Quand un enfant naît avec un ou deux pieds bots, il est soigné tout au long de sa croissance. A Toulouse, Myriam Priou détaille le parcours de soin de Maïlo, son bébé âgé de quinze mois, et explique les difficultés de leur quotidien.

 « Ça a été un choc ». Quand l’échographe lui a annoncé, à son cinquième mois de grossesse, que l’enfant qu’elle attendait allait naître avec un pied bot, Myriam qui vit à Toulouse, a été chamboulée. Finalement, c’est avec les deux pieds bots que Maïlo naît en octobre 2022.

C’est une malformation qui se développe lors de la grossesse et qui touche environ un enfant sur 1000 en France. Les enfants nés avec des pieds bots ont les pieds naturellement tordus. La grande majorité étant des pieds bots varus équin : varus signifie qu’ils sont tournés vers l’intérieur de la jambe, et équin, que les pieds pointent vers le bas. 

Myriam et Maïlo avec son attelle. Crédit : Myriam Priou

Il n’existe que des théories sur leur apparition mais les scientifiques privilégient la raison génétique. « C’est la première question qu’on nous a posé lors de la découverte à l’échographie : ‘Est-ce que vous avez quelqu’un de la famille qui a les pieds bots ?’ En cherchant, on a découvert qu’un oncle de mon compagnon les avait. La cousine de mon père également. » explique Myriam. « Même si les deux pieds étaient touchés et pas qu’un seul, on a quand même eu quelques mois pour digérer la nouvelle et se préparer. Mais il arrive que certains parents le découvrent à la naissance. Et là, ça doit être terrible. »

Dès la naissance, une succession de plâtres

Au centre hospitalier universitaire (CHU) de Purpan, à Toulouse, tous les enfants avec des pieds bots de la région Occitanie sont suivis par le chirurgien Abdelaziz Abid. Une à deux semaines après leur naissance, il évalue chacun des pieds bots selon la classification, dite de DiMeglio, avec un score compris entre zéro et vingt. Plus le score est élevé, plus le pied bot est considéré comme sévère. L’angle de torsion et la raideur des pieds sont les deux principaux éléments pris en compte pour le déterminer.

Selon le site soignerunpiedbot.com, un pied bot est considéré comme sévère à partir de 10/20 et très sévère à partir de 15/20. « Maïlo avait un score de 9/20 au pied gauche, et un score de 12/20 au pied droit, témoigne Myriam, ça aurait pu être pire ». 

Classification de DiMeglio selon le site soignerunpiedbot.com

Suite à cela, des plâtres successifs sont posés chaque semaine, pendant cinq à huit semaines, selon la sévérité des pieds bots. Le but est de les redresser progressivement pour qu’ils retrouvent un aspect normal. C’est ce qu’on appelle la méthode Ponsetti. A la fin du dernier plâtre, il est parfois nécessaire de procéder à une ténotomie sur les pieds des bébés. Elle consiste à pratiquer une incision sur le talon du pied pour le déraidir. « Ça n’a pas été le cas de Maïlo » explique Myriam. « Il a porté six plâtres successifs. C’était psychologiquement éprouvant de voir son petit bébé comme ça. Pour ne pas trop tirer sur ses hanches à cause du poids des plâtres, on ne pouvait pas le porter de n’importe quelle façon. Et pour l’allaitement, il faut trouver des positions agréables pour tous les deux. Ce n’était pas évident. »

Maïlo à un mois, avec ses plâtres. Crédit : Myriam Priou

Une attelle, pour maintenir la correction des pieds

Après les plâtres, l’enfant doit porter une attelle qui se compose de chaussures à lanières ouvertes, reliées entre elles par une barre qui se clipse et se déclipse. Ce dispositif permet au pied bot « de ne pas récidiver, explique Marie Gaubert, kinésithérapeute pédiatrique à Toulouse, il est indispensable pour maintenir la correction des pieds tout au long de la croissance ». Elle doit être portée, à minima, jusqu’aux cinq ans de l’enfant. « Il faut comprendre que les pieds de ces enfants sont naturellement tordus. Si on corrige l’angle mais qu’on ne le maintient pas, ils vont naturellement revenir vers leur trajectoire naturelle. Et tout ce qu’on a fait n’aura servi à rien. C’est pourquoi on insiste beaucoup sur la nécessité de bien respecter la pose de l’attelle. »

L’attelle Ponsetti de Maïlo. Crédit : Myriam Priou

Durant les six premiers mois, le bébé doit la porter 22 heures sur 24. Après cette période, les parents peuvent progressivement la retirer plus longtemps. « Maïlo a porté ses attelles 22 heures sur 24 jusqu’à fin avril 2023, puis le docteur Abid nous a autorisé à lui retirer sept heures par jour en rajoutant une heure de liberté en plus chaque mois, pour arriver jusqu’à douze heures par jour maximum en octobre dernier. Par contre, on ne choisit pas les heures, il est obligatoire de la lui mettre pendant la nuit et les siestes », explique Myriam.

