Depuis un mois, les avocats toulousains sont en grève illimitée. Seule la colère des juges leur a répondu. Mais quelles sont les dimensions du problème des avocats?

 

Les avocats en grève contre la réforme des retraites sur les marches du Palais de Justice de Toulouse

Les avocats en grève contre la réforme des retraites sur les marches du Palais de Justice de Toulouse

La roue de la justice est au point mort. Des tribunaux s’en prennent aux avocats en grève sur la réforme des retraites. Au milieu des accusations de paralysie des services gouvernementaux, il est nécessaire de trouver des solutions pour une réconciliation.
Dès le mois de septembre dernier, le Conseil national des barreaux (CNB) et la conférence des bâtonniers, instances représentatives des avocats français, alertaient sur les conséquences de la régime de retraite. Leurs inquiétudes portaient sur les conditions d’exercice des avocats, son impact sur les petits cabinets mais aussi sur l’indépendance des avocats. Mais n’ayant pas été entendus, les avocats ont décidé de se mettre en grève le 6 janvier.

 Les avocats bloquent toutes les entrées du Palais de Justice.

Les avocats bloquent toutes les entrées du Palais de Justice.

« A mon sens, le projet de réforme a deux conséquences extrêmement préoccupantes », explique la maître Mathilde Bachelet, spécialisée en droit des étrangers. »D’abord, l’absorption par le régime universel du régime autonome de retraite des avocats. Ce dernier fonctionne actuellement très bien et est excédentaire. De plus, il est solidaire car il reverse au régime général chaque année une part de son excédent. Les avocats acceptent de verser plus – si besoin – au régime général, car ils sont en faveur de la solidarité. Mais ils veulent surtout continuer à gérer eux-mêmes ce régime, qui est un gage de leur indépendance, et qui fonctionne bien sans rien demander à personne », souligne l’avocate. « Ensuite, la hausse des cotisations pour les retraites, qui vont doubler pour les petits cabinets. Aujourd’hui, elles représentent 14% du chiffre d’affaires pour les cabinets dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 40, 000 euros par an. Elles passeront à 28% après la réforme. C’est simple, cela aura pour conséquence la mort des cabinets travaillant à l’aide juridictionnelle, c’est-à-dire auprès des justiciables les plus démunis ».

Les annonces récentes du gouvernement ne suffisent pas à apaiser leur colère, le Conseil national des barreaux, dans sa dernière annonce, salue la mobilisation historique et persistante des avocats de tous les avocats de France contre la réforme des retraites. Il appelle à poursuivre le mouvement dans les jours à venir pour accentuer la pression sur l’exécutif.
Cela semble être un mécontentement général. La maître Bachelet révèle également sa conviction. « Le gouvernement ne veut rien entendre. Jusqu’à présent, il nous méprise complètement et veut nous faire croire qu’on n’a pas bien compris sa réforme ». En colère, elle justifie la nécessité de varier le mode d’action de leur lutte. « Par les différentes formes de la grève, on essaie d’attirer l’attention sur ce que serait une justice sans avocats, et en même temps de ne pas nuire aux justiciables. À Toulouse par exemple, en matière de droit des étrangers, on a opté pour la grève du zèle, on plaide à quatre ou cinq pour un seul dossier qui mobilise habituellement un seul avocat. On doit dire que le résultat est très bon étant donné qu’on obtient plus souvent gain de cause grâce au travail collectif. C’est quelque chose dont on va sûrement tirer des enseignements pour la suite », souligne-t-elle. « Il est dommage que certains magistrats prennent les choses personnellement, alors que quand une audience est perturbée clairement cela n’a rien de personnel et absolument rien contre les magistrats, c’est seulement une manière d’attirer l’attention de ceux qui ont le pouvoir. Quant aux audiences reportées, c’est sûr que ça a un impact, mais les motifs de cette grève et les conséquences qu’auraient ce projet s’il venait à passer sont trop importants pour qu’on ne réagisse pas », conclut-elle.

Dans le cadre du mouvement de grève des avocats pour protester contre la disparition de leur régime autonome de retraite.

Publiée par Ordre des Avocats au Barreau de Rouen sur Vendredi 24 janvier 2020

Il s’agit d’une grève nationale, c’est inédit. L’intégralité des barreaux est en grève, et les avocats défendent leurs droits cette fois. Ils expriment leur opposition et leurs arguments en dehors des tribunaux, et non à l’intérieur. Acclamer, danser et chanter. Evidemment, tout se fait dans la légalité à laquelle ils vouent leur vie.