À trois mois et demi des élections européennes, trois initiatives de listes Gilets jaunes ont vu le jour. Apparu spontanément en novembre dernier, le mouvement commence à se structurer et s’organiser. Pour certains, l’objectif se trouve dans les élections européennes et la représentation au Parlement européen. Pour d’autres, ces initiatives sont vouées à l’échec compte tenu du caractère « apartisan » du mouvement. Tour d’horizon des différentes positions dans la Ville rose.


Pour le XIVème Acte, intitulé « retour aux sources », les Gilets jaunes se retrouveront en périphérie de Toulouse. Mobilisés pour la quatorzième semaine consécutive, ils continuent de scander leurs revendications. Si des têtes d’affiche se sont dégagées pour tenter de faire entendre la voix Jaune au niveau européen, cette initiative ne fait pas l’unanimité. Un homme d’une cinquantaine d’année, Gilet jaune toulousain de la


première heure, confie : « On est contre car ce n’est pas dans l’idée Gilet jaune de faire un mouvement politique et de ressembler aux autres. Ça demande une structure, des financements, un encadrement, c’est tout ce qu’on ne veut pas ».

Le ton est clair, monter une liste Gilets jaunes aux européennes va à l’encontre des principes du mouvement, qui se veut horizontal. Et sur ce point, de nombreux Gilets jaunes toulousains s’accordent. Le mouvement rassemble des gens de tous bords politiques, l’idée étant de s’allier pour faire entendre ses revendications. « C’est un mouvement divers qui passe par tout le spectre politique, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Pour moi, les listes Gilets jaunes, ça ne conduit qu’à diviser le mouvement », s’inquiète un jeune manifestant.

Trois listes Gilets jaunes aux européennes ?

Trois listes Gilets jaunes se sont déclarées depuis le 23 janvier. La liste « Ralliement d’Initiative Citoyenne », menée au début par Ingrid Levavasseur, a déjà donné dix noms. La jeune aide-soignante a déclaré quitter sa liste sur le plateau de LCI mercredi 13 février, à peine trois semaines après sa création. Le 29 janvier, Patrick Cribouw annonçait également la création d’une liste : Union jaune. L’ancien directeur commercial, bientôt à la retraite, est l’une des figures des Gilets jaunes de la ville de Nice et qualifie son initiative comme « apolitique et asyndicale ».

« Ma liste sera bouclée mi-avril avec 40 hommes et 39 femmes. Les gens se proposent d’être sur la liste via la plateforme Union Jaune », confirme-t-il.

Il établit un programme autour de cinq piliers retenus lors d’une vaste consultation sur sa plateforme : « Cinq thèmes reviennent en priorité dans cette consultation : le pouvoir d’achat, les retraites, la justice fiscale et sociale, l’immigration et la souveraineté ».

Patrick Cribouw, fondateur de la liste Union jaune. (Photo : Eric Ottino)

Enfin, la troisième liste Gilets jaunes connue est baptisée « Rassemblement des Gilets jaunes citoyens ». A son origine, Thierry-Paul Valette, connu pour avoir lancé une pétition contre le statut de Première dame de Brigitte Macron en 2017 et initiateur des Nuits Jaunes.

Mais au sein du mouvement Gilets jaunes, ces listes sont loin de séduire. De nombreux manifestants y voient des opportunistes dont il faut se méfier. « C’est une erreur de vouloir profiter du mouvement social des Gilets jaunes pour le transformer en liste européenne », analyse Benjamin Cauchy, figure connue des Gilets jaunes de Haute-Garonne, dans ses interventions dans les médias nationaux et régionaux.

Un manifestant toulousain explique :

« C’est opportun. Les idées Gilets jaunes peuvent se diffuser dans tous les partis déjà existants, comme le RIC. C’est à eux de reprendre les idées ».

La confiance envers les partis traditionnels est un élément largement mis en avant par les manifestants. S’ils ne sont pas prêts à voter pour une liste jaune lors du scrutin en mai prochain, la majorité assure vouloir donner sa voix à un parti traditionnel.

Difficile de persuader

Si convaincre l’électorat potentiel des listes Gilets jaunes semble complexe, c’est en partie car le mouvement est hétéroclite. Apolitique selon certains, apartisan pour d’autres.

« Je ne voterai pas pour les listes Gilets jaunes car j’estime que le mouvement est social et pas politique », indique un manifestant.

Un autre nuance : « On n’est pas dans une mesure où on va faire un parti politique car c’est ce qu’on combat. Je ne dirais pas qu’on est apolitique mais on est apartisan car on a des revendications ». Benjamin Cauchy analyse cette difficulté par le fait que le mouvement transcende les différentes positions politiques : « C’est une grave erreur de vouloir mettre en place des listes Gilets jaunes aux européennes pour la simple et bonne raison que c’est un mouvement transpartisan qui arrive à fédérer des gens sur des sujets fédérateurs : le pouvoir d’achat, la justice sociale et l’équité fiscale. Quand on va arriver aux élections européennes, on va parler de la question migratoire, du rôle de la France dans l’Union Européenne, du rôle des institutions européennes et là, ça va être plus difficile de fédérer des gens aux convictions différentes. »

Apolitique, apartisan, transpartisan ? Difficile de s’y retrouver.

De plus, les revendications que soulignent les Gilets jaunes en manifestation ne sont pas les mêmes. Comme l’a précisé Benjamin Cauchy, la question européenne comme la question migratoire, ne sont pas des priorités. « Tout dépend des revendications. Si c’est par rapport aux migrants, nous ça ne nous intéresse pas », déclare une jeune manifestante. « Avoir trois listes, ça ne rime à rien. Qu’on règle d’abord les problèmes en France et après, on verra pour l’Europe. Je voterai mais surement pas pour une liste Gilets jaunes ». Un autre de poursuivre : « Je suis contre les européennes, il faut d’abord s’occuper de ce qu’il se passe en France avant de voir ailleurs. Le Gilet jaune, il veut sortir de l’Europe ».

Pour ou contre les listes Gilets jaunes, les manifestants restent mobilisés, leur gilet fluo sur le dos.

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