Depuis l’entrée en vigueur du Brexit, les Britanniques ont perdu le droit de voter en France et en Europe. Pour certains comme Nicholas Fletcher qui l’ont déjà perdu outre-Manche, c’est une plongée dans un vide juridique qui touche aux droits essentiels de tout citoyen. 

Être citoyen et ne pas voter, cela paraît paradoxal mais c’est pourtant possible. Et plus près de chez nous qu’on ne le pense. À Deyme (Haute-Garonne), c’est devenu réalité pour Nicholas Fletcher. Ce Britannique qui vient d’arriver à la retraite est une des nombreuses victimes collatérales du Brexit, devenu effectif le 31 janvier 2020. Né dans le nord de Londres, au Royaume-Uni, il avait voulu partir de son pays pour s’ouvrir à la France et à l’Europe. Aujourd’hui, elles se ferment à lui. 

Parti de son pays natal en 1973, le Londonien se dirige vers la région la plus british de la France : le Sud-Ouest. Après avoir roulé sa bosse pendant quelques années à travers la Dordogne, le Tarn-et-Garonne ou encore le Lot-en-Garonne, Nicholas Fletcher pose définitivement ses valises dans la région de Toulouse. Ébéniste, il y monte son entreprise de construction et de réparation de meubles en bois. De fait très investi dans la vie économique de la région, il décide de s’impliquer dans la vie politique de Deyme. Quarante ans après s’être installé sur le sol, il est élu au conseil municipal de sa commune en 2014. Avec l’officialisation du Brexit, le retraité passe du statut de citoyen européen à extra-communautaire. Bien qu’élu, il se retrouve sans le droit de voter, ni de se représenter. Une situation selon lui « illogique », qui le laisse très amer. « C’est très frustrant. J’habite en France depuis les années 1970 et je ne peux même pas y voter ». 

Un problème aussi grave que singulier

D’autant plus que Nicholas Fletcher est également victime de la même situation de l’autre côté de la Manche. En effet, selon la loi britannique, les citoyens qui ont quitté le territoire national depuis plus de quinze ans, perdent la possibilité de voter. « En revanche, ne pas pouvoir voter en Angleterre me semble logique au vu de ma très longue absence », admet-il. Une double-lame nouvelle que constate aussi Andrew Milne, Britannique et directeur des relations internationales à Sciences Po Toulouse. « Désormais, si les Britanniques sont en dehors du Royaume-Uni depuis plus de 15 ans, ils n’auront effectivement aucun droit de vote ni dans leur pays de naissance, ni dans leur pays de résidence ». Brexit ou pas, la loi britannique n’est pas prête de changer. En 2013, la Cour européenne des droits de l’Homme a débouté Harry Shindler, qui avait protesté devant l’instance contre cette même loi. Elle a déclaré laisser le soin au Royaume-Uni de décider du droit de vote de ses ressortissants. 

Pour sortir de ce vide juridique singulier, reste la solution de la naturalisation. « Personnellement, j’ai perdu mon droit de vote au Royaume-Uni après quinze ans d’absence sur le territoire. Mais, je suis naturalisé et j’ai une double nationalité qui me permet de voter en France aujourd’hui », ajoute Andrew Milne. Malgré ce qu’il considère comme une injustice, cette option n’entre pas dans les plans de Nicholas Fletcher. « Je ne compte pas me naturaliser. Du moins pour l’instant », confie-t-il. Pour autant, il compte bien rester dans son pays d’adoption où il a établi sa vie.