Le collectif Aux Arts Etc a frappé les trois coups vendredi 26 mars au matin. En s’associant aux intermittents et travailleurs de la culture qui occupent le Théâtre de la Cité, ils mènent des « actions coup de poing » pour faire entendre leur voix. Cette fois, ils ont décidé de tourner un film :  « La Cour des miracles 2.0 », au Pôle Emploi du quartier St-Michel. Une manière décalée et pacifique d’exprimer l’opposition à la réforme du chômage et de défendre ceux considérés comme « précaires ».

La cour des Miracles 2.0 est un film fictif. Tourné avec des acteurs qui improvisent leurs textes, devant une caméra faite de papier, sous une perche de son symbolisée par un manche à balai auquel on a accroché un baluchon. 

On se perd un peu dans ce film composé d’une seule séquence intitulée « La Colère », qui intègre à son synopsis une parodie de la comédie musicale Notre Dame de Paris. Renommée ici Notre Dame de Toulouse, comédie musicale revue et corrigée, on y  chante :

Quasimodo, le chef d’orchestre de la chorale.
Crédit photo : Angélina Fourcault

 » Nos subventions peuvent être barrées d’une croix,
A quoi sert-il encore de prier Pôle Emploi?
Quels
Seront ceux qui poseront la première pierre, 
D’un nouveau monde, d’un avenir sur cette terre? » 
Un homme habillé en Quasimodo est le chef d’orchestre de cette chorale composée de précaires. Avant de commencer, une voix perce dans le « public » : « Oh, trop bien, la police est venue faire les chœurs ! Merci messieurs ! »

Le tournage est assez chaotique, puisque aucune réelle répétition n’a eu lieu avant de transformer ce Pôle Emploi en un plateau de tournage. Pour cause : personne, à l’exception du « metteur en scène » et de quelques organisateurs, ne savaient ce qu’il se passerait.
En effet, pour éviter que le mouvement n’arrive aux oreilles des autorités et soit interdit, très peu de détails avaient été donnés aux participants.
Les seules informations disponibles sur les réseaux sociaux étaient les suivantes :
8h Théâtre de la cité, départ 10h : action coup de poing  : J’aurais voulu être un artiste Acte II.

 

 

 

La caméraman et le metteur en scène de La cour des miracles 2.0
Crédit photo : Angélina Fourcault

UN FILM EN 3 ACTES, UNE SÉQUENCE EN 3 LIEUX

ACTE 1 : Rdv au Théâtre de la Cité

A 8h, devant le Théâtre de la Cité, il n’y a pas grand monde. A l’intérieur,  le décor a changé, la vie s’est installée. A l’étage, un espace nuit a vu le jour. En bas, un atelier pancarte ainsi que des panneaux d’organisation et de propositions ont fleuri. Ils sont toujours là, quinze jours après leur installation, et comptent bien faire entendre leurs revendications hors des murs.

L’équipe du film fictif La cour des miracles 2.0
Crédit photo : Angélina Fourcault

« Retrait de la réforme chômage, c’est notre projeeeeeeeeeet« , pouvons nous lire au dessus de la porte principale. Soucieux de la confusion médiatique au sujet de ce mouvement national d’occupation, cette inscription rappelle ce pourquoi ils se battent vraiment.

Alors que certains n’ont pas encore fini leurs petits-déjeuners, d’autres préparent le costume qu’ils revêtiront.

Le hall se vide, et petit à petit le parvis se remplit. « Action ! », le clap vient de claquer. La première scène  peut commencer. Le tournage se fera « dans les conditions du respect sanitaire de l’autoritarisme actuel », annonce le « metteur en scène »,  vêtu d’un manteau en fourrure, dans un mégaphone fait de papier. 

 

ACTE 2 : en route vers l’inconnu

Ils investissent le pavé en face de la bouche de métro Jean Jaurès. C’est là qu’ils jouent la première scène du film.
« J’ai décidé de faire ce film, avec tous les précaires de 2021, pour montrer, si on se laisse faire, là où on arrivera. Dans la rue ! « , explique le « metteur en scène ».
Il n’aura fallu que quelques minutes avant que la police n’arrive. Tous se ruent dans le métro pour leur échapper.
En route vers une destination inconnue, que seuls le « metteur en scène » et quelques organisateurs connaissent, ils montent dans une rame de la ligne B, direction Ramonville. La rame s’anime de chants et de slogans scandés, pendant que d’autres se demandent où ils vont.

Station Palais de Justice. Une voix prend le dessus dans la rame « A la prochaine, on descend ! Vous tracez, le plus vite possible !  »
Station Saint Michel – Marcel Langer. Les portes s’ouvrent et la cohue se presse à l’extérieur. Ils empruntent l’escalator au pas de course et manifestent leur excitation par des cris. Cinq minutes plus tard, ils sont devant le Pôle Emploi. Ils entrent, malgré un agent de sécurité désabusé qui tente de les dissuader.
Le « metteur en scène », son caméraman et son perchiste s’installent devant les guichets. « Action ! » L’occupation commence.

ACTE 3 : Occupation

Après une quinzaine de minutes de show, le hall se vide. Une poignée de manifestants reste à l’intérieur. Les autres sortent et se placent devant le bâtiment. « Le but, c’est d’occupé pacifiquement, sans empêcher le Pôle Emploi de tourner, et sans empêcher les employés de faire leur travail« , rappel Mathieu, membre du collectif « Aux Arts Etc ».

Au Pôle Emploi de St-Michel, le chœur entonne la chanson.
Crédit Photo : Angélina Fourcault

Le choix du lieu est autant symbolique que stratégique. « Quand on occupe le Théâtre de la Cité, on nous dit qu’on est des intermittents gâtés qui veulent juste l’ouverture des lieux culturels, c’est une ineptie« , confie une participante. L’homme habillé en Quasimodo ajoute : « Demander la réouverture des théâtres, c’est rester dans l’optique d’une certaine culture : la culture d’une élite. Les droits qu’on revendique aujourd’hui, on les revendique pour tous, et pas que pour cette élite là »

 

Lassés que le mouvement soit associé aux mauvaises revendications, les contestataires ont choisi le Pôle Emploi puisqu’il est l’organisme qui devra appliquer la réforme si celle-ci n’est pas abrogée. « Parler réforme du chômage en occupant un Pôle Emploi, ça tombe sous le sens, finalement« , discutent deux participantes.
Pour autant, ce choix ne fait pas l’unanimité, « Je suis dégoûtée, ça fait un an qu’on a décidé de ne plus occuper les Pôle Emploi. On l’a fait pendant deux ans et on a jamais rien obtenu. C’est quand même bien, mais je suis dégoûtée », lance une femme assise sur une barrière de chantier.  « Limite, j’ai envie que les flics nous délogent pour qu’il y ait un minimum d’action. Parce que là, honnêtement, niveau visibilité, on a fait mieux« , poursuit-t-elle.

Une idée qui n’a pas tardé à se concrétiser, puisque c’est effectivement les forces de l’ordre qui ont mit fin à cette occupation en délogeant les contestataires. Une occupation de quelques heures seulement, qui n’a en aucun cas découragé ceux qui réclament la fin de cette réforme. Si l’on en croit les publications du collectif sur les réseaux sociaux, la lutte semble loin d’être terminée…

 

Co-écriture : Marie Hazan & Angelina Fourcault
Photo de couverture : Le collectif aux arts etc, et les intermittents du spectacle, de le Théâtre de la cité, occupé. Crédits photos : Angélina Fourcault