Jeudi 30 novembre 2017, deux amis d’enfance de 28 et 34 ans comparaissaient au Tribunal correctionnel de Toulouse. Les prévenus sont accusés d’importation, de détention, de transport non autorisé de stupéfiants et d’importation en contrebande de marchandise dangereuse pour la santé publique.
Polémique dans la salle d’audience n°4 du palais de justice de Toulouse. Dans la nuit de mercredi à jeudi, les box de comparution des prévenus ont été transformés en cage de verre. Cet isolement renforcé déstabilise la défense. Cela gênerait la communication entre les prévenus et leurs avocats. Mais empêcherait également les accusés d’entendre correctement les débats. « Je ne peux pas faire venir les deux prévenus à la barre et mobiliser quatre policiers » explique la juge alors que la défense réclame « le même régime pour tout le monde ». La présidente assure alors que des micros ont été demandés en urgence. Ils n’arriveront jamais.
Malgré ce contretemps, la juge demande aux deux prévenus, Z.K et M.B de confirmer leur état civil avant de leur signifier les chefs d’accusation qui pèsent sur eux. Pour le premier, acquisition, détention, transport, importation en contrebande. Sans oublier cession de cannabis, d’héroïne et de cocaïne. Seules l’importation en contrebande et la détention sont retenues à l’encontre du second.
« Il est quasiment minuit le 4 février 2017 quand une Peugeot 207 et une Mercedes en provenance d’Espagne passent au péage autoroutier de Toulouse-Nord. Les douaniers laissent passer la Mercedes [conduite par M.B, ndlr] à 23h54 mais font signe de s’arrêter à la 207 qui passe trois minutes plus tard » raconte la juge.
Z.K, alors au volant, refuse d’obtempérer et roule sur les herses. Contraint de s’arrêter 300 mètres plus loin, le chauffard descend alors du véhicule et présente son permis de conduire. Il faudra peu de temps aux douaniers pour comprendre les raisons de cette tentative de fuite.
« Dans une des cavités naturelles située à l’arrière du véhicule, les douaniers découvrent de la résine de cannabis. Z.K et le véhicule sont emmenés à la brigade de Flourens où deux autres sachets plastiques de matière blanche et marron seront découverts, de la cocaïne et de l’héroïne » relate la juge.
Au final, 18 kilos de cannabis, 80 grammes de cocaïne et 200 grammes d’héroïne seront récupérés par les douaniers. M.B se rendra quelques jours plus tard aux autorités.
Une dette de 10 000€ auprès d’un certain Donkey Kong
Z.K explique à la Cour avoir été contraint d’effectuer ce voyage en Espagne à cause d’une dette. D’un montant de 10 000€, la somme due à Donkey Kong, dont le prévenu refuse de donner la véritable identité, doit être réglée en effectuant « trois ou quatre voyages pour remonter de la drogue d’Espagne ». Quand la juge lui demande le motif de cette dette, l’explication étonne.
Lors d’une promenade avec un ami à Cahors, une connaissance de ce dernier lui aurait demandé de garder deux kilos de cannabis dans sa voiture. « Drôle de proposition » estime la juge. « Votre ami ne fait pas de trafic mais on lui propose de garder 2 kilos de drogue, c’est bizarre. Pourquoi vous les avez gardé si on a proposé à votre ami ? » poursuit-elle. Le prévenu affirme avoir voulu rendre service à son ami.
Problème : quelques heures plus tard les deux kilos stockés dans la voiture de Z.K sont volés.
Alors contraint de faire la mule pour le compte de Donkey Kong, Z.K effectue un premier voyage en Espagne une quinzaine de jours avant son interpellation. Une dizaine de kilos de cannabis est importée sur le territoire français. Mais pour le second voyage, Z.K demande à son ami d’enfance M.B de l’accompagner, sans toutefois lui révéler le but de l’excursion. « Je lui ai demandé de m’accompagner parce que je me sentais seul. C’était un accompagnement psychologique ». Pourtant, les deux prévenus effectuent le voyage chacun avec leur voiture.
Ce n’est qu’une fois arrivés à Figueras (Catalogne), que