En mars 2012, la région toulousaine était frappée par des actes de terrorisme perpétrés par Mohamed Merah. La communauté juive de la Ville rose a été la plus sévèrement touchée avec l’assassinat de trois enfants et d’un professeur le 19 mars 2012 à l’école Otzar Hatorah. Cinq ans après, les blessures ne sont pas encore refermées.
« C’est très dur d’être traumatisé à ce point » confie Marc Fridman, vice-président du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France). « Quand un matin à 8h vous recevez un SMS de vos enfants vous disant qu’il y a des tirs dans l’école, votre sang ne fait qu’un tour » ajoute-t-il. Cinq ans après l’attentat perpétré par Mohamed Merah, la communauté juive de Toulouse n’a toujours pas retrouvé ses marques. Avec environ 12 000 membres, cette communauté est très discrète dans la Ville rose. Encore plus depuis ce funeste mois de mars 2012. Marc Fridman est de ceux-là : « Je ne laisse plus mes enfants prendre le métro, c’est trop dangereux ». Ses deux enfants étaient à l’école Otzar Hatorah lorsque celui qu’on appellera « le tueur au scooter » a ouvert le feu. A la question de savoir si un retour à la normale est possible, le vice-président du CRIF hésite quelques instants, puis répond : « Peut-être après plusieurs générations. On ne peut pas oublier comme ça, si vite ».
Passés les événements tragiques et la marche blanche à Toulouse qui a réuni 10 000 personnes, un sentiment d’incompréhension demeure. Notamment après l’attentat de Charlie Hebdo et la marche du 11 janvier qui a réuni presque quatre millions de personnes dans les villes françaises. « On avait moins de gens à Toulouse à la marche blanche après la tuerie d’Otzar Hatorah. Pourquoi ? » s’interroge encore Marc Fridman. Toutefois, les soutiens ont afflué de partout. La communauté chrétienne de Toulouse s’est beaucoup mobilisée, de même que certains membres du clergé musulman, dont Hassen Chalghoumi, imam de Drancy. Un soutien qui « aide à la reconstruction », reconnaît Marc Fridman.
En 2015, 300 familles juives toulousaines ont quitté la ville
Dans la religion juive, il est possible pour le croyant de faire son « alya », c’est-à-dire d’aller vivre en Israël. Depuis les attentats de 2012, de plus en plus de Français juifs sont tentés par ce déménagement en Israël. Et pour cause : en 2015, environ 300 familles toulousaines ont fait leur « alya », et environ 8000 Français juifs les ont imités, selon les données du CRIF. L’argument sécuritaire semble à première vue être fort : « Les gens se disent que là-bas ils peuvent se défendre. Il y a beaucoup de gens armés dans les rues » complète Marc Fridman. Mais cette raison n’est que complémentaire à d’autres, notamment à celle de vouloir retourner en Israël pour des convictions religieuses. Bien qu’en 2016 le nombre de Français juifs partis en Israël diminue, il y en a toujours parmi eux qui reviennent.
« On estime qu’environ 20 à 30 % des personnes ayant fait leur alya reviennent en France. La société israélienne est très dure : vous arrivez là-bas sans contact, sans travail, il faut vraiment une volonté de fer pour s’intégrer »
Le vice-président du CRIF Midi-Pyrénées y a parfois pensé, à faire son alya. « Mais partir serait déserter. Nous sommes des Français, nous avons une culture française, on ne peut pas partir comme ça » estime-t-il.
Des mesures de tous les jours pour se protéger
Quand on lui pose la question du soutien de l’Etat, Marc Fridman est catégorique : « L’Etat a tout fait pour nous aider. Nous avons des militaires qui protègent l’école Ohr Torah, ils ont vraiment été là pour nous ». Mais les parents d’élèves ont eux aussi dû s’organiser : des parents volontaires patrouillent autour de l’école pour signaler les dangers potentiels, l’école a été équipée en matériel de sécurité. « C’est quand même étrange de voir qu’on emmène nos enfants dans une école qui ressemble beaucoup plus à un camp retranché militaire qu’à un lieu d’éducation », dit Marc Fridman. Et pour lui, la solution passe par une union des communautés contre le radicalisme. « Des ponts ont été jetés, maintenant il faut concrétiser, qu’on soit tous ensemble » ajoute-t-il. Mais pour l’instant, les plaies de la communauté juive de Toulouse ne sont toujours pas cicatrisées. Il faudra encore des années, car la rémission est lente.