Le 2 février, Xavier Pavageau, le président du tribunal judiciaire de Toulouse, tirait une nouvelle fois la sonnette d’alarme : la justice toulousaine va mal et rien n’est fait pour l’aider. Le 8 février, un procès a eu lieu. Sur le banc des accusés, l’Etat, mis en cause pour « tentative de meurtre de la justice ».

Jamais la situation n’a été aussi critique. « La situation de 2023 est extrêmement dégradée, plus que les dernières années », déplore Maître Charlotte Cambon, avocate à la cour. La justice toulousaine est à bout de souffle. La racine de ce problème réside dans le manque de moyens matériels et humains. Le personnel souffre, les arrêts maladies pour épuisement professionnel s’enchaînent, et pas de remplacements en vue. « Il manque à l’heure actuelle, pour que ça fonctionne normalement, […] une centaine de fonctionnaires », magistrats et greffiers confondus. Des effectifs qui ne suffisent pas, entraînant une charge de travail qui double pour les fonctionnaires de la justice actuellement en poste.

Au niveau structurel, ce n’est pas une situation récente. À l’échelle nationale, le manque d’effectif est déjà dénoncé ; « il faudrait plus de magistrats, plus de fonctionnaires », et ce, sur l’ensemble du territoire. Ici à Toulouse, les dossiers s’accumulent et le retard devient trop important. « On est à un moment de rupture avec des services entiers qui sont à l’arrêt ». Au tribunal pour enfants, il n’y a même plus d’audiences.

Le 8 février dernier, dans une intention de faire à nouveau entendre leur détresse, un faux procès de cour d’assises a été mené par des avocats et des fonctionnaires de la justice. L’Etat, au sens large, était accusé de « tentative de meurtre de la justice ». « Je suis intervenue en tant que témoin, comme les magistrats et les greffiers, pour parler […] de cette dégradation et de l’effet que ça a, à la fois sur eux, sur nous et puis sur les gens surtout » rapporte l’avocate de la cour. Le verdict final est sans appel : l’Etat est condamné à la création de 45 postes de juges et magistrats supplémentaires.

« C’est la crise absolue »

Les conditions de travail ont provoqué le développement d’un nouveau phénomène : devoir prioriser certains dossiers. Ce qui devait être à l’origine un traitement chronologique, par ordre d’arrivée, est à présent le fruit d’un tri selon le degré d’urgence. Et pour les magistrats « personne ne les aide à décider comment on fait quand on n’a pas assez de temps pour faire ce qui doit être fait », s’inquiète Maître Cambon.

C’est au niveau des affaires familiales que l’état de l’appareil judiciaire s’en retrouve le plus impacté. « On en est rendu à un stade […] où on ne peut même plus prioriser les choses, on ne peut plus travailler », et ce sont les justiciables qui en sont les victimes collatérales. Comme l’explique l’avocate, « c’est la crise absolue », il n’y a pas de méthode ; il est complexe, voire impossible, de choisir quel dossier prioriser quand il s’agit de vies posées dans la balance. Les difficultés psychologiques arrivent. Pour les magistrats qui doivent faire ces choix-là, c’est une souffrance.

« Pour l’instant c’est silence radio »

De son côté, l’Etat entend mais ne semble pas réagir. C’est en tout cas ce que constate Maître Cambon. « Pour l’instant c’est silence radio », mais il est déjà trop tard. Un état des lieux de la justice est mené, deux à quatre fois par an. Les informations, le Garde des Sceaux et la Chancellerie les ont déjà. Seulement, les réponses apportées ne correspondent pas. De temps en temps, des contractuels sont dépêchés afin de combler le manque d’effectifs dans certains services. « Le peu de moyen qui est envoyé, non seulement il n’est pas suffisant, mais il n’est pas adapté dans sa nature ». Il s’agit en majorité de personnel à former, parfois des étudiants, qui certes, peuvent aider dans la gestion administrative, mais qui ne peuvent se substituer aux magistrats.

La prochaine échéance, c’est le 17 février. Ce jour-là seront annoncées les nominations des magistrats au tribunal judiciaire de Toulouse pour les six prochains mois. Ce mercato a lieu deux fois par an ; des mouvements entre les tribunaux de l’Hexagone permettent aux fonctionnaires d’être mutés et, dans ce cas précis, de combler des besoins en effectif. « On va voir si on a suffisamment de réponses aux sièges vacants ». Une réaction se fait attendre, reste à voir si ce sera la bonne.

Crédit photo : Margaux Bégards