L’origine du Carrefour culturel Arnaud-Bernard est liée à une réflexion sur la démocratie. Les habitants d’Arnaud-Bernard ont voulu s’investir dans le quartier pour y mener des actions, mais aussi des réflexions, à côté des initiatives politiques de la municipalité.

IMGP2800.jpgHistoriquement, Arnaud-Bernard a toujours été un quartier populaire. C’est dans ce faubourg de Toulouse que se tenait un marché de gros où les gens venaient se rencontrer et échanger des produits ou des informations, donnant ainsi une tonalité conviviale. Mais avec la disparition de ce marché, les habitants se sont inquiétés de l’avenir du quartier ; ils se sont donc constitués en comité afin de défendre leurs intérêts. Ce comité ne doit pas être politique, mais civique ; c’est la réflexion qui va être théorisé par certains habitants, tel que Claude Sicre.

David Brunel, membre du Carrefour culturel Arnaud-Bernard, nous éclaire : « Dans notre propos, le civique se distingue de la citoyenneté. Cette dernière est représentée par des choses qui sont ponctuelles, comme le fait d’aller voter, et qui montrent une adhésion a des grandes valeurs républicaines. Le civique, que l’on peut rapprocher à « concitoyenneté », c’est une notion continue qui fait appel au démocratique ; c’est l’idée que tout au long de l’année, les habitants constitués en comité s’occupent de projets ou traitent de problèmes communs. Ces habitants, conscients d’habiter le quartier et d’avoir un rôle à jouer dans celui-ci, contribuent au bon fonctionnement de la démocratie ». Ainsi, tous les premiers lundis du mois, les habitants qui le souhaitent peuvent se réunir au sein du comité afin d’échanger leurs points de vue sur les questions qui touchent au quartier.

C’est dans cette perspective que le Carrefour culturel Arnaud-Bernard a été créé. Cette institution, étroitement liée au Comité de quartier, vise à mener des actions culturelles, tout en gardant le volet démocratique : le Forom des langues du monde, le repas de quartier, les conversations socratiques entre autres.

« Se questionner et réfléchir ensemble, c’est bien le propre de la démocratie »

IMGP2797.jpgLa première expérience du repas de quartier a été faite à Arnaud-Bernard, mais est aujourd’hui reprise dans toute la France. La démarche du repas de quartier est simple : les concitoyens se mettent à table, ils apportent leurs plats qu’ils peuvent échanger avec leurs voisins, et surtout ils doivent gérer eux-mêmes les problèmes ou les questions qui peuvent survenir. La manifestation, c’est le repas lui-même. Dans cette action, c’est la convivialité et l’entraide qui sont mis en avant ; le but étant de favoriser les liens de bon voisinage. Pour réaliser un tel événement, le Comité de Quartier s’occupe de l’organisation en amont et se charge d’obtenir les autorisations légales nécessaires. Le repas de quartier national, c’est chaque année, le premier vendredi du mois de juin.

L’idée des conversations socratiques, c’est de prendre des questions concrètes qui préoccupent les gens du quartier, et de les élargir au maximum à des conceptions générales, philosophiques ou autres. Tout se passe sur la place publique, au vu et au su de tous. Ceci a un double avantage : lorsqu’une une discussion commence tous les habitants peuvent en profiter, et par ailleurs, les gens qui interviennent oralement ne peuvent pas dire n’importe quoi car tout le monde se connaît dans le quartier. Les sujets abordés sont divers. Ainsi, on a pu voir un dialogue relatif à la place Arnaud-Bernard entre urbanistes, ceux qui font physiquement la ville, habitants, ceux qui vivent dedans, et politiques, ceux qui administrent. « Se questionner et réfléchir ensemble, c’est bien le propre de la démocratie » comme le défini David Brunel.

La Déclaration Universelle des Langues et des Cultures

IMGP1916.jpgLe Carrefour culturel Arnaud-Bernard propose également le Forom des Langues du Monde. Il s’agit ici de promouvoir la pluralité culturelle, notamment par la langue. Sur la place du Capitole, des linguistes débattent et répondent aux questions du public. Il y a une véritable alimentation mutuelle puisque la population n’a pas l’habitude de rencontrer des savants de la langue, et inversement ces savants sont confrontés à des questions différentes de celles qu’ils se posent dans leur cercle intellectuel. Il s’agit d’une démarche démocratique car ces débats doivent aboutir à une proposition de Déclaration Universelle des Langues et des Cultures faite non pas par une institution telle que l’Unesco, mais faite par la population elle même. Ce Forom propose de découvrir la pluralité culturelle de la France.

« Plutôt que de fêter la culture occitane, ce qui était envisagé au départ, on a préféré rendre compte de toutes les langues et de toutes les cultures pour que chacun puisse se reconnaître. Le breton n’intéresse pas que les Bretons, il en est de même pour le gascon ou le basque ; la culture française ne se comprend véritablement qu’à travers toutes ces cultures, et non pas qu’avec la langue française comme on voudrait nous le faire croire » nous explique David Brunel. Cet événement renvoie aux extrêmes le centralisme culturel et le régionalisme. En somme, il s’agit de mettre en avant la culture française avec ses racines culturelles régionales et même les cultures immigrées.

IMGP2798.jpgEnfin, la fresque murale visible dans la rue Gramat est aussi une empreinte de la démocratie. À l’origine, il existait déjà une fresque dans le quartier ; elle était le témoignage de rencontres puisqu’on pouvait y voir des dessins d’artistes, et même la signature de Claude Nougaro. Cette oeuvre a dû être détruite à cause d’un projet immobilier, malgré l’avis général des habitants du quartier. De là est venue l’idée de refaire une fresque dans le même esprit que la précédente. Pour David Brunel, « c’est une preuve réelle que les habitants eux-mêmes peuvent décider de ce qu’il se passe dans leur quartier ; ils réfléchissent, proposent des projets, se concertent, et agissent ensemble. Il y a donc un lien fort avec la démocratie ».