Diagnostiquée bipolaire à l’âge de 40 ans, Maryse revient sur sa maladie. Aujourd’hui stabilisée, elle cherche à donner un message d’espoir pour toutes les personnes atteintes de troubles bipolaires. Rencontre.

Pouvez-vous expliquer ce que sont les troubles bipolaires ?

Ils sont axés sur deux pôles : la partie 1, c’est la phase maniaque, une période où on a de multiples projets, des conduites à risque, des dépenses inconsidérées. Le cliché c’est par exemple un mec qui s’achète une Ferrari alors qu’il n’a pas le fric. En fait on est complètement déconnecté. J’aime bien dire que quand on est en up, « on tutoie les étoiles ». Moi ça m’est arrivé, j’avais des grosses cylindrées, je me prenais pour la reine du monde sur l’autoroute. Quand les gens te disent « ce n’est pas ça la vie », va faire comprendre au bipolaire qu’il est malade. C’est ce versant-là qui est dur à intégrer. Et puis la phase 2, c’est une version plus sombre, dans le down où tu restes toute la journée au lit, dans ton canapé à zapper les chaines, tu ne sais même pas ce que tu regardes, t’es une loque. T’es sale, tu ne te laves pas les cheveux. Tu te dévalorises un max, c’est quelque chose de récurrent. Et puis il y a des périodes d’accalmie où tu es en « normalité ». Tant que tu n’as pas fait ton cheminement, que tu ne connais pas ton trouble, c’est difficile à gérer.

Comment est survenue la maladie ?

Elle s’est manifestée quand j’avais 16-17 ans. J’étais animatrice radio et DJ, j’étais dans le milieu de la nuit. Je sortais de plus en plus, ma vie n’était plus normale, je ne voyais plus le jour et mon sommeil était perturbé. Un jour, j’ai eu une grosse crise. J’étais complètement anéantie, je n’avais plus de jus. Je me suis retrouvée dans le lit, dans le burn. Mes parents m’ont transporté à l’hôpital à Rangueil et ils m’ont directement mis sous cachetons.

J’ai eu mon premier enfant à 31 ans et après j’ai eu mon entreprise d’événementiel. Mon époux était directeur dans la grande distribution. Donc je portais à bras le corps mon entreprise seule. Mais j’étais vraiment épanouie. L’été, il y avait beaucoup de travail donc ça allait. Mais pendant l’hiver, la période creuse, je n’ai pas su gérer. J’ai eu une grosse crise. Du coup on m’a diagnostiqué. A l’hôpital, le médecin m’a annoncé « vous êtes bipolaire », à 40 ans. J’étais tellement contente qu’on me découvre quelque chose. A 40 ans tu mets enfin des mots sur un truc qui déconne. La suite, tu cachetonnes, tu subis des grosses hospitalisations, tu apprends à te connaitre, ta maladie, tu as besoin d’outils. Alors je suis allée chercher des bouquins, je ne voulais pas rester ignorante.

Quels conseils donneriez-vous à une personne atteinte de troubles de bipolarité ?

Il faut prendre soin de soi, mettre en place des ressources : une alimentation équilibrée, une hygiène de vie, suivre des thérapies comportementales et cognitives, se rapprocher d’associations. Il y a encore beaucoup de représentations, beaucoup de malades ont peur de la stigmatisation. Mais c’est vrai que parfois il y a des regards un peu malsains, avec un peu de pitié. Je veux envoyer un message d’espoir, il faut se rendre utile et trouver des ressources. Quand je suis sortie de ma deuxième grosse hospitalisation, j’ai demandé directement à voir un psy. Je voulais reprendre le contrôle de ma vie, ce n’est pas elle qui nous dirige. Le boulot, y a que ça de vrai pour rester dans ses bottes.

Et aujourd’hui, ça va mieux ?

Aujourd’hui, mon psy, c’est plus une visite de courtoisie. Une fois par semaine je fais une séance de méditation. En ce qui concerne les cachetons, j’ai juste un régulateur pour stabiliser mon humeur, mais je n’en prends pas la nuit. J’ai un projet qui me tiens à cœur sur lequel je travaille en ce moment, patient ressource. L’idée c’est que le patient ressource accompagne le psy à ses côtés dans son cabinet. Le projet est en expérimentation et en cours de validation par la DGOS (Direction Générale de l’Offre des Soins). A priori, je serais le premier patient ressource en Haute-Garonne. L’expérimentation a des résultats édifiants : éviter des hospitalisations pour des crises mineures, le premier groupe a évité quatre suicides, il y a eu neuf hospitalisations à domicile (ce qui est moins contraignants pour les malades) et six personnes ont repris le boulot, etc.

Avec Eva Sannino