Enlisé dans les dernières places du classement de Ligue 1, le Toulouse Football Club (TFC) est en quête de solutions. Surtout, le divorce entre l’entraîneur Pascal Dupraz et les supporters n’a jamais été aussi proche. Est-il vraiment le seul responsable de la situation ?

8.851 spectateurs. C’est le nombre de spectateurs présents mardi soir au Stadium pour la rencontre de Coupe de la Ligue contre Bordeaux, soit la plus petite affluence à domicile pour cette saison 2017-2018. Cela n’a pas empêché les joueurs de se qualifier (2-0) pour les quarts de finale de la compétition.

Pascal Dupraz s’est même empressé en conférence de presse de remercier ceux qui ont bien voulu se déplacer. « Nous avons joué dans un contexte extrêmement spécial. Les supporters extrêmement courageux sont venus nous encourager. »

Mais il ne faut pas se fier aux apparences. Samedi 9 décembre, le Toulouse Football Club (TFC) a enfin stoppé la mauvaise série de six rencontres sans la moindre victoire en championnat. Le tout accompagné d’un retour de la réussite sur penalty après trois tentatives manquées consécutivement. Et les joueurs ont rendu une bien meilleure copie sur le terrain après un mois de novembre méconnaissable.

« On commençait à désespérer un peu », ne cache pas Christophe Landalle, vice-président du club de supporters Visca Tolosa au lendemain de cette victoire tant attendue face à Caen (2-0). Ce supporter du club depuis quinze ans reconnaît avoir « pensé que c’était fini. Il n’y avait plus de jeu, les joueurs étaient complètement perdus ».

À la mi-décembre avec 17 matches disputés en Ligue 1, le Téfécé affiche seulement 19 points au compteur et se classe seizième, à quatre points du premier relégable en Ligue 2. Dans ce contexte, l’entraîneur savoyard n’a pas joué l’apaisement avec son public. Bien au contraire.

La faute aux supporters ?

Les supporters ultras sont alors devenus la cible des critiques. L’entraîneur du TFC vise les fidèles des virages du Stadium qui selon lui ne soutiennent pas l’équipe, ne la suivent pas suffisamment lors des matches à l’extérieur. Il avait même déclaré qu’il « était prêt à aller dans les tribunes pour en découdre. »

Lors du match TFC-Caen, les supporters ultras ont donné de la voix dans les tribunes du Stadium. Photo : Paul Soulié.

Une première salve dont se sont finalement amusés les supporters présents en tribune face à Caen. Des banderoles moqueuses s’inspirant de la série Kaamelott ont été déployées en tribune. Un message envoyé à l’ensemble du club mais qui s’adressait fort probablement aussi à leur entraîneur. La victoire n’a pas empêché ce dernier de revenir à la charge.

À la veille de la rencontre face à Bordeaux, il s’est fendu d’une longue diatribe à l’encontre de ses propres supporters. « Je vous le dis, je voudrais que l’on aille en finale de la Coupe de la Ligue… pour m’apercevoir qu’il n’y a pas de supporters à Toulouse. On verra s’ils viennent quand on sera en finale à Bordeaux. Il devrait alors y avoir 25.000 Toulousains, je vous parie qu’il n’y seront pas. »

« Un mauvais public ça te fait perdre des points », lâche Pascal Dupraz en conférence de presse lundi 11 décembre.

Trop c’est trop. Les Indians Tolosa, un des clubs de supporters les plus ultras du TFC, lui ont répondu le jour même par une lettre ouverte postée sur les réseaux sociaux. Le site pour les fans des Violets, « Capitole FC », y est également allé de sa plume.

L’envie de changement commence doucement à gagner du terrain, comme en atteste un sondage dont les résultats ont été publiés le 28 novembre sur le site d’actualité LesViolets.com. Sur 3 189 votants, plus de 55 % ont exprimé leur envie de voir Pascal Dupraz s’en aller.

Sans forcément y voir un lien direct, les paroles bienveillantes prononcées par le coach mardi soir contrastent avec celles balancées la veille. Une légère prise de conscience pour un homme de plus en plus isolé sur son banc d’entraîneur. Et il le sait très bien ; quand les résultats ne sont pas là, les coaches sont les premiers responsables.

L’intersaison 2017, l’été de tous les dangers

Alors comment celui qui avait sauvé héroïquement le club d’une relégation assurée deux ans auparavant peut-il avoir entamé aussi rapidement son crédit aux yeux de ses propres supporters ? Le football a certes souvent la mémoire courte, mais Pascal Dupraz a bien une part de responsabilité dans cette situation. Les prémices remontent déjà à cet été.

Jean, Cahuzac, Sanogo, Gradel, Imbula. Des illustres noms de la Ligue 1 ont été recrutés au club à l’intersaison. Un nouveau revirement dans la politique de recrutement après avoir misé sur des joueurs des pays de l’Est ces dernières saisons. Surtout, ce sont des joueurs qui sont venus grâce à l’implication direct de son médiatique entraîneur. Des recrues que Pascal Dupraz a fortement voulues pour bâtir son propre effectif.

« Le TFC ne peut pas espérer jouer la première partie de tableau avec des paris sur toutes les lignes », Rémi Buhagiar, journaliste à La Dépêche du Midi.

À la mi-saison, la mayonnaise n’a pas encore pris. « Le club a recruté des joueurs avec un bon potentiel à court terme. Ils ont encore du mal à se mettre dans le bain », analyse Jean-Baptiste Jammes, fondateur du site web LesViolets.com.

Contrairement, à ce que l’on pourrait croire, l’intersaison a été tout sauf de tout repos pour le TFC. « [Pascal Dupraz] paie un mercato où tout a été bâclé, avec des joueurs à l’essai en plein mois de juillet, c’est du jamais vu. Gradel, Sanogo, Imbula, ce sont des joueurs qui ne sont plus au niveau depuis au moins 2 ans. On ne peut pas espérer jouer la première partie de tableau avec des paris sur toutes les lignes. », raconte Rémi Buhagiar, journaliste à La Dépêche du Midi qui a suivi l’équipe tout l’été.

Mais le manque de résultats semble lié à un problème bien plus profond. « A son arrivée, il a su insuffler cette dose de pression pour mettre les joueurs devant leurs responsabilités. Ce n’est plus le cas aujourd’hui », constate amèrement Jean-Baptiste Jammes. Un sentiment qui semble perceptible même chez les supporters : « Je me suis dit que c’était un problème entre l’entraîneur et les joueurs, que le message ne passait plus. Qu’il ne fallait pas attendre et changer d’entraîneur », livre Christophe Landalle de Visca Tolosa.

En coulisses, la rupture semble effectivement consommée.

« Oui, Dupraz est lâché par beaucoup. Ils ne supportent plus son discours et trouvent qu’il ne travaille pas assez tactiquement. Gradel se pense supérieur à plusieurs jeunes dont Blin ou Boisgard, il les surnomme « petit ». Cela a le don de les énerver. D’ailleurs le soir du match à Paris, il en est venu aux mains avec Bodiger, puis Durmaz contre Rennes. Quant à Imbula, il ne pense qu’à lui et souhaite repartir au plus vite…»

Les résultats, seul juge du sort de Dupraz

À en croire le site LesViolets.com, Olivier Sadran aurait rencontré deux autres entraîneurs dans son bureau. Le nom d’Olivier Echouafni a fuité. Une information rapidement balayée en conférence de presse par Pascal Dupraz, qui ne croit pas une seule seconde à un tel changement.

Mais la réalité serait encore tout autre à en croire Remi Buhagiar : « Le club est à l’agonie, les patrons le laissent mourir. Les paroles de Dupraz contre les supporters, cela n’a rien d’anodin. Il a envie de se barrer et fait son possible pour qu’on le pousse vers la sortie, de manière à partir  »contre son gré ». »

« La mariage entre Olivier Sadran-Pascal Dupraz n’est pas évident et les deux peuvent se craindre. Comment va-t-il se terminer ? Difficile à dire. Malgré leur mécontentement, ce ne sont pas les supporters du TFC qui vont décider de l’avenir du coach. C’est en interne que tout va se jouer », pronostique le fondateur du site LesViolets.com.

Même si la situation n’est pas encore catastrophique, les prochaines rencontres seront déterminantes pour l’avenir de l’entraîneur savoyard. Le déplacement samedi 16 décembre face à l’éclatant promu Strasbourg puis la réception de l’ogre lyonnais au Stadium la semaine prochaine livreront des indices sur son futur à la tête de l’équipe.

Comme à son arrivée, Pascal Dupraz doit faire face à une vague de scepticisme. Une nouvelle fois, le salut du club passera sans doute par son héros. « Ce serait un comble que celui qui nous a sauvé il y a deux ans nous fasse redescendre en Ligue 2 ? ». Il ne reste alors plus qu’à « se retrousser les manches » comme l’ont demandé les Indians Tolosa. S’ils parvient à remporter une coupe nationale, tout ceci sera déjà oublié.

Mathieu Delaunay et Francesco Carvelli

Informations :
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