L’histoire de Camille redouble n’est pas des plus originales. Assommée par la mort de sa mère, Camille sombre dans l’alcool au fil des ans, au point que ses relations avec le monde extérieur s’avèrent de plus en plus sommaires. Une situation, qui vient peu à peu compromettre sa vie de couple et qui incite Eric, l’homme de sa vie, à la quitter pour une autre.
Et puis BOUM, un verre de trop, un 31 décembre, et Camille se réveille vingt ans plus tôt. Elle a de nouveau 16 ans et toute sa vie à construire, sauf que cette fois, elle connaît déjà la fin de l’histoire et décide de changer ses choix passés.
Un scénario donc un peu gnan-gnan, qui n’invente rien puisque en 1986, Françis Ford Coppola portait déjà à l’écran Peggy Sue got married, une intrigue du même genre.

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Du bon ciné français
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Et pourtant, malgré une indéniable parenté, la comparaison avec Coppola reste trop facile, car Camille redouble est très éloigné des techniques de réalisation à l’américaine.
A la place de FFC, invoquons plutôt Christophe Honoré et reprenons une phrase plus haut, car l’influence du cinéma romantique français sur le dernier né de Noémie Lvovsky est incontestable.
Figure tutélaire de cette comédie dramatique, l’Amour perdu, dont on n’arrive pourtant pas à se défaire, et auquel on cède finalement avec délice lorsqu’il daigne à nouveau s’intéresser à nous, est semblable à celui des Biens-Aimés de Christophe Honoré. Comme Camille et Eric, Catherine Deneuve et Milos Forman s’aiment… pour toujours… même s’ils ne se le rappellent… que par intermittence.
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Ces amours en l’air, ces amours échappés, donnent aux deux films une légèreté heureuse et même si l’amour fait mal, la vie continue. C’est d’ailleurs ici tout l’intérêt de la mise en scène de Noémie Lvovsky: aux ravages de l’amour évoqués dès les premières scènes du film dans quelques épisodes alcoolisés, elle préfère l’introspection. Pour mieux comprendre son héroïne, elle remonte dans le temps et dépeint avec candeur mais efficacité la déchéance annoncée d’un amour pourtant parfait.

Un voyage initiatique… dans le temps
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Dans ce retour vers le futur, des personnages-piliers permettent à Camille de gagner en maturité et de regarder bien en face ses deux ennemis de toujours: le Temps et l’Amour.
Jean-Pierre Léaud, l’horloger, escorté par Denis Podalydès, le professeur de physique, sont telles des allégories qui veillent sur la femme-enfant. Léaud, l’ancien alcoolique somme Camille d’en finir avec le porto et Podalydès lui apprend à aimer de nouveau, sans retenue, déraisonnablement, passionnément.
Tous les adultes d’ailleurs qui interviennent dans l’enfance de Camille, sont filmés avec bienveillance et aident la quarantenaire à devenir l’adulte qu’elle n’a jamais réussi à être dans le présent. Lorsqu’elle revient enfin de son long périple dans ses 16 ans, elle est apaisée. Fini l’alcool, fini le déni, elle affronte l’homme qu’elle aime.

Une réalisation complètement barrée
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Dans les films de Noémie Lvovsky comme Faut que ça danse, Les sentiments, La vie ne me fait pas peur ou Embrasse-moi, les émotions, les amitiés de jeunesse et la construction de soi, sont toujours de la fête. Des thèmes récurrents et durs qui semblent la fasciner, mais qu’elle évoque toujours de manière désopilante.
Avec Camille Redouble, on rit donc, mais mieux encore, l’univers bien particulier des années 80 vient ajouter au film une touche flashy, qui rappelle la liberté des années passées. Avec leur look barré, la bande de copines de Camille n’en fait qu’à sa tête et on se laisse aller à cette folie adolescente totalement rock’n’roll.

Alors mieux qu’un éloge du passé, Camille redouble est une ode à la liberté, au droit de faire des erreurs et de recommencer pour se tromper à nouveau… mais en mieux cette fois.