Forte baisse ou suppression totale des APL, la réforme impacte plus de 6 millions de Français à partir de ce 5 février. Décryptage de cette réforme qui soulève bien des incompréhensions.

« Le nouveau mode de calcul ajuste les aides en fonction des revenus en temps réel. Si ceux-ci augmentent, les aides baissent. Si les revenus diminuent, les allocations croissent », c’est ainsi qu’Emmanuelle Wargon, ministre du logement, résume la réforme des APL (allocation personnalisée au logement).

À partir de ce mois de Février, il se peut que le montant de vos APL change. Si jusqu’alors le calcul des aides attribuées reposait sur les ressources de deux ans plus tôt, ce sont désormais les ressources des douze derniers mois qui comptent. Aussi, l’aide est actualisée tous les trimestres. 

Qu’est ce que les APL ? APL est l’acronyme de « allocations personnalisées au logement ». C’est une aide financée par le fond national d’aide au logement. 
Elle est versée aux locataires d’un logement faisant l’objet d’une convention entre les propriétaires et l’Etat. D’après le site de la Caf (caisses d’allocations familiales), le montant de l’aide est calculé selon le nombre de personnes et/ou d’enfants à charge, le lieu de résidence, le montant du loyer et les ressources financières. Sont comptabilisés dans les ressources financières : le salaire, les pensions, les indemnités chômage ou maladie, les accidents de travail.
Ne sont pas comptabilisés : les allocations, le RSA et la prime d’activité.
 

Bien que l’Etat refuse de parler de « réforme budgétaire », l’enjeu n’en est pas moins économique. En choisissant de verser aux Français une aide plus proche de leurs revenus, l’Etat cherche à réduire ses dépenses. La réforme avait été pensée pour économiser, à terme, entre 700 millions et 1,3 milliard d’euros. Avec la crise de la Covid-19 et ses retombées économiques sur bon nombre de salaires, les économies se situeront plus entre 500 millions et 700 millions d’euros. L’entourage de la ministre chargée du logement explique à Libération, « Nous avons fait exprès d’intégrer au maximum l’année 2020 dans le calcul des droits car cette année a été difficile, et associée à d’importantes pertes de revenus pour beaucoup de français. » 

 L’État sauve les meubles, les étudiants vendent les leurs

Alors que le « Macronomètre » de l’Ifrap (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) attribue à la réforme la note de 7/10, tous les Français ne sont pas de cet avis. En effet, les jeunes actifs et les étudiants semblent être les grands perdants de ce nouveau calcul ! 

Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement a lui-même déclaré, « Dans une période où les jeunes ont besoin de sécurité et de confiance, est ce que c’était le moment de mettre en application une réforme qui va créer de la tension et de l’incompréhension ? »

Des tensions et incompréhensions qui trouvent écho sur les réseaux sociaux : des centaines de jeunes, à l’image de ces étudiantes, témoignent sur Twitter. 

 

Alors que le ministère a affirmé que ce nouveau régime protègerait les étudiants touchant moins de 7000 euros par an, grand nombre d’étudiants salariés voient en cette réforme une profonde injustice. 

En reprenant la déclaration du ministère selon laquelle « la nouvelle réforme est pensée pour être plus avantageuse pour les étudiants. Avec l’ancien système, un étudiant salarié avait des APL moins importantes qu’un étudiant qui ne travaillait pas en parallèle de ses études. » Rachel, étudiante à SciencesPo Toulouse et salariée en 20h/semaine ironise « avant je touchais moins qu’un étudiant non salarié, maintenant je ne touche carrément plus rien ! » Elle explique alors « Je touche 800 euros par mois. Je vis avec mon copain. Avant, on avait 328 euros d’APL à deux. Désormais, on ne touche plus rien. 800 euros, c’est visiblement trop pour avoir des APL, mais pas assez pour toucher la prime d’activité ! »

Cette réforme, selon l’Ifrap, semble être un petit pas vers la mise en place d’allocation unique, dans laquelle fusionneraient RSA, prime d’activité et APL. A l’inverse, pour grands nombres d’étudiants, cette réforme est tout simplement l’apogée de ce que le gouvernement appelle la « détresse étudiante ». 

 

Photo « Empty Wallet » by NoHoDamon sous licence CC BY-NC-ND 2.0