Ce mardi 9 janvier 2023 s’ouvrait à la Cour d’Assise de Haute-Garonne le procès de six prévenus jugés pour associations de malfaiteurs en vue de commettre des actes criminels. En cause : un home-jacking particulièrement violent pour les deux retraités victimes, appelés à témoigner à la barre ce matin.
Les prénoms des protagonistes dans cette affaire ont été modifiés à des fins d’anonymat.
Il est près de dix-neuf heures le 27 décembre 2018, lorsque Brigitte et Gilbert, deux retraités habitant une maison cossue du quartier de la Côte Pavée à Toulouse, s’apprêtent à dîner devant la télévision. Alors affairée en cuisine pour clore les préparatifs du dîner, Brigitte entend sonner et se dirige spontanément vers la porte d’entrée pour ouvrir. Alors qu’elle pense avoir à faire aux traditionnels étrennes de fin d’année, elle se retrouve violemment projetée au sol à peine la porte entrouverte. S’engagent alors deux hommes cagoulés respectivement armés d’un taser et d’une arme de poing. Alerté par les cris de sa femme, Gilbert déboule dans le salon et n’en croit pas ses yeux. Sa femme est au sol apeurée, une arme à feu sur la tempe. Ils sont ensuite tous deux ligotés et dépouillés de leurs effets personnels de valeur.
Des victimes encore traumatisées
Près de cinq ans après les faits, le couple de retraités s’exprime encore la voix chevrotante en se replongeant, à la barre, dans les détails de cette affaire. Dans le box des accusés, cinq hommes et une femme. Récidivistes, les deux individus armés au moment des faits encourent la prison à perpétuité. Un troisième individu risque dix ans. Tandis qu’un couple d’une cinquantaine d’années et un autre homme, reliés à l’affaire grâce à la téléphonie, risquent cinq années de réclusion.
Les nombreux appels et SMS interceptés par les enquêteurs ont permis de mettre au jour une véritable petite organisation criminelle bien huilée. Réunions de préparation, rôles assignés pour s’équiper dans les règles et agenda strictement tenu… La chambre du tribunal correctionnel, en charge du jugement en première instance, n’a pas hésité longuement avant de renvoyer ce procès aux assises.
Dès les premières minutes, une scène surréaliste interrompt la longue introduction du procès par le président. Après une courte présentation individuels des prévenus, l’un des protagonistes risquant la prison à vie dans ce dossier se lève et lance au couple de retraités : « En tant qu’ancien braqueur de banque, je peux vous dire qu’on a jamais commis de violence envers qui que ce soit. Vu ce que j’ai vu dans ma vie et entendu en prison, je peux vous dire que vous vous en sortez bien ! ».
Déconfit, le président de la Cour le stoppe net, visiblement agacé de voir le prévenu enjamber l’ordre des débats avec si peu de délicatesse. Avant de l’interroger : « Un braquage ce n’est pas de la violence ? ». « Morale oui mais physique certainement pas ! », rétorque le prévenu, convaincu de sa bonne foi. Les avocats de la défense se regardent étonnés. L’un d’eux sourit.
Le procès, découpé en plusieurs sessions qui devraient courir jusqu’à la fin du mois, est lancé.
« J’ai même cru que c’était des copains qui nous faisaient une mauvaise blague »
Lorsqu’il revient sur cette nuit d’horreur, Gilbert n’en revient toujours pas. « Sur le moment je comprends pas tout de suite, je crois à une plaisanterie. Quand je vois dans le salon ces types masqués et armés me braquer c’est difficile de réaliser. J’ai même cru que c’était des copains qui nous faisaient une mauvaise blague. »
Avant de revenir sur les précédents propos du prévenu : « Tout ça, c’est de la violence et c’est insupportable d’entendre que l’on s’en sort bien après tout ce temps ! Vous devriez revoir votre axe de défense car si c’est votre argumentaire ‘vous êtes en vie, fin de l’histoire’ ça risque d’être un peu léger ».
À la demande du juge, le retraité poursuit son récit.
Lorsque les braqueurs conduisent le retraité à son coffre fort et réalise qu’il n’y a que 4000 euros, ils deviennent agressifs et demandent où est le reste. Un élément qui a aussitôt interrogé les enquêteurs. Visiblement, les braqueurs savaient ce qu’ils faisaient et où ils mettaient les pieds.
Mais pourquoi et comment ? C’est la question que pose l’avocate générale en guise de conclusion de l’ouverture de ce procès.
La suite des débats permettra notamment d’éclairer les détails d’un deuxième vol similaire commis en Espagne avec un scénario toutefois différent : les prévenus se seraient grimés en faux policiers pour entrer en contact avec leurs victimes.