Dans la webosphère de la « réinformation », le site toulousain Inform’Action joue la carte de l’actualité alternative, au risque de publier des contenus douteux. Renaud Schira, son créateur, répond à Univers-Cités.

 

Inform’Action, « média citoyen » ? Sans chef ni ligne éditoriale, sans contenu propre ni équipe de rédaction, cet agrégateur d’articles basé à Toulouse relaye chaque jour des contenus publiés aux quatre coins de la toile. Des articles tirés des plus obscurs blogs anarchistes, jusqu’au Monde, en passant par des références alternatives comme Mr Mondialisation. Dans ce fil journalier, alimenté et modéré par des bénévoles, les titres donnent le ton : « Quand les multinationales gouvernent le monde », « Un aveu de la DIA : le monstre Etat Islamique est une créature US », etc.

Après ses déboires avec le célèbre site antifa La Horde, qui a épinglé dans un article au vitriol sa teinte « confusionniste », voire sa dérive extrême-droitière, Inform’Action s’est doté d’une « charte des valeurs » pour tenter de se dédouaner de ces accusations. Du flux éditorial ont toujours été exclus les articles jugés « agressifs, prosélytes, trop partisans, ou qui cristallisent les tensions sociales, comme la théorie du genre ou le mariage pour tous », assure Renaud Schira, ingénieur en BTP, et créateur du site. Au motif de la liberté d’expression, et de la contre-information, le site militant se fait pourtant le relai de théories discutables, parfois invérifiables, et sans contre-expertise.

« On ne relaie pas les propos du propos de Civitas ou des fachos de la Ligue du Nord », se défend Renaud Schira. Certes nullement obsédé par l’islam, l’immigration ou l’identité, à l’inverse de ses homologues d’extrême-droite, le site a un parfum de complot permanent.

Avec ses quelque 20 000 visiteurs quotidiens, ses nouveaux adhérents, et un stand hebdomadaire au Capitole, l’association est en pleine phase de croissance. Renaud Schira a répondu aux questions d’Univers-Cités.

Univers-Cités : Quelle est la vocation d’Inform’Action ?

Renaud Schira : De répondre à un constat partagé par une grande partie de la population : l’insatisfaction par rapport au paysage médiatique traditionnel. Face à ce constat, on a monté un média qui tente de répondre à l’insatisfaction. L’objectif, c’est d’offrir une autre information, qui n’ait pas été sélectionnée par les médias bien-pensants et dominants — qui ont des intérêts économiques — mais qui soit sélectionnée par des citoyens acteurs de leur information. On ne produit pas d’information, mais on relaye celle des autres.

Quels types de sujets ressortent de cette « sélection citoyenne de l’information » ?

Tous, sauf la religion et l’ésotérisme, sujets qu’on exclut car on cherche à réunir, et pas à diviser. L’association s’intéresse à tous les sujets de société : la géopolitique (sic), la santé, l’environnement, l’économie, les sciences technologiques, les alternatives concrètes, les mobilisations sociales. Il y a une grande diversité, parce qu’elle permet à n’importe quel citoyen de proposer des contenus, et de les modérer. C’est un média très hétérogène dans ses sources.

«Je crois qu’il y a eu des complots dans l’histoire.»

On a intérêt particulier pour Bastamag, Reporterre, évidemment Mediapart, et la chaîne Arte, qui traite les sujets en profondeur. On diffuse aussi des médias traditionnels (Le Monde, Le Figaro…), des médias pro-russes, pro-iraniens, pro-libanais, pro-vénézuéliens…

Quelle est votre couleur politique ?

On n’a pas de couleur, mais des valeurs. Tout l’échequier politique est représenté dans les 50 bénévoles de l’association. On ne peut pas tout connaître de nos adhérents, mais j’espère quand même que le vote FN est ultra-minoritaire, voire inexistant. On est dans le débat contradictoire, dans l’échange de points de vue, de théories, d’idéologies, pour s’enrichir mutuellement.

L’an dernier, le site antifa La Horde a épinglé vos amitiés avec des sites conspirationnistes, dont vous relayez des publications…

Cet article a pour origine un différend personnel et idéologique. On y a répondu intégralement, paragraphe par paragraphe. L’auteur de cet article est un anarchiste antifasciste, franco-grec, philosophe, essayiste, réalisateur, très connu dans le milieu militant. Avant cet article, il m’a personnellement insulté et menacé au téléphone parce qu’on a intégré dans notre DVD Inform’Action la bande-annonce d’un documentaire sur lequel il intervenait aux côtés d’Etienne Chouard, personnage controversé de la blogosphère. Il s’est retiré de ce documentaire quelques semaines avant sa projection. Plus tard, à la ZAD du Testet, il s’en est pris à un membre de notre association. Trois semaines plus tard est sorti cet article dans la Horde.

Et qu’est ce que vous répondez au fond de la critique ?

Ce serait intéressant de définir le conspirationnisme. Je suis plutôt complotiste, dans le sens où je crois qu’il y a eu des complots dans l’histoire. Il y a aujourd’hui suffisamment de documents déclassifiés des services secrets français, anglais, américains pour le prouver. Le conspirationnisme en revanche, c’est une vision globale où on applique le complot à tous les faits de société, ce que fait Alain Soral par exemple. A Inform’Action, on relaye des choses complotistes qui viennent mettre en avant des complots avec des documents sourcés. Mais on est opposés à une vision conspirationniste du monde, on diffuse d’ailleurs des articles pour les déconstruire, comme ceux des Enragés ou de Frédéric Lordon.

Pourtant, vous relayez des tribunes de Thierry Meyssan, auteur conspirationniste par excellence, de Reopen911, qui agrège toutes les vues conspirationnistes possibles sur le 11-Septembre… En octobre, vous avez à plusieurs reprises fait la publicité pour un livre qui dit que le Sida n’existe pas ! Donc vous n’avez aucune ligne rouge ?

On n’a pas la prétention de détenir la vérité. On encourage les gens à être aussi critiques envers les articles relayés sur Inform’Action qu’envers ce qu’ils voient sur TF1. Si une vidéo diffusée sur le site explique des notions sur le Sida qui sont différentes de la version traditionnelle, on ne considère pas que c’est la vérité. Il ne s’agit pas de dire que le VIH n’existe pas, il y a des nuances. Le livre en question est celui de Luc Montagnier, prix Nobel de médecine, qui a fait la découverte du VIH, et apporte des éléments nouveaux sur le fait que des tests sur la séropositivité n’ont pas les mêmes résultats suivant les pays.

En s’ouvrant de la sorte à toute forme de pensée, ne devenez-vous pas une aubaine pour des gens d’extrême-droite ostracisés en mal de notoriété qui se servent de votre outil comme d’un cheval de troie pour faire passer leurs idées ? Votre rubrique « Théories controversées » ne contient vraiment pas que des théories sans nocivité.

« Théorie controversées » représente 2% des contenus présents. Sur 6000 publications, le Réseau Voltaire apparaît deux ou trois fois. Mais, les réunions de personnes influentes comme Trilatérale, Bilderberg, il ne faudrait pas en parler ? Est-ce que les loges maçonniques ou les sociétés secrètes sont quelque chose de démocratique, ou de positif pour la démocratie ? Je considère que non. On ne les relaye pas pour stigmatiser, mais je crois que ces sujets controversés sont d’intérêt public.