Avec l’attelle, beaucoup de choses diffèrent d’un enfant aux pieds normaux, surtout pendant les six premiers mois où le bébé doit la porter quasi constamment. « Pour changer les couches, il a fallu qu’on dégote des vêtements avec des boutons poussoirs sur tout l’intérieur des jambes pour ne pas avoir à lui enlever l’attelle systématiquement, mais c’est pas facile à dénicher » témoigne Myriam. Dans la région toulousaine, une maman dont l’enfant est né avec la même pathologie a créé sa propre marque de vêtements Atypik’Baby pour pallier à ce problème.

Type de pantalon pratique pour les enfants pieds bots. Crédit : Maxime Séguier

Le sommeil est aussi un souci. « Même si Maïlo est un bébé facile, l’attelle est très gênante pour dormir. Il doit trouver une position adéquate pour trouver le sommeil, alors il bouge beaucoup. Et son attelle tape contre les barreaux du lit, et ça le réveille. Alors mon compagnon a eu l’idée de fixer un second lit pour l’agrandir. C’est du bricolage, mais ça fonctionne. Il a bien plus d’espace et dort beaucoup mieux. »

Double lit bébé de Maïlo. Crédit : Myriam Priou

Puis il a fallu reprendre le travail. Comme tout parent, Myriam et son compagnon ont rapidement été confrontés à la question des modes de garde : « On a trouvé une assistante maternelle pour mars 2023. On a eu de la chance car elle n’avait qu’un seul agrément à ce moment-là et ne pouvait donc accueillir qu’un seul enfant et s’occuper exclusivement de lui. On avait toujours peur qu’il se blesse en gigotant avec son attelle. Ça nous a beaucoup rassurés ».

Depuis septembre 2023, Maïlo est dans une petite crèche municipale en centre-ville. « Ses pieds bots n’ont pas été un frein à son admission. Par contre, il a fallu qu’on explique aux différentes assistantes maternelles comment bien serrer les chaussures pour que l’attelle soit efficace. Aucune d’entre elles n’avait eu affaire à un enfant pied bot auparavant. Mais tout se passe très bien ».

La kinésithérapie en complément de l’attelle

A Toulouse, en parallèle de l’attelle, le CHU de Purpan prescrit des séances hebdomadaires de kinésithérapie pour redonner de la souplesse au pied bot : c’est ce qu’on appelle la méthode fonctionnelle. « L’avantage de cette méthode, c’est surtout de maintenir la souplesse du pied alors que la méthode Ponsetti a tendance à les enraidir, c’est pour ça qu’on rajoute des séances de kiné chez nous. C’est ce qu’on appelle un Ponsetti incomplet pour rajouter de la souplesse à un pied enraidi par les plâtres et l’attelle », explique Marie Gaubert.

Maïlo en séance de kinésithérapie chez Marie Gaubert. Crédit : Myriam Priou

La première année, deux séances hebdomadaires sont nécessaires. Ensuite, une seule séance suffit les années suivantes. Pendant toute la croissance un suivi régulier reste nécessaire. « A la puberté et à l’âge adulte, on décrit des phases où il y a des rechutes éventuelles, c’est pour ça que le suivi des pieds bots c’est très long. Idéalement il faudrait un suivi jusqu’à la fin de la croissance, jusqu’à l’âge adulte. Quand on enlève l’attelle Ponsetti parfois, on est amené à intensifier les séances de kinésithérapie pour ne pas perdre les acquis », continue Marie Gaubert.

Un enfant né avec un ou deux pieds bots est considéré comme ayant une « affection longue durée » (ALD). La plupart des soins sont pris en charge à 100% par la sécurité sociale, dont les séances de kinésithérapie. « La seule chose qui n’est pas prise en charge, c’est l’attelle », explique Myriam. « Les chaussures doivent être renouvelées quand le pied grandit. Et les pied bots ont la particularité d’avoir une différence d’une voire plusieurs pointures entre chaque pied. Alors on se débrouille avec des prêts de chaussures de l’hôpital ou en revendant les paires de chaussures devenues trop petites pour en acheter des plus grandes et ainsi de suite ».

« Nous pour Maïlo, comme il a une paralysie du pied droit qui est quelque chose d’autre encore plus rare, on a deux séances de kinésithérapie par semaine avec Marie. A cela, il y a des rendez-vous tous les trimestres avec le chirurgien et les kinésithérapeutes du CHU », explique Myriam. « C’est très prenant, et il faut prendre le temps de s’en occuper ». Pour l’emmener aussi souvent, Myriam doit prendre plusieurs demi-journées de congés par semaine.

Pour cela, elle bénéficie de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP). Elle permet d’interrompre son activité professionnelle pour rester auprès d’un enfant bénéficiant d’une ALD. « Le certificat doit être établi par le médecin qui suit l’enfant au titre du handicap, ce congé donne droit à un ‘capital’ de 310 jours dans la limite de 3 ans, renouvelable en cas de rechute (hospitalisations, aggravation) de l’enfant ».

Crédit photo mise en avant : Myriam Priou