible ? Qui sont-ils, et à quoi ressemble leur combat ?

Kimberley B., artiste protéiforme en pleine introspection, a tout essayé : la production, la réalisation, l’écriture de scénario… Son destin, elle le rêve en grand et espère bien le voir se réaliser. Rencontre.

Comment en es-tu venue à essayer autant de choses dans le cinéma ?

À la base, je faisais plutôt de la musique. Du théâtre et du chant. Et puis, de fil en aiguille, je me suis retrouvée en école privée d’acting. Ça n’a pas été une bonne expérience. Les frais d’inscription étaient très chers, donc j’ai dû travailler à côté pour financer mes études, et la qualité de la formation n’était pas vraiment au rendez-vous. Cependant, j’y ai expérimenté l’écriture, la mise en scène, des choses qui m’ont passionnée.

À la suite de cela, j’ai commencé à faire des castings à droite et à gauche. Mais ça ne marchait pas du tout. Je n’étais pas prête en tant qu’actrice. C’était dur d’avoir l’impression de ne rien faire, de ne pas avancer. Je me mettais beaucoup de pression. Jusqu’au jour où j’ai eu un appel téléphonique qui m’a proposé un petit rôle dans un court-métrage sur Paris, dans une assez grosse production. J’ai fini par y faire un stage en tant qu’assistante de production et régie. C’était ma première véritable expérience sur un plateau de tournage. Ça a été un vrai tournant et j’y ai découvert de nouvelles compétences.

Aujourd’hui, ma situation actuelle est un peu confuse. Je n’ai pas l’étiquette d’un métier ou d’un poste. J’en suis à une étape de ma vie durant laquelle j’explore un maximum pour trouver mon métier de rêve. Dans les métiers du cinéma, tout me plaît. J’aime l’ambiance des salles, les moments de partage sur les tournages, me glisser dans la peau d’une actrice, raconter des histoires… C’est tout un processus de réflexion personnelle. Je me demande souvent : « Qu’est-ce que j’ai envie de tester, maintenant ? ».

Comment as-tu vécu l’expérience de Miss Tinguette, ton premier film ?

Miss Tinguette, c’est un film que j’ai co-réalisé avec mon frère et écrit pour son projet de fin d’année en école d’audiovisuel. Ça a été très compliqué, parce que j’ai dû apprendre toute seule à écrire un scénario. C’est différent de l’écriture d’une pièce de théâtre que je connais bien. Il y a des règles bien spécifiques. Et puis, un aspect beaucoup plus narratif, qui est moins lié au travail des comédiens.

Mais le plus gros challenge est venu après. On avait l’objectif de le faire diffuser. On avait envie de faire fructifier ce travail, d’essayer de voir les choses en grand. D’autant que le sujet du film, c’était justement la philosophie de ce qu’on était en train de vivre, dans la réalité : jusqu’à quoi on était prêts pour réaliser nos rêves. Du coup, on a démarché la mairie, les banques, fait des demandes de bourses… Comme je n’y connaissais rien, j’ai tapé à toutes les portes et espéré que cela fonctionne. Et ça a fini par être le cas.

Quand on se lance dans un projet comme ça, il faut tenir tous les jours, pendant des mois, et mobiliser beaucoup de force. Heureusement, j’y croyais de tout mon cœur et les étoiles étaient alignées. Le film a pu aller jusqu’en Belgique, il a été reçu au cinéma Wilson et au Rex. J’ai aussi fait beaucoup de rencontres grâce à ce premier film, ce qui m’a permis de participer à la création d’autres courts-métrages en tant qu’actrice ou productrice, notamment sur le festival 48 Hour Film Project en octobre dernier à Toulouse.

Pour toi, réussir dans le cinéma, ça veut dire quoi ?

Pour moi, réussir, c’est à partir du moment où le message que j’ai voulu faire passer dans mon film a un impact sur les gens. Qu’il crée quelque chose en eux. On travaille dans l’artistique parce qu’on a quelque chose à raconter, à exprimer, et qu’on a une vision qu’on souhaite partager. C’est vraiment un métier de soi vers les autres. Je dirais aussi que c’est de faire ça – vivre dans le monde du cinéma – tous les jours de ma vie. Je ne vois pas forcément Miss Tinguette comme un vrai succès, par exemple. Ça ne m’a pas permis de soigner mes angoisses sur l’avenir et je dois encore tenir moralement, parce que mon quotidien reste compliqué.

Aussi, le COVID-19 et ses conséquences ne sont pas à négliger. Comme la société toute entière a fait une pause, ça a permis à beaucoup de gens de se reconnecter à eux-mêmes. Et les gens ont commencé à raconter davantage leurs histoires, grâce à YouTube ou TikTok. Ça n’a jamais été aussi simple de faire des vidéos et de créer des films. Tout le monde peut le faire. Donc ça m’a fait me poser beaucoup de questions : « Qu’est-ce que j’ai de plus qu’eux ? Est-ce que j’y ai ma place ? Comment je peux faire pour réaliser ce que je souhaite ? » . En fait, en plus de tous les efforts que tu dois fournir pour réussir, il faut miser sur un travail que tu ne pourras avoir que plus tard. Il faut être un peu malade pour faire ça. Sans compter les exigences de la vie réelle comme se loger, se nourrir, etc.

Et face à cette idée de réussir, il y a les échecs. J’en ai peur et ça a tendance à me paralyser. À me plonger dans une sorte de néant. Dans l’inaction totale. J’ai un côté très perfectionniste et exigeant avec moi-même qui fait que si mon travail n’est pas parfait, alors je ne peux pas le sortir. Dans ces moments-là, il faut réussir à s’ancrer dans le réel. Mais le cinéma, c’est ma bulle. Je suis tout le temps dans l’imaginaire. Là, je suis sur l’écriture d’un nouveau scénario. Je pense que c’est déjà une forme de réussite, dans le sens où c’est une véritable épreuve qui me fait sortir de ma zone de confort. Mais c’est un combat quotidien et particulièrement fatiguant.

Crédit photo : Djason Demassey

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