Toulouse ne parvient toujours pas à trouver sa voix dans le rap français. En coulisse pourtant, dans les nombreux bars de la ville et dans les petites salles de concert, la scène underground est en pleine effervescence.

Qui n’a jamais entendu parler de Bigflo et Oli et de leur attachement à Toulouse ? Parler de rap dans la ville rose revient forcément à parler des deux frères les plus connus de la quatrième ville de France. Ils représentent fièrement leur ville rose, la chantent à foison et diffusent leur origine à répétition lors de leurs apparitions télés ou concerts partout en France. Les deux frères attirent tous les projecteurs, fort de leur succès à la trajectoire singulière. De quoi faire oublier que derrière eux se cache une véritable ville de rap fait de nombreux travailleurs de l’ombre.

Peu d’artistes originaires de la ville rose parviennent à se hisser au sommet des charts du rap français. Si certains y arrivent, il est bien de difficile de savoir ce qui les rattache à Toulouse. C’est le cas du rappeur Laylow, un des artistes majeurs de ces dernières années en France. Originaire de Plaisance du Touch, une commune à proximité de Toulouse, le rappeur franco-ivoirien ne mentionne plus la ville rose depuis son premier album Mercy en 2016.

Alors quel est le problème qui fait de Toulouse une ville en périphérie du rap français ? Historiquement, le coeur de la scène hip-hop bat entre Paris et Marseille. Mais depuis quelques années, le vent a tourné et le rap français connaît de nouvelles scènes locales émergentes. Lyon d’abord, avec des artistes particulièrement intéressant porté par la force du collectif Lyonzon. Puis, récemment le Nord de la France s’est fait une place avec des rappeurs comme Bekar, Ben PLG ou ZKR qui revendiquent leur origine, Roubaix en particulier ici, pour se distinguer des autres artistes du rap français.

« Il y a un véritable rap game à Toulouse »

Mais alors, existe-il une école de rap toulousaine ? Dans un entretien donné à Actu Toulouse, le rappeur Dadoo du groupe historique KDD disait cela : « Pour le reste de la France, on était des extraterrestres, on rappait avec des vrais musiciens ». Dans les années 90, le groupe n’hésitait pas aussi à utiliser des samples de Claude Nougaro comme dans « Qui tu es ? ». Une recette reprise aussi par le groupe Zebda qui enrichissait régulièrement leur rap par des références au géant de la chanson française et des musiciens de la ville rose.

« Aujourd’hui, le rap toulousain n’est quasiment pas définissable. Il existe une trop grosse pluralité de propositions artistiques, explique Lu’K rappeur et créateur du mouvement « Toulouse est en feu ». Mais, il y a un véritable rap game digne des autres villes ici. C’est comme un village. Il y a un écosystème qui n’est pas visible. Par exemple, WarEnd a récemment explosé avec Nouvelle Ecole (un télé-crochet rap sur Netflix, ndlr), mais la ville n’a pas suivi. C’est allé trop vite. Mais derrière plein de gens travaillent dans l’ombre pour que certains puissent percer ».

Une scène locale en ébullition

Depuis des années, Lu’K se bat afin de faire vivre le rap dans la ville rose. Le 9 décembre 2023, il a mis en place un évènement remarqué au Connexion avec une line up 100% toulousaine. Le 1er mars, il a organisé avec son « Toulouse est en feu », une soirée hip-hop et open mics dans le bar associatif de La Passerelle Negreneys. « Toulouse mérite mieux. On ne se rend pas compte qu’on mérite mieux. On doit voir beaucoup plus large, assène le rappeur. J’ai l’habitude de dire qu’à défaut de briller, Toulouse brûle de mille feux dans le rap ».

Dans les autres salles plus connus de la ville comme le Metronum ou le Bikini, des évènements raps sont aussi de plus en plus à  l’affiche. Comme en novembre dernier où le Metronum a organisé sa 6ème édition du « Wknd Hiphop ». Les concerts des stars du rap français sont quasiment à chaque fois complets. Une occasion pour les artistes locaux de faire les premières parties dans des grandes salles afin de se faire davantage connaître. Le 10 novembre 2023, c’est par exemple le rappeur toulousain Specy Men qui a fait la première partie du prodige algérien TIF. Les opportunités et les évènements raps sont donc légion à Toulouse. Mais cela ne permet pas encore de casser le plafond de verre et de faire de la ville une place centrale du rap français.

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L’enfant du sud à la conquête du rap français

La solution pourrait venir d’une rappeuse. Le talent de Zinée, originaire des quartiers des Carmes à Toulouse, a touché un public bien plus large que celui de la ville rose. La rappeuse est désormais une des figures de proue de la nouvelle génération et a signé dans le mythique label parisien 75e session.

Mais elle n’oublie pas de mentionner sa ville d’origine et de revendiquer sa singularité. « Je suis très fière d’où je viens. J’adore ma ville et j’aime la mettre en lumière » affirme-t-elle dans un entretien accordé à La Pépite. Cette enfant du Sud a un avenir radieux dans le monde du rap français. Ce qui pourrait peut-être l’amener, comme ses homologues Bigflo et Oli, à remettre Toulouse sur la carte du rap.

Crédit photo : Armel/Toulouse est en Feu