Photo de Une : Christophe Vindis 

Il y a des histoires qui méritent d’être racontées. Souvent lorsque leur beauté et leur grandeur deviennent une leçon d’humanisme. C’est le cas de l’histoire de Marcelia, cette jeune fille du village d’Antsepoka, au Sud-Ouest de Madagascar, et de toutes les jeunes filles de son équipe de rugby. Une histoire de reconnaissance, d’épanouissement et de développement personnel grâce à la pratique du rugby. Le film-documentaire « La jeune fille et le ballon ovale », produit par Les Docs du Nord, s’apparente à une véritable ode à l’émancipation de la femme par le sport, permise par l’association toulousaine Terres en Mêlées. Diffusé le 14 janvier dans l’émission Archipels de France Ô, vous pouvez encore le découvrir en rediffusion !  La prochaine : lundi 29 janvier à 3h05.

Nous sommes en 2014 lorsque Pierre Gony – fondateur et directeur de Terres en Mêlées – arrive à Antsepoka, un village de pêcheurs situé sur la Côte Saphir au Sud-Ouest de Madagascar et seulement accessible par voie maritime. Son idée : savoir si un ballon de rugby peut changer la vie d’un village coupé du monde et regroupant 150 habitants, parmi lesquels 100 enfants de moins de 12 ans à l’époque. Pendant cinq jours, il initie les enfants à la pratique du rugby et les « jeunes leaders » du village au rôle d’éducateur. Puis il part en leur laissant cinq ballons de rugby, pour ne revenir qu’un an plus tard. La surprise est alors de taille : trois terrains de rugby tracés dans le sable – celui des petits, des moyens et des grands -, des éducateurs qui forment les plus jeunes et une vie de village réorganisée autour du rugby. La pratique de la pêche s’exerce toujours en matinée, alors que les après-midi sont désormais consacrées au ballon ovale. Les plus âgés, eux, font des dunes de sable leurs gradins et regardent les enfants jouer.

Mais l’histoire humaine ne s’arrête pas là. Pierre Gony constate que les jeunes filles se sont appropriées la pratique et l’ont même développée dans les villages voisins. « Elles en ont gardé un pour elles et elles sont parties à pied pour donner quatre ballons à quatre autres villages. » Résultat : cinq villages pratiquent le rugby, ce sport sacré dans les grandes villes du pays et pourtant méconnu un an avant dans ces espaces isolés. Une équipe féminine de rugby à 7 est alors créée avec Marcelia, l’héroïne du documentaire, en leader et capitaine.

Les jeunes filles s’entraînent sur les dunes – Crédit photo : Christophe Vindis

Le rugby, une porte d’entrée à d’autres sensibilisations  

Pour le fondateur de Terres en Mêlées, le rugby ne doit être qu’un prétexte pour identifier les problématiques auxquelles sont confrontées certaines communautés avant d’essayer d’y répondre. Après avoir inséré le rugby dans ces villages du Sud-Ouest malgache, l’association s’est chargée de former des enseignants à la transmission de « notions de base. » D’abord, sur les conditions de vie des jeunes filles, qui tombent enceintes souvent très jeunes – 13 ans pour Marcelia – et sont destinées à élever leurs enfants à la maison. Pour cela, des équipes interviennent en temps scolaire pour les sensibiliser à la notion de consentement et renforcer leur émancipation. Ensuite, sur d’autres problématiques comme les questions environnementales (liées à la richesse de leur milieu naturel), la prévention santé-hygiène, ou encore la nutrition.

« Sensibiliser les jeunes filles à la notion de consentement, renforcer leur émancipation » (Pierre Gony) 

C’est en ce sens que le rugby n’est qu’un outil pédagogique permettant à la fois l’expression et l’affirmation personnelles des enfants tout en les initiant à des enjeux de développements social et sanitaire, de la protection de l’environnement et du vivre-ensemble.

Synopsis du film-documentaire

Tourné en juin 2017 pendant quatre semaines, « La jeune fille et le ballon ovale » retrace la participation de l’équipe de Marcelia au premier championnat national de rugby scolaire à Madagascar. Il raconte ainsi l’histoire de Marcelia et de ses coéquipières qui, pendant trois ans, ont tissé des liens d’amitié et donné naissance à un rêve commun : faire partie de la première sélection féminine du sud de Madagascar et affronter les meilleures joueuses du pays dans la capitale.

Marcelia en pleine action – Crédit photo : Christophe Vindis

Créé par Terres en Mêlées et soutenu officiellement par World Rugby, c’est ce championnat scolaire qui va permettre aux jeunes filles de voyager, de se forger et de s’affirmer. De Tuléar à Antananarivo, la capitale du pays, les jeunes filles vont découvrir une vie citadine qu’elles ne connaissaient pas. C’est l’histoire de trajectoires de vie changées par l’arrivée du ballon ovale dans leur village. De la reconnaissance à l’émancipation, Marcelia devient un exemple à suivre pour celles qui sont devenues « ses soeurs d’Antsepoka. »

« L’enjeu du film est de montrer au grand public, et pas seulement au monde du rugby, que c’est un sport pour les filles, un sport fabuleux qui génère à la fois développement personnel et expérience collective, un sport qui génère de la solidarité internationale. » (Pierre Gony)

Le film, en relatant la richesse du rugby comme outil pédagogique, en devient un lui-même. Une manière d’interpeler le public sur ce qu’il se passe ailleurs, sur le monde des possibles, sur ce qui est réalisable et sur ce que nous devons nous attacher à conserver et enrichir. Pour le réalisateur du film, Christophe Vindis, c’est une façon de rappeler que la condition féminine est « une cause universelle qui est loin d’être gagnée, qu’il faut défendre encore et toujours, et à tous les niveaux de la société, en commençant par l’éducation. »

Extrait

Marine Clerc