Un convoi de tracteurs a défilé dans les rues de la ville rose jeudi 8 avril 2021. La raison ? Une nouvelle réforme de la Politique Agricole Commune prévue pour 2023 qui ne passe pas. Dite des « éco-régimes », cette politique veut favoriser des modes de production plus responsables au détriment de l’agriculture conventionnelle.

Plusieurs centaines de tracteurs et d’agriculteurs étaient réunis sur les Allées François Verdier ce jeudi. Chansons françaises qui résonnent, klaxons et barbecue, l’ambiance d’apparence festive masquait à peine le mal-être de ces ruraux venus chercher en ville une oreille attentive à leur situation. Ils sont inquiets par la réforme de la PAC 2023, qui prévoit d’allouer une plus grande partie du budget aux exploitations biologiques, soit entre 20 et 30% du premier pilier. Or, cette augmentation doit bien se faire au détriment d’autres, et ce sont les agriculteurs conventionnels (non-biologiques) qui pensent en faire les frais. Ils estiment qu’ils perdront entre 60 et 90 euros de subventions par hectare après la réforme.

Des revenus à la baisse

« En Haute-Garonne, le revenu moyen par agriculteur est de 500 euros. » Entre deux jets de canon à eau, Serge Bouscatel, président de la chambre d’agriculture de Haute-Garonne, annonce la couleur. « Nous sommes un département qui récupère 106 millions d’euros d’aide PAC, pour 40 millions d’euros de revenus pour les agriculteurs. Nous en sommes donc très dépendants, malheureusement. » Elodie Doumeng, une des responsables des  Jeunes Agriculteurs de Haute-Garonne, dresse un autre constat surprenant: « Un agriculteur qui aujourd’hui, travaille 70 heures par semaine, à le droit au RSA, à la CMU, à des couvertures sociales injustifiées vis-à-vis de son temps de travail. Alors on est là aujourd’hui, pour montrer qu’après la réforme de 2015 qui nous à déjà enlevé beaucoup de revenus, cela suffit ! »

Les agriculteurs déversent du fumier dans la rue de Metz

En quoi consistait la réforme de la PAC 2015 ? Cette réforme, actée au niveau de l’Union Européenne, voulait mieux répartir les fonds entre les pays européens. Par conséquent, ce rééquilibrage a pénalisé les agriculteurs français, qui étaient et sont toujours les premiers bénéficiaires de la Politique Agricole Commune.

Des attentes écologiques en décalage avec la réalité du terrain

A l’écart de la manifestation et des déversements de fumier, cet agriculteur interrogé sur l’intérêt d’une conversion de son exploitation en biologique, explique: « Sur le principe, je n’ai rien contre. Sauf que les primes du bio diminuent d’année en année, et ne sont même plus garanties. » À ses côtés, un agriculteur à la retraite complète: « Ce qu’il faut expliquer aux gens, c’est que l’agriculture bio ne fait pas vivre. Les producteurs ne vivent que des primes de l’Union Européenne. « Après avoir énuméré la longue liste des primes supprimées par ce que les agriculteurs appellent communément l’Europe, il conclut de la sorte: « Je ne crois pas que ceux qui prennent les décisions aient la décence nécessaire lorsqu’ils font les lois. » Serge Bouscatel, quant à lui, veut trouver une solution pour rendre les producteurs plus autonomes: « Il faut trouver une transition en agriculture pour permettre aux agriculteurs d’être un peu moins dépendant des aides, et arriver à créer de la plus value sur le territoire. »

Crédits photos: Angélina Fourcault/Paul-Adrien Montacié