Depuis quelques jours, les articles sur la prostitution étudiante se multiplient. Cet intérêt soudain pour le monde de la prostitution est le fruit de la publication de deux ouvrages écrits par des étudiantes. Retour sur une controverse.

En 2008, le tabou de la prostitution étudiante a été brisé grâce à la sortie de deux livres. Eva Clouet, étudiante en Master 2 en sociologie à l’Université Toulouse le Mirail, a décidé d’enquêter sur le phénomène. Elle publie son mémoire sous le titre La prostitution étudiante à l’heure des nouvelles technologies de communication [[Eva Clouet, La prostitution étudiante à l’heure des nouvelles technologies de communication, édition Broché]]. De son coté, Laura D., étudiante en deuxième année de Langues Étrangères Appliquées, témoigne de son expérience personnelle dans Mes chères études – Etudiante, 19 ans, job alimentaire : prostituée [[Laura D., Mes chères études – Etudiante, 19 ans, job alimentaire : prostituée, édition Broché]]

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40 000, c’est le nombre d’étudiants qui se prostituent en France, selon le syndicat SUD-Etudiant. Cette estimation serait largement surévaluée. Elle fait l’amalgame avec le chiffre issu d’une enquête de l’Observatoire de la Vie Etudiante (OVE) qui évalue à 45 000 le nombre d’étudiants vivant sous le seuil de pauvreté en France (environ 650 euros). Il est en effet très difficile de chiffrer le phénomène : « Entre 2 000 et 20 000 personnes », d’après La Dépêche du Midi. [[La Dépêche du Midi, 13 janvier 2008.]] Tout dépend de la définition que l’on donne au mot « prostitution ».

Les étudiants qui se prostituent ne le font pas dans la rue…

Eva Clouet met l’accent sur l’impact des nouvelles technologies sur le phénomène. Internet, comme le minitel à son époque, favorise les services de messageries roses, mais apporte de nouvelles possibilités. Ainsi, les services de Webcams coquines ou de blog érotiques envahissent le net. À Montpellier, une étudiante se sert même de la Toile pour « vendre ses petites culottes portées ». Sur Internet, des annonces vantent les services « d’escort-girls » –
ces femmes qui accompagnent des hommes pour des dîners, des soirées ou des vacances – ou de « masseuses ». Elles dérivent parfois vers des prestations bien plus « amicales » lors de la rencontre.

Lydie, étudiante et membre de l’association Mouvement du Nid [Association Mouvement du Nid ], s’indigne contre la victimisation produite par les médias. « Les filles qui bossent dans des bars à hôtesses pour pousser les clients à consommer de l’alcool sont aux portes de la prostitution, mais généralement elles ne vont pas jusqu’au bout. Certaines les franchissent mais le font de manière occasionnelle pour arrondir leurs fins de mois ». La jeune fille déplore cependant que certaines, plus fragiles, n’arrivent plus à sortir de la prostitution et se retrouvent vite dans des systèmes bloqués.

« Je ne vois pas une grosse différence entre être exploitée dans un fast-food et faire le tapin, lâche un responsable de l’association règlementariste toulousaine Grisélidis [[Association Grisélidis – 14 rue Lafon, 31000 Toulouse – 05 61 62 98 61 – Bus et Urgences 06 71 59 27 36]]. Maintenant, ce n’est la vocation de personne, tout comme ce n’est la vocation de personne d’être caissière. On devrait commencer par aider les étudiants pour ne pas qu’ils aient à travailler à côté ».

Pour Rosine Baron, directrice de l’association abolitionniste l’Amicale du Nid à Toulouse [[l’Amicale du Nid (31) – 6 rue de l’Orient, 31000 – 05 34 41 57 60]], « la prostitution étudiante ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Le principal problème est souvent celui du financement des études. Aujourd’hui, la prostitution devient inquiétante car on la banalise sans se poser les bonnes questions. Il faut se demander comment ces personnes sont arrivées à ces pratiques prostitutionnelles, comment elles le vivent et qui sont-elles ? » Pour elle, il y a toujours des raisons qui amènent à la prostitution.