Tous les ans, le concours d’éloquence des dix écoles Sciences Po de France invite les étudiants les plus téméraires à monter sur scène et à faire entendre leur voix lors du Prix Mirabeau. Cette année, c’est dans la Ville rose que ces orateurs se sont retrouvés. Rencontre avec les trois étudiants toulousains, Sarah, Charly et Zakariya.

« Boire du vin, faire des blagues, rester ensemble », c’est leur secret de préparation. Le tout, sur un fond musical de « Ramenez la coupe à la maison » pour se motiver. L’ambiance est bonne et sereine entre les trois étudiants toulousains. À un jour du début de la compétition, l’heure est à la gestion du stress, évacuer le mauvais et garder le bon. Charly va avant tout chercher à prendre du plaisir sur scène.

« On va essayer de s’éclater et de passer un bon moment. »

Mais une petite voix ambitieuse ne cesse de raisonner dans leur tête et il affirme : « on ne va pas se mentir, on va essayer d’aller en finale quand même ».

La préparation a été longue et assidue depuis l’annonce des sujets deux semaines plus tôt. Désormais, tout est de leur côté. À la veille du concours, les orateurs se couchent tôt, sans mettre de réveil le lendemain matin, pour bien se reposer. Sarah ironise : « les gars ils ont dit : ‘il faut qu’on mette le réveil pour repasser les chemises’ ». Alors, une fois les chemises bien repassées, les repères pris sur scène et les voix échauffées, les trois orateurs se mettent dans leur bulle trois heures avant le début du spectacle prévue à 19h30.

Phase 1, la finale en perspective

30 candidats s’affrontent autour de sujets parfois surprenants : « Allumer le feu », « Dieu est-il une femme ? » ou encore «Il suffit que tout change pour que rien ne change». Pour départager ces orateurs de talent, un jury composé de dix personnalités est convié. Artistes, femmes ou hommes politiques et avocats sont de la partie. La vice-présidente de la région Occitanie, Nadia Pellefigue nous confie deux de ses critères de notation : le verbe et la sincérité.

20h55. Charly monte sur scène. Le sujet « La haine vient de la ressemblance », une citation de Jacques Attali. Le Toulousain réalise un festival de jeux de mots, de rimes, de références littéraires et de proses pendant cinq minutes. Sarah My Lan prend le relais toujours en défendant que la haine ne vient pas de la ressemblance. Le public est au rendez-vous et les spectateurs, conquis.

« Pour des étudiants, le niveau est très haut. C’est surprenant de voir leur facilité à parler. J’étais submergé dans leurs discours », constate Eduardo, lui-même étudiant à Toulouse.

Après la partie des discours, place aux joutes. Le principe, un combat verbal entre deux orateurs sur un même sujet. 21h34 c’est au tour de Zakariya. Il est opposé à un orateur grenoblois sur une citation de Schopenhauer : «on peut en toute objectivité avoir raison, et parfois pour soi-même avoir tort». Le combat est intense, les deux étudiants s’affrontent sur la scène à coups de répliques bien placées.

L’orateur toulousain Zackaryia (à gauche) pendant sa joute face au candidat grenoblois.

 

Avant l’annonce des résultats des quatre équipes qualifiées, Charly constate :

« La salle était un peu bizarre, mais le jury paraissait assez réceptif.»

C’est peu dire. Nadia Pellefigue avoue avoir été bluffée par la prestation des candidats. A 23h09, le jury prononce le nom de Toulouse, qualifiant ainsi les locaux pour la finale du lendemain. C’est l’exaltation pour les trois étudiants toulousains. L’objectif est rempli. D’emblée les deux nouveaux sujets tombent. Charly, Sarah et Zakariya ont moins de 24 heures avant de remonter devant le pupitre et préparer leur discours. Un brainstorming s’impose jusqu’à trois heures du matin sur les sujets : « la vraie éloquence se moque de l’éloquence » et « j’ai tout perdu dans ma vie, est-ce que cela fait de moi un perdant ? ». Les yeux rouges et les cerveaux en ébullition, les Toulousains s’accordent cinq heures de sommeil.

Phase 2, tout donner pour la finale

Jour J, la finale. A 8h30, les trois étudiants commencent la rédaction de leurs sujets et terminent dans l’après-midi, peu avant le début de la soirée. Zakariya est le premier toulousain à monter sur scène ce soir. Le jouteur ne cède pas face au candidat grenoblois sûr de lui, et défend ses positions coûte que coûte. A 21h40 c’est avec une aisance impressionnante que Charly s’installe au pupitre. S’en suit Sarah, tout aussi à l’aise avec l’exercice. Content, Charly commente :

« J’ai kiffé, j’ai pris du plaisir mais c’était chaud. »

Ça y est, tous les étudiants sont passés, le jury a délibéré. 22h30, fin du suspense. Monique Ollivier, procureure générale à la Cour d’Appel de Toulouse, annonce les résultats. Félicités et salués pour leurs performances, les Toulousains sont deuxième ! C’est l’explosion de joie pour les trois orateurs. A domicile, ils ont su faire leurs preuves et séduire un jury d’une grande qualité malgré un exercice difficile. La première place ne leur revient pas, mais cela ne fait pas d’eux des perdants. Au contraire, « pourquoi pas retenter l’année prochaine », glisse Charly.