Ce 24 janvier 2019, les époux Klarsfeld témoignent dans la Ville rose. Une rencontre avec les Toulousains pour raconter leur combat pour la punition des crimes de la Seconde guerre mondiale, mais surtout pour partager leurs valeurs. Devoir de mémoire et montée des populismes figurent à l’ordre du jour.

L’amphithéâtre Cujas des Anciennes Facultés de Toulouse est comble. Des dizaines de déçus n’ont pas pu entrer, preuve de l’intérêt suscité par Serge et Beate Klarsfeld. Pendant près d’une heure et demie, ils se livrent à un exercice de question-réponse avec l’audience. Après un retour sur leurs principales réussites, à l’image des procès du criminel de guerre Klaus Barbie ou du haut-fonctionnaire Maurice Papon, Serge Klarsfeld insiste sur leur détermination sans faille. Il explique :

« Quand on livre une bataille, il faut essayer de la gagner. Même si on est faible, il faut trouver en soi la force morale et l’ingéniosité pour aller de l’avant dans ce qu’on veut entreprendre »

Cette bataille, il l’a aussi menée pour les 420 enfants juifs déportés de Matabiau jusqu’à Auschwitz. Il permet ainsi, en 1977, de retrouver Karl Müller, chef de la Gestapo à Toulouse pendant la guerre. Celui-ci poursuivait paisiblement sa carrière de policier en Allemagne, malgré sa double condamnation à mort en France.

Beate, « la sorcière du chancelier Kiesinger »

En 1978, Serge Klarsfeld retrace de manière exhaustive les noms et les lieux des Juifs déportés de France dans un livre. Plus qu’un produit littéraire, il s’agit pour lui d’une véritable « œuvre morale » pour « permettre à chaque victime de survivre ».  Sous un tonnerre d’applaudissements, l’octogénaire énonce ses mots d’ordre : la paix, la liberté et la justice. Son épouse Beate, bien qu’en retrait, ne manque pas de relater le moment où elle avait interrompu le discours du chancelier Kurt Georg Kiesinger, ancien fonctionnaire nazi, en lui administrant une gifle. Un geste symbolique, pour elle comme pour ceux qui étaient présents. « Elle était en quelque sorte la sorcière du chancelier », en sourit Serge Klarsfeld. « Partout où il était, elle était là pour mobiliser contre lui, avec succès ».

« C’est une bataille qui va durer et qui durera »

Serge Klarsfeld affirme que cette vie de militantisme leur apporte un « sentiment de plénitude ». Aujourd’hui, si le couple se félicite de voir que la France est à l’avant-garde dans l’enseignement de la Shoah, il s’inquiète de la montée des populismes en Europe. Matteo Salvini en Italie ou Viktor Orban à la tête de la Hongrie, autant de « frontières qui vont se fermer » selon Serge Klarsfeld. Dans l’Hexagone, les scores du Rassemblement national préoccupent et l’avènement du parti d’extrême-droite pourrait également changer la donne. L’historien ne le cache pas, il s’en inquiète. Mais il ne compte pas baisser les bras. A l’image de son engagement pour empêcher la réédition des pamphlets antisémites de Céline par Gallimard : « C’est une bataille qui va durer et qui durera ».

 

Avec Quentin Ballue et Eva Sannino