Alors comme ça, on est le 8 mars ? Et si on profitait de cette journée internationale des droits des femmes pour parler initiative féministe ? Rien que pour vos beaux yeux, Univers-Cités est parti à la rencontre de deux choristes de l’Ébranleuse. Sous ce nom étonnant : une chorale féministe toulousaine.

Entre deux gorgées de chocolat, Isabelle met fin à l’interrogation : « la chorale s’appelle l’Ébranleuse parce que ses fondatrices voulaient ébranler la société qui est très conventionnelle dans la place qui est faite aux femmes ». « C’est aussi accrocheur, c’est un jeu de mots provocant », ajoute Anne-Claire. Toutes les deux sont choristes à l’Ébranleuse depuis plusieurs années.  Une chorale qui promeut les femmes dans « la culture populaire, résistante, internationale et vivante », et ce depuis 2008. À l’origine du projet, un petit groupe de militantes féministes, qui grandit jusqu’à compter 25 membres aujourd’hui. Des chanteuses âgées de 25 à 60 ans, et réparties entre soprano, mezzo, alto 1 et 2, et contre-alto.

Pour rejoindre cette chorale originale, il faut aimer chanter, mais surtout s’intéresser aux questions féministes. Attention, nul besoin d’être une militante aguerrie. « Nous ce qu’on cherche, c’est juste une conscience », indique Anne-Claire. « On n’a jamais dit à quelqu’un  »Tu n’es pas assez féministe, tu ne viens pas »», précise Isabelle. Une ouverture qui donne lieu à une mixité des niveaux d’engagement et de militantisme. « Moi je n’étais pas forcément militante au sens d’aller dans l’espace public, j’étais dans ma définition du féminisme, je n’avais pas non plus de bagage littéraire ou de chansons », se souvient Anne-Claire. Qu’importe, chanter à l’Ébranleuse, c’est avant tout une histoire de motivation, et de disponibilité pour assister à la répétition hebdomadaire.

Nina Hagen, Beyoncé et Despentes

Un travail régulier qui permet aux chanteuses d’assurer plusieurs concerts dans l’année. « On a fait le Rio Loco, des soirées de soutien au Planning familial, on chante aussi pour les journées du Matrimoine… », détaille Anne-Claire. Mais le rendez-vous annuel, ce sont les apéros-concerts du Théâtre du Grand Rond, qui auront lieu du 30 juin au 4 juillet cette année. Des rendez-vous plus confidentiels s’ajoutent parfois à l’agenda, notamment dans des centres d’accueil d’urgence pour femmes. Des concerts qui sont toujours, elles l’avouent, plus difficiles et chargés en émotion. Surtout quand les chansons parlent de violences conjugales.

Car si les choristes n’apprennent pas plus de deux chansons par an, elles ont déjà un répertoire qui couvre la plupart des grands thèmes liés aux luttes féministes. « On chante Hay una mujer desaparecida (Holly Near), sur les femmes disparues pendant la dictature de Pinochet au Chili. On a Unbeshreiblich Weiblich (Nina Hagen), sur le choix de la maternité. Et Prohibition (Brigitte Fontaine), sur la vieillesse chez les femmes », détaillent-elles. À ces chansons s’ajoutent des classiques comme These boots are made for walking (Nancy Sinatra), ou Run the world (Beyoncé Knowles). Mais aussi des créations plus locales. « King Kong Power, c’est une chanson d’un trio toulousain. Ils se sont inspirés des manuels de conseils pour jeunes filles sages des années 60, et les ont mélangés avec King Kong Théorie, de Virginie Despentes », explique Isabelle.

Rendre aux femmes une place dans la musique

Un répertoire qui couvre une pluralité de thèmes réfléchis collectivement. « Chaque année, on fait un week-end chorale et on écoute notamment les morceaux proposés par chacune. On argumente, il y a une discussion, et on vote ». Des choix qui donnent parfois lieu à des débats entre les membres. « J’étais pour chanter Atilla Marcel, du film Les Triplettes de Belleville. C’est une chanson qui illustre toute l’ambiguïté entre amour et violence, et une certaine réalité du lien que peut avoir une femme avec son conjoint violent. C’est l’art de raconter toute la complexité des choses », détaille Anne-Claire. Pour Isabelle, qui a posé son droit de veto contre la chanson : « Tout le travail est justement de sortir ces femmes de cette ambiguïté, de ce faux amour. Parce que ce n’est pas de l’amour. L’amour ça donne des ailes, ça ne tue pas. »

Au-delà de ces débats, ce qui met toutes les choristes d’accord, c’est la volonté de rendre aux femmes une place dans le milieu de la musique. Si le chef de chœur a longtemps été un homme, l’Ébranleuse accueille une nouvelle cheffe de chœur depuis septembre. « On voulait profiter du départ de Reynier Silegas Ramirez, pour donner de la visibilité aux femmes cheffes de chœur, car c’est un milieu où elles sont peu nombreuses », explique Anne-Claire. Frédérika Alésina est une musicienne toulousaine qui vient du jazz. « Elle correspond vraiment à la personne qu’on recherchait. Elle a même fait l’unanimité », se souvient Isabelle, avant qu’Anne-Claire n’ajoute : « On a gardé le même répertoire, mais elle a par exemple rajouté du body percussion ». « C’est vraiment super d’avoir une cheffe de chœur professionnelle, parce que même si on est amatrices, on chante avec des arrangements complexes », confie Isabelle. Une nouvelle arrivée dans le groupe qui promet un beau programme pour les apéros-concerts du Théâtre du Grand Rond, en juin prochain.

 

Et en attendant de pouvoir assister à l’un de leurs concerts, pourquoi ne pas faire un tour sur le SoundCloud de la chorale ? Plus d’informations sur le site de l’Ébranleuse, ou sur sa page Facebook.