Mardi 21 janvier 2025, il est 15h, au Palais de Justice de Toulouse. Comme chaque après-midi, les comparutions immédiates se succèdent. Entre sarcasme, fatigue et rapidité, l’efficacité de cette procédure semble primer.
La cinquantaine de places assises est occupée, tous les regards sont tournés vers la cour du tribunal. À la barre ce mardi 21 janvier, un jeune homme est jugé pour avoir conduit sous l’emprise de stupéfiants et avoir renversé un gardien de la paix en deux roues. Le prévenu est accompagné d’un interprète, qui lui traduit les paroles du président d’audience. La tension monte immédiatement. Les comparutions immédiates ont commencé depuis 14h et le président d’audience semble déjà excédé. Malgré le micro, les paroles de cet homme d’une soixantaine d’années, cheveux blancs et lunettes sur le bout du nez, sont difficiles à saisir. Dans le box vitré à sa gauche, le prévenu semble confiant, peut-être même un peu trop au goût des magistrats. Lorsque ce dernier apostrophe le président d’audience et déclare “j’ai pas pris de cocaïne chef”, le président rit nerveusement.
Plus les questions s’enchaînent et plus le temps semble long pour la cour. Une des magistrates, manifestemement épuisée, laisse échapper quelques baillements, puis plonge sa tête dans ses mains, et finit même par fermer les yeux et reposer l’arrière de son crâne sur le dossier de son grand fauteuil noir. Quant au procureur de la République, il s’agace de plus en plus. “Et ça le fait sourire, apparemment”, lance-t-il, exaspéré par les incohérences du discours du prévenu, dans une réprimande qui ressemble à celle d’un professeur corrigeant un élève dissipé.
L’audience s’achève par la plaidoirie de l’avocat de la défense. Elle tente par divers moyens de faire reconnaître le caractère involontaire de l’infraction de son client. À l’avant dernier rang du public, une parole se distingue “il est indéfendable ce mec, ça sert à rien qu’il ait un avocat”. Ce jeune homme qui a élevé la voix c’est Lucas. Il est en stage découverte de 3ème avec Priscilla Hamou, une avocate du droit du travail qui est assise sur sa gauche. En attendant le verdict, il explique qu’il découvre les comparutions immédiates. Il avoue trouver l’audience intéressante même s’il trouve le procureur “un peu mou”. À sa droite, Manon est également stagiaire. Elle affirme timidement que le président d’audience n’a pas été “ très compréhensif” voire “méprisant”. La cloche retentit dans la salle et le verdict est annoncé : le prévenu est reconnu coupable et condamné à un an d’emprisonnement.
Entre moqueries et réprimandes
Il est maintenant 16h10, sans plus attendre un deuxième prévenu entre dans le box. Ce jeune auto-entrepreneur malgache est jugé pour avoir blessé sa conjointe en lui jetant une bouteille de verre sur la tête lors d’une dispute. L’audience commence à peine que le président perd patience lorsque le prévenu parle trop près du micro, créant un bruit sourd dans la salle: “je vais vous couper le micro si vous jouez avec”.
La tension continue de monter. Lorsque le président d’audience décrit la personnalité du prévenu, diagnostiqué par un psychiatre, il ne peut s’empêcher d’ajouter d’un ton moqueur “dépressif, borderline et H.P.I… eh beh ça fait un cumul idéal de pathologies ça”. Les plaidoiries s’enchaînent, parfois l’attention du public semble moins présente mais certaines phrases du président d’audience interpellent, “vous allez finir par me la tuer cette dame”, ironisant sur la potentielle récidive du prévenu.
La justice, un monde méconnu des prévenus
Dans le box, le jeune homme tente de répondre aux questions, manifestement trop longuement au vu des nombreuses fois où le président lui coupe la parole. La justice reste un milieu méconnu pour le prévenu. Lorsqu’il qualifie le procureur de la République d’”assistant du magistrat”, le public et le président d’audience s’esclaffent. Il est 17 heures passées et la fatigue se fait sentir, le président se frotte les yeux avant de mettre fin au jugement. Quelques minutes plus tard, la cour revient et condamne le prévenu à un sursis probatoire, l’homme ressort libre.
Sur le parvis du tribunal, le jeune homme est assis sur les marches à l’entrée, cigarette dans la main droite et sac poubelle contenant ses effets personnels dans la main gauche. “C’était traumatisant”, confie-t-il, bien que, selon lui, le président ait été “sec”, il comprend qu’ « il fait son travail”.