36_9_5x9_5-copy2.jpg Trente ans déjà. En 1981, plusieurs Toulousains, vidéastes engagés, musiciens ou « teufeurs » en quête d’expression libre prennent de l’avance sur la légalisation des antennes pirates et créent FMR.
Rencontre avec Philippe Frézières, membre fondateur et actuel président de la deuxième radio associative la plus écoutée à Toulouse.

« Univers-cités » : Quel a été le contexte des débuts d’FMR ?

Philippe Frézières : En 1981, c’était l’effervescence. En une année une vingtaine de radios libres se sont créées à Toulouse. La liberté d’expression était encore incroyable, même si on n’était plus considéré comme « pirates ». En 1983, avec l’ouverture à la publicité, ç’a été le début de la phase « commerciale » et d’une véritable guerre de rachat. Le but des radios privées était de posséder la totalité des 1 600 fréquences nationales [dont 600 sont des radios associatives] Beaucoup de formats originaux, comme radio M40, sont morts à ce moment-là.
Dès la première cohabitation en 1986, la droite a essayé de couler les radios associatives en attaquant leur principale source de financement, le Fond de Soutien à l’Expression Radiophonique (FSER).


Comment définissez-vous l’identité d’FMR par rapport à d’autres radios associatives comme Canal Sud ou Campus?

Nous, c’est la musique – surtout du rock – et l’actualité culturelle. On a une vocation beaucoup moins militante que Canal Sud. A l’époque de notre création, il y avait surtout l’idée d’arrêter de faire de la merde commerciale. Aujourd’hui encore, notre mot d’ordre, c’est de ne jamais passer le même morceau deux fois par semaine et notre marque de fabrique, c’est le magazine culturel de midi.


Quelles sont les principales difficultés – économiques ou politiques – auxquelles l’antenne est confrontée ?

Il y en a trois principales. D’abord, on est dans un contexte de crise historique du secteur associatif, avec des attaques régulières du gouvernement sur les contrats aidés (CAE). Il y a aussi beaucoup d’incertitudes sur la perception du FSER, lui aussi attaqué par les politiques et critiqué par les radios privées [le FSER est une taxe perçue sur les recettes publicitaires de tous les medias audiovisuels, publics ou privés]. Enfin l’adaptation au numérique –projet gouvernemental abandonné pour le moment- pourrait être très difficile financièrement pour l’ensemble des radios associatives.
Nous, ce qui nous rend un peu insubmersibles, c’est la force de notre réseau de bénévoles : 150 viennent régulièrement animer l’antenne.

Justement, comment se passe la cohabitation entre salariés et bénévoles de la radio ?

Certaines radios associatives ont choisi un modèle où la programmation est faite essentiellement par des salariés. Nous, on s’interdit d’embaucher des gens pour faire de l’antenne. On veut être la radio des Toulousains qui aient une passion, une compétence, qui veulent dire quelque chose… Comme un buvard de la ville. On dit que le grand problème des radios c’est « le salariat chasse le bénévolat », mais j’ai découvert un corollaire : la disparition du salariat entraîne la résurrection du bénévolat.


Est-ce que vous pensez comme les animateurs de Canal Sud qu’une radio associative ne doit pas se préoccuper de son audience ?

On ne fait pas de la radio pour faire de l’audience… ce qui ne veut pas dire se foutre des auditeurs. L’idée, c’est plutôt de produire des contenus de qualité et d’espérer rencontrer un public, un peu comme les artistes. C’est une politique de l’offre, opposée à la logique marketing.
Et puis il y a le grand secret de l’audience… Une « omerta solidaire » des radios commerciales, des medias audiviosuels et des régies publicitaires pour dire « les petites radios associatives n’ont pas d’audience ». La preuve, c’est le questionnaire de notoriété de Médiamétrie, qui est complètement biaisé. Ceux qui écoutent une radio associative y sont considérés comme « les résidus », soit 0.25% de l’audience.
Lorsqu’on a réalisé notre propre sondage avec l’aide d’étudiants en communication, il est apparu que 11.3% des Toulousains écouteraient FMR. On a un public jeune (15-35 ans), qui se renouvelle tout le temps.