Une voix qui s’élève. Puis une autre. Puis des dizaines. Des témoignages de viols vécus par des étudiantes de l’IEP de Bordeaux ont déferlé sur Facebook en début de semaine dernière. Puis, en l’espace de quelques jours, ces messages se sont étendus à tous les IEP.

 

Les réseaux sociaux enflammés

Les prises de paroles sur Facebook. Le relai du compte Memespourcoolkidsféministes sur Instagram. Le hashtag « #sciencesporcs » en Top Tweet lundi 8 février. Les réseaux sociaux ont été un lieu d’écoute pour les femmes qui n’avaient pas forcément trouvé d’oreilles attentives dans le monde réel. C’est grâce à eux que des histoires sur les agissements dans les IEP ont été révélées. Juliette, étudiante de Sciences po Toulouse, a notamment publié son témoignage sur le groupe Facebook inter-IEP samedi 6 février. Elle y évoque les viols subis lors de son intégration : « Puis t’es arrivé. Au début tu m’insultais comme les autres, même beaucoup plus et tu m’as violée. » Elle dénonce également des pratiques odieuses lors des criteriums sportifs inter-IEP et appelle d’autres victimes à témoigner : « Les IEP regorgent de violeurs.[…] Leur présence est favorisée par les évènements de nos écoles et par l’omerta. » Ce témoignage, qui a lancé le #sciencesporcs, a libéré la parole de beaucoup d’étudiantes, mais quasiment toujours en anonyme.

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L’IEP de Toulouse avait déjà annoncé l’interdiction des évènements d’intégration pour les prochaines années en septembre dernier. En cause, un bizutage qui avait dépassé les limites. En ce qui concerne les violences sexuelles, le directeur, Olivier Brossard, explique pour France 3 avoir « été alerté en novembre 2020 par une collègue qui l’a appris par les réseaux sociaux. »

« J’ai aussitôt essayé d’obtenir le nom de la victime, de l’agresseur et j’ai contacté le procureur de la République. Mais ce n’est que fin décembre […] que la victime présumée est venue me voir. » – Olivier Brossard, directeur de l’IEP de Toulouse.

Le directeur de l’IEP de Toulouse rapporte avoir mis en place une prise en charge spécifique avec la cellule interne qui traite des violences et des propos discriminatoires : « Il va y avoir une enquête judiciaire et la section disciplinaire de l’établissement va mener sa propre enquête. »

Si l’école toulousaine a réagi, chaque administration d’IEP conserve son fonctionnement propre. Les réactions ont pu différer selon les établissements.

 

Des administrations dénoncées

Au-delà des présumés agresseurs, c’est tout un fonctionnement administratif qui est dénoncé. De lourdes accusations pèsent sur les rouages des écoles. De nombreux IEP sont accusées par certains témoignages de protéger des « intouchables ».

Des témoignages glaçants qui ont provoqué de nombreuses réactions. L’IEP de Strasbourg a d’abord qualifié de diffamatoire l’idée que l’établissement tolèrerait les violences sexuelles en son sein. Plus tard dans la soirée, le ton s’est adouci, et un soutien aux victimes de violences a été exprimé. Les IEP de Aix, Lille, Lyon, Rennes, Grenoble ont également publié des communiqués de soutien. Le directeur de Sciences Po Bordeaux, Yves Déloye, a exprimé son soutien dans un interview pour France Info avant de considérer que les violences sexuelles étaient répandues de manière similaire dans toutes les écoles. En parallèle, la démission de Frédéric Mion, président de Sciences Po Paris, interroge. Si c’est l’affaire Duhamel qui a conduit à sa démission, ces nouvelles révélations viennent une fois de plus éclabousser l’administration de l’école.

 

De nouvelles procédures judiciaires

A présent, les procédures se multiplient : une enquête préliminaire a été ouverte pour viol à Toulouse, suite à la plainte de Juliette, l’étudiante toulousaine mentionnée plus haut. Elle a porté plainte le samedi 6 février, dans la foulée de son témoignage. Ailleurs en France, d’autres affaires sont portées devant la justice : deux plaintes pour agressions sexuelles ont été déposées à Grenoble, tandis qu’un signalement à la justice a été fait à Strasbourg.

 

Paul-Adrien Montacié et Zoé Charef

 

Photo : Etablissement SciencesPo Paris