D’après une étude du premier syndicat étudiant de France publiée ce mercredi, près de 20% des étudiants disent ne pas manger à leur faim. Une augmentation des besoins ressentie à ESOP-UT1, une épicerie qui fournit une aide alimentaire nécessaire aux étudiants toulousains en difficulté.

Les étudiants sautent en moyenne 3,5 repas par semaine. C’est le chiffre alarmant qui ressort de l’étude de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) parue le mercredi 10 janvier. Le coût de la vie est donc de plus en plus dur à supporter pour les étudiants, qu’ils soient boursiers (28% ne mangent pas à leur faim) ou non-boursiers (16%). Au micro de France Info, Sarah Biche, vice-présidente chargée des affaires sociales de la Fage, explique : « Quand on paye son loyer, qui est une dépense contrainte, il faut bien trouver une variable d’ajustement pour arriver à faire des économies et souvent, cela va être l’alimentation ».

Le dispositif du repas à 1€ du CROUS pour les étudiants boursiers ne suffit pas, avance le syndicat. Le prix de 3,30€ pour les autres étudiants reste un coût trop élevé pour beaucoup d’entre eux et c’est près d’un étudiant non-boursier sur cinq qui ne peut pas profiter des restaurants universitaires. La Fage demande donc l’élargissement du dispositif à tous les étudiants. « S’endormir, travailler le ventre vide, ce ne sont pas des conditions pour étudier », dénonce Sarah Biche.

Des prix de 70 à 90% moins chers qu’en grande surface

A Toulouse, pour faire face à cette problématique, une épicerie au modèle particulier est installée dans les locaux de l’Université Toulouse Capitole depuis février 2022 et s’adresse à tous les étudiants toulousains. L’endroit rouvre aujourd’hui après quelques travaux pendant les vacances, notamment un réaménagement des rayons afin de faire face aux « besoins grandissants », témoigne Chloé, responsable de l’épicerie. « UT1-ESOPE est une épicerie sociale dont l’objectif est d’aider les étudiants en difficulté financière à avoir accès à une alimentation saine, équilibrée et variée à petit prix » avance Zélia, responsable communication.

ESOP propose ainsi divers produits secs, frais et surgelés et d’hygiène à des prix de 70 à 90% moins chers qu’en grande surface. Les produits les plus sollicités sont les fruits et légumes, les féculents ainsi que les produits d’hygiène, comme les gels douche et serviettes hygiéniques, proposés à des prix défiant toute concurrence. Des culottes menstruelles sont également en vente au prix de 2€. Pour les produits alimentaires, les prix sont établis au kilo. Une manière de permettre aux étudiants de subvenir à tous leurs besoins, et surtout d’avoir une alimentation équilibrée. En effet, le coût de la vie impacte aussi la qualité de leur alimentation : la moitié des étudiants n’aurait pas les moyens d’acheter des fruits et légumes frais chaque semaine, toujours selon l’étude de la Fage.

Lutter contre le gaspillage alimentaire

« Pour approvisionner nos rayons, notre fournisseur principal est la Banque alimentaire » explique Zélia, « c’est elle qui s’occupe de toute la logistique, reçoit d’importantes quantités de produits alimentaires des grandes surfaces et prépare ensuite des colis pour toutes les associations de la région ». Elle complète : « ces produits arrivent ici car ils sont mal étiquetés ou pas assez esthétiques, pour les fruits et légumes par exemple ». Les stocks sont ensuite complétés par des dons (Sephora, Picard) et quelques achats sont également effectués, notamment des produits locaux pour mettre en avant les producteurs de proximité. Près de 70% de l’approvisionnement de l’épicerie aurait donc terminé à la poubelle sans cette seconde vie. La responsable insiste : « On a deux missions ici : lutter contre la précarité alimentaire mais aussi contre le gaspillage ».

Pour bénéficier du dispositif, les étudiants doivent constituer un dossier sur le site internet de l’épicerie et indiquer leurs ressources ainsi que leurs charges. « Il n’est pas nécessaire d’être boursier », complète Chloé. Une commission calcule ensuite le reste à vivre de l’étudiant pour déterminer s’il est éligible ou non. Si tel est le cas, il pourra alors s’inscrire sur le planning de l’épicerie et disposera d’un budget de 48€ par mois pour faire ses achats à ESOP. « C’est comme sur Doctolib, il faut prendre un rendez-vous », rigole Zélia. Près de six étudiants peuvent ainsi se rendre à l’épicerie tous les quarts d’heure. « En général, avec un panier de 12€ ici, vous pouvez vous alimenter une semaine », témoigne Chloé, « et ce même panier vous coûterait plus de 70€ dans une grande surface classique ». Pour que les étudiants prennent conscience de cette différence, la responsable a fait le choix d’indiquer ces deux montants sur les tickets de caisse.

Un succès « alarmant »

Le dispositif est un vrai succès : l’épicerie accueille environ 140 étudiants par jour et près de 1 200 étudiants par mois. Cette sollicitation laisse un double sentiment à Zélia : « on est très heureux que l’endroit fonctionne aussi bien et soit utile à tous ces étudiants mais en même temps on ne peut pas s’empêcher d’être alarmés par ces besoins grandissants ». « Pour vous donner une idée, en juin 2022, on avait 174 étudiants inscrits et aujourd’hui on est à plus de 1 200 », illustre Chloé.

Les nombreux témoignages d’étudiants, écrits dans le livre d’or de l’épicerie, viennent confirmer ce point de vue. On peut, par exemple, y lire les mots d’une étudiante qui a pu bénéficier d’une alimentation complète et ainsi stopper son anémie pour recommencer à donner son sang. Quelques pages plus loin, un étudiant explique que l’épicerie lui a permis de se concentrer sur ses études sans avoir besoin de prendre un emploi étudiant pour payer ses courses. « Il nous a même envoyé un message de remerciement avec ses notes du semestre », se rappelle Chloé, le sourire aux lèvres. « Les retours d’étudiants sont très importants pour nous, ils donnent du sens à ce que l’on fait », ajoute-t-elle.

*Etude intitulée « Bouge ton Crous » pour laquelle 7 531 étudiants ont répondu à un questionnaire en ligne entre le 23 septembre et le 10 décembre 2023.

Crédit photos : Épicerie ESOP, Maëlle Hurvois