En 1939, près d’un demi-million de républicains espagnols sont contraints à l’exil pour fuir le régime fasciste de Francisco Franco. Parmi eux, environ 20 000 posent le peu de bagages qu’ils ont à Toulouse. 85 ans plus tard, des associations comme le Centre toulousain de documentation sur l’exil espagnol (CTDEE) œuvrent pour faire perdurer la mémoire de ces exilés espagnols. 

Suite à un exil massif en 1945, près de 10% de la population toulousaine est espagnole. Dans cette France de l’après-guerre, les Espagnols sont assignés à des postes subalternes, souvent comme ouvriers. Ils n’ont pas le statut de citoyen français, pas même de droit du sol pour les enfants nés en France et ils vivent dans les quartiers populaires d’Arnaud Bernard et Saint-Cyprien. 

Toulouse, « capitale de l’exil espagnol »

Si Toulouse est considérée comme la capitale de l’exil espagnol c’est en partie grâce à l’héritage culturel des exilés dans la ville rose. Ainsi, dès les années 1950, par solidarité communautaire, de nombreuses manifestations culturelles ont lieu à Toulouse, notamment mises en place par une organisation culturelle nommée l’Ateneo espagnol, fondée en 1958. Azucena, membre du CTDEE dit à ce propos : « il y avait des manifestations, des spectacles, des bals, des syndicats, une équipe de foot qui permettaient de renforcer les liens. » L’Ateneo, comme d’autres organismes, permet de faire perdurer une hispanité importante à Toulouse dans les années 60 et 70. Le CTDEE décrit en détails cet Ateneo dans un de ses cahiers qui lui est consacré.

Un héritage politique prégnant

Outre l’héritage culturel, prédomine un héritage politique fort de cet exil des républicains espagnols. En effet, cet exil étant politique, il apporte de façon inhérente avec lui des revendications politiques fortes. Toulouse a été une terre importante de refuge du principe même de républicanisme espagnol. Preuve en est, l’exil du Parti socialiste et ouvrier espagnol (PSOE) en 1939, où il installera son siège au 69 rue du Taur ou encore l’installation de syndicats espagnols tels que la CNT et l’UGT. L’héritage politique réside également dans l’engagement des républicains espagnols et de leurs enfants dans le mai 68 toulousain. Même dans le paysage politique de la région, l’héritage de la Retirada se fait ressentir. Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, est ainsi descendante de réfugiés espagnols. 

Placer, la présidente du CTDEE, déclare : « forcément il y a une transmission de certaines valeurs politiques issues de cet exil, cela nous a construit politiquement. » Dans ses choix de vie, elle a aussi hérité de principes républicains, notamment celui de l’importance de l’école, en devenant professeur d’espagnol. 

«Il y a un fossé énorme entre les paroles et les actes»

L’héritage culturel et politique est donc réel pour les descendants d’exilés espagnols. Pour autant, ils regrettent un manque de considération de la part des autorités. Jeanne, du CTDEE, affirme : « entre le discours politique autour de « la capitale de l’exil » et les actions réelles le fossé est très grand. Nous réclamons juste que les faits soient en adéquation avec les paroles. »

Cathy, une autre membre, ajoute : « c’est difficile avec toutes les autorités en réalité : la mairie, le conseil départemental, la Région. Nous sollicitons des rendez-vous, nous envoyons des mails mais pas de réponses. » C’est le double discours que pointent du doigt les femmes de cette association, entre la promotion de cette image de Toulouse comme « capitale de l’exil espagnol » et le peu d’actions réelles mises en place pour la sauvegarde de la mémoire des républicains. 

Sur ce manque de considération, les membres du CTDEE militent tant bien que mal pour l’ouverture d’une maison de la mémoire de l’exil espagnol et récemment pour retrouver des locaux après leur prochain délogement contraint par la mairie. L’ouverture d’une maison de la mémoire revêt une importance primordiale dans la transmission aux nouvelles générations de ces mémoires de républicains espagnols et des atrocités commises par le régime fasciste de Franco.

Crédit photo : Marco Cunill