La manifestation nationale du 19 janvier contre la réforme des retraites aurait mobilisé jusqu’à 2 millions de personnes. Pourtant, sur les sites de presse et leurs réseaux sociaux, la tendance n’est pas la même.

Basée à Toulouse, la société Atchik modère les commentaires des sites web de nombreux médias, ainsi que leurs réseaux sociaux. Parmi ses clients, elle compte de grands médias internationaux, nationaux et locaux (Le Parisien, RTL, La Dépêche du Midi, Radio France, INA, TV5 Monde, France 24, etc) qui ont couvert la manifestation du 19 janvier contre la réforme des retraites.

L’espace de commentaires n’a pas la côte

Selon les données d’Atchik, la manifestation n’a pas eu beaucoup d’écho sur les sites de presse. Le 19 janvier, l’article le plus commenté concernant la réforme des retraites est celui de France Inter, annonçant que la programmation de Radio France allait être perturbée par la grève. Avec 320 commentaires, cet article n’est pourtant que le 18ème le plus commenté de la journée, tous médias confondus. Avec plus de 1 400 commentaires pour la seule journée du 19 janvier, la première place revient à un débat avec François Hollande, concernant les milices Wagner au Mali, publié le 18 janvier, sur la page Facebook de RFI Afrique. En comparaison, l’article « l’inégalité des chances a un nom : Brad Pitt », publié le 17 janvier sur Radio France, engrange 582 commentaires en deux jours. Selon Brice Le Louvetel, directeur de l’entreprise Atchik, ce jour-là « a été l’un des jours les plus calmes de la semaine ».

Publication Facebook de France Inter du 19 janvier 2023

La réforme des retraites : un sujet clivant

Les médias sont pénalement responsables des commentaires laissés sur leurs réseaux. Mais ils disposent également d’une charte éditoriale qu’ils imposent aux sociétés de modération et à leurs lecteurs, jusque dans les commentaires, accentuant ainsi le risque de censure. Si les réactions se font plus rares sur les sites des médias, c’est parce que la modération est efficace. Toujours selon Brice Le Louvetel, « pour un sujet aussi clivant, les commentaires vont être rapidement insultants et vulgaires. Nous allons donc faire notre travail ». Il poursuit : « si vous vous sentez concernés par la réforme des retraites, vous allez sur des groupes Facebook très spécifiques ou encore sur des discussions privées de messageries comme Telegram et Whatsapp » , où la liberté de ton est plus importante. Mais cela a un effet pernicieux, car « les gens vont rester en compagnie de personnes avec qui ils sont d’accord », complète-t-il.

La contestation est moindre sur les médias

Ce qu’il décrit se nomme « le biais de confirmation », qui est « la tendance instinctive de l’esprit humain à rechercher en priorité les informations qui confirment sa manière de penser, et à négliger tout ce qui pourrait la remettre en cause ».

C’est sur « ces nouveaux réseaux que se déroulent le rassemblement et le déclenchement des contestations », prévient Brice Le Louvetel. À l’heure où selon un récent sondage IFOP, 68% des français sont contre cette réforme, les gens ont besoin d’espaces de discussion non modérés. «  Fin 2018, lorsque la crise des « Gilets Jaunes » a éclaté, on a tenté d’analyser a posteriori les prémices du mouvement, mais à part de tout petits bruits, c’était impossible à prévoir, car beaucoup utilisaient déjà les groupes privés pour exprimer leur mécontentement », affirme-t-il. D’après le baromètre annuel de La Croix, 54% des français se disent toujours méfiants envers les médias. Une tendance qui n’incite pas à venir s’y exprimer.