Face à la menace du coronavirus chinois, l’institut d’études politiques toulousain a annoncé l’annulation des départs de ses étudiants en Chine. Univers-Cités a contacté la direction et les élèves pour discuter de cette situation exceptionnelle.
Il est 13h passées, mardi 28 janvier, lorsque le service des stages de Sciences Po Toulouse a fait parvenir la nouvelle à tous ses étudiants. Le message laconique indiquait entre autres : « Il est donc entendu qu’aucun départ en stage en Chine ne sera autorisé ». Cela faisait déjà quelques jours que cette éventualité était envisagée par l’IEP. Ce semestre, trois étudiants de l’école doivent rejoindre le sol chinois pour réaliser une mobilité académique dans des universités chinoises partenaires. Là-bas, la pneumonie virale commençait à faire des ravages. 6.000 contaminés, 132 morts selon les estimations contestées des autorités chinoises. C’est finalement le ministère des Affaires étrangères qui a facilité la tâche à la direction. Sur le site ministériel, le matin-même on pouvait lire : « Il est recommandé de reporter tout déplacement non impératif vers la Chine notamment les voyages et échanges scolaires et universitaires ». C’est ainsi que l’école a pris cette lourde décision. Jérôme Viguier, directeur des relations internationales, précise que l’IEP n’est pas le seul à appliquer les recommandations gouvernementales. « Nous avons alors consulté les autres IEP et avons tous décidé de suivre ces préconisations ».
Ni soulagement, ni colère, mais de la compréhension
Ils étaient donc trois à devoir réaliser une mobilité en Chine. Marie Chancelier, étudiante à Sciences Po Toulouse, faisait partie d’entre eux. Elle devait se rendre à l’université Tsinghua de Pékin pour les six prochains mois. Son départ pour la capitale chinoise était prévu pour le 12 février. Tout était bouclé comme elle le raconte : « Tout était prêt. Mon billet d’avion aller-retour, chambre étudiante réservée, inscription terminée, et je devais obtenir le visa le mardi matin une heure après le mail qu’on a reçu ». Heureusement pour elle, l’intégralité des frais avancés lui a déjà été remboursée – hormis les billets d’avions que ses parents avaient pris pour la rejoindre. Elle ne se dit ni surprise, ni en colère face à l’annulation de son échange universitaire. « Je comprends la décision. Ce n’est pas Sciences Po qui l’a prise. C’est l’Organisation Mondiale de la Santé et le gouvernement qui ont donné des indications et je comprends que l’école ne prenne pas le risque d’envoyer un étudiant en Chine. Même si on n’aurait probablement rien attrapé, si tout le monde continue d’aller en là-bas comme si de rien n’était, l’épidémie pourra pas être endiguée. Il faut quelques sacrifices ». Cet avis est partagé par l’un des deux autres étudiants jusque-là en partance pour la Chine, qui a préféré rester anonyme. Le coup est encore plus dur pour lui. « Ce virus est juste tombé au mauvais moment. et me prive de mon séjour en Chine dont j’ai tant rêvé. J’avais abandonné l’idée de faire un double cursus à TBS aussi pour faire la mobilité en Chine », déplore-t-il. Son départ pour Pékin aussi était fin prêt. Malheureusement, il n’a pas eu la même fortune que sa camarade en ce qui concerne les remboursements. « J’ai acheté un billet aller-retour non-remboursable aux alentours de 800€, réservé un logement à la fac à 1.400€ le semestre. En plus, j’ai passé le TOEFL (dont l’inscription coûte 220€, ndlr) pour pouvoir faire ma candidature. Si le remboursement pour le logement est quasiment certain, elle reste incertaine pour l’avion ».
Des alternatives de mobilité pas à la hauteur
Néanmoins, ils soulignent unanimement que le rôle de l’IEP n’est pas parfait dans cette affaire. Le hic se trouve dans la solution de rechange que leur a proposée l’école. « On n’a pas vraiment eu le choix, souligne Marie Chancelier. C’est soit aller à l’université en Allemagne, car la rentrée y est plus tardive qu’ailleurs, soit on peut chercher un stage avec un délai de seulement deux semaines ». Par chance, l’étudiante a pu en trouver un en Grèce grâce à une connaissance de sa famille. La situation est encore plus cocasse pour le second étudiant. « Les alternatives qui m’ont été proposées n’en sont en réalité qu’une seule, la mobilité en Allemagne. Le problème est que je n’aie pas d’autres choix alors que je n’ai jamais étudié l’allemand. Je cherche donc un stage à l’étranger. Malgré le fait que j’ai annoncé à l’administration chercher des stages au Japon ou à Taïwan, je n’obtiens aucune réponse de leur part. Donc je vais essayer de trouver ce stage en quelques semaines via mes propres moyens ».
Conscient de l’inconfort de cette situation pour les étudiants, Jérome Viguier se veut confiant pour l’avenir. « C’est une décision temporaire. Nous espérons que les étudiants pourront à nouveau s’envoler vers la Chine au semestre prochain ». Il souligne aussi le caractère inédit de cette annulation. Autant il était déjà arrivé que l’IEP interdise des départs ou encourage des retours pour des raisons sécuritaires (comme pour l’Afrique du Sud il y a deux ans, ndlr), autant Jérôme Viguier n’a pas souvenir d’une interdiction pour raisons sanitaires depuis son arrivée à ce poste. Il rappelle au passage la doctrine de Sciences Po Toulouse au sujet des pays où les étudiants ne doivent pas aller : il s’agit de toutes les régions du monde où le ministère des affaires étrangères déconseille de partir et/ou les conditions ne sont pas réunies pour la sécurité des étudiants. Toute zone rouge du MAE est formellement interdite, les zones oranges sont étudiées de près par le service des relations internationales.