Il allait être libéré ce 27 février, mais un homme accusé de rébellion par trois membres de l’administration pénitentiaire a vu sa peine prolongée de 6 mois d’emprisonnement, par le tribunal de Toulouse, ce 24 janvier. Versions des policiers discordantes, caméras indisponibles, transfert non expliqué au détenu… L’affaire pose question.
Mardi 24 janvier, les comparutions immédiates s’enchaînent dans la salle d’audience n°3 du Palais de Justice de Toulouse. C’est au tour d’Eric B. de se présenter dans le box. Le visage marqué, le physique frêle, il comparaît pour des faits de rébellion et de violences volontaires sur des membres de l’administration pénitentiaire de la prison de Seysses.
Selon les plaignants, représentés par un même avocat, l’accusé, emprisonné depuis 2021, se serait rebellé lors de son transfert de la maison d’arrêt de Muret à celle de Seysses, refusant les formalités d’entrée, notamment la prise d’empreintes digitales. Sanctionné par l’isolement dans le quartier disciplinaire de Seysses, l’homme d’une quarantaine d’années, énervé depuis son arrivée, aurait “asséné un violent coup de poing” à un gradé du personnel de la prison.
Selon l’accusé, qui ne remet pas en cause les faits de rébellion, le coup n’était pas volontaire. Il aurait eu une altercation avec un agent qui lui aurait dit “tu es à Seysses ici, pas à Muret donc ne fais pas le malin”. Le ton serait monté entre les deux. Il se serait ensuite fait pousser car il refusait de se diriger vers le quartier disciplinaire, et aurait atteint l’épaule du lieutenant dans un geste d’humeur. Son casier judiciaire porte 21 mentions, notamment pour des faits de violence, dont les derniers remontent à 2017. Il devait être libéré ce 27 février.
Seul dans le box, n’ayant aucun proche dans la salle d’audience pour le soutenir, Eric B. est condamné à 6 mois d’emprisonnement dont 4 de sursis probatoire. A la peine s’ajoute une obligation de soins, de travail et de formation.
De nombreuses zones d’ombre
L’affaire semble claire et est rapidement évacuée par le jury. De nombreux points posent questions dans l’affaire et sur la manière dont justice a été rendue.
Le détenu n’a pas été informé de son transfert à Seysses, et personne n’a répondu à ses demandes d’explication, ce qu’aucun plaignant ne conteste. A son arrivée à Seysses, Eric B. subit une tentative d’intimidation par le personnel de la prison, ce qui est “monnaie courante” selon les mots de son avocate. Cela alors que la maison d’arrêt est au courant que l’Homme fait l’objet d’un suivi psychologique pour des troubles anxieux qui l’affectent lors de situation de stress.
Alors que pendant la commission de discipline du détenu au sein de la prison de Seysses il a été dit que “aucun manquement de nos agents n’a été constaté sur les images”, la direction refuse de les rendre disponibles pour le procès. “Cela clarifierait pourtant tout”, tonne l’avocate de l’accusé. Pas d’image, ni de témoin derrière les murs de la maison d’arrêt, connue pour ses statistiques records de surpopulation carcérale (le taux d’occupation est de 186% en juillet 2021). L’affaire est résumée par la procureure de la République comme “la parole de trois membres des forces de l’ordre contre celle d’un détenu”.
Pendant le procès, la procureure n’accorde aucun crédit à la parole de l’accusé, le coupant d’ailleurs dans sa déclaration. Pour annoncer la peine qu’elle requiert à son encontre, elle reprend les déclarations des membres de l’administration pénitentiaire, puis annonce demander une peine de prison ferme “avec une prise en charge par la SPIP [Service de Probation et d’Insertion Professionnelle] pour le faire réfléchir à ses actes”.
Seul dans le box, avec aucun proche dans l’audience, surveillé du coin de l’oeil par des policiers qui rigolent entre eux, pour Eric B. la bataille semblait perdue d’avance. Semblant perdu face à l’immensité de la salle d’audience n°3 du Palais de Justice de Toulouse, il prend acte de sa peine sans broncher, sans être cru ni écouté. Face à Goliath, David ne gagne pas souvent.
Emile Sénécal