Seize militants pour la cause des droits des handicapés étaient convoqués au tribunal correctionnel de Toulouse ce mardi 23 mars. Poursuivis pour avoir envahi les rails de la gare Matabiau et le tarmac de l’aéroport de Blagnac, leur procès s’est mué en celui d’une justice incapable de prendre en compte leur situation. 

Le fond du procès est presque devenu anecdotique tant les débats ont tourné autour du traitement infligé aux prévenus, tous en situation de handicap. Le cas d’une des militantes, Bédria, ayant des problèmes d’élocution, est symptomatique. Aucun interprète n’a été prévu par la Cour et lorsqu’elle prend la parole, la juge la coupe pour lui dire qu’elle ne comprend pas. « Merci Madame, je sais que c’est dur pour vous mais c’est aussi dur pour le tribunal », a même prononcé la magistrate, suscitant l’indignation de la salle d’audience. Autre situation ubuesque : la difficile accessibilité des lieux pour des personnes en situation de handicap qui a retardé le début de l’audience.

La jauge « Covid » de 28 personnes n’était pas respectée avant que la juge ne fasse sortir les journalistes et le public. Ce capharnaüm et toutes les situations de difficile accessibilité ont entrainé les avocats des prévenus à demander la nullité du procès. «Le parquet était pourtant au courant de cette situation et aurait du réaliser les aménagements nécessaires », plaide Arié Alimi, avocat de la défense. Une demande en nullité rejetée par la Cour. Le fond de l’affaire est donc étudié lors d’une audience qui va durer jusqu’à 22h, malgré la demande de suspension de séance des avocats de la défense aux alentours de 20h pour permettre aux prévenus de rentrer chez eux facilement. Car, à 22h, lorsque l’audience se termine, impossible pour certains de rentrer chez eux du fait de la fin des services de métro notamment. Ce n’est qu’à minuit qu’une solution sera trouvée avec un mobibus de Tisséo. Une solution pas suffisante pour ceux qui ont besoin d’auxiliaire de vie pour se nourrir ou se laver.

Un procès politique

« Ce procès sera l’occasion de dénoncer l’inadaptation de l’espace public et de l’organisation de la société aux personnes en situation de handicap », écrivait sur son blog Me Christophe Lèguevaques, l’un des avocats de la défense avant le procès. Si ces activistes n’ont pas cherché à tout prix un procès qu’ils auraient préféré éviter, ils comptent bien en faire une tribune pour leur cause. Ils sont justement jugés dans le cadre d’actions coup de poing pour dénoncer l’inaccessibilité de la gare Matabiau à Toulouse ou de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Leur défense s’articule autour d’un principal argument, celui de défendre une cause juste et de chercher à mettre fin aux discriminations envers les personnes en situation de handicap.

Force est de constater que la nécessité de ce combat contre l’inadaptation de l’espace public a été démontré lors de cette audience. « L’accessibilité est un principe fondamental. Il nous appartient de donner chair à ces mots pompeux pour que les personnes en situation de handicap soient enfin reconnues pour ce qu’elles sont, des êtres humains égaux en dignité et en droit« , rappelle Me Lèguevaques.

Après une longue journée qui a fait le procès du tribunal, de l’espace public, mais surtout des prévenus, des peines d’amende ou de prison avec sursis (entre 3 et 8 mois) ont été demandé par le Procureur au cas par cas. La décision a été mise en délibéré au 4 mai et il ne fait guère de doute qu’en cas de condamnation, les accusés feront appel. « On ira vers la Cour Européenne s’il le faut », s’exclame Odile Maurin, présidente de l’association Handi-Social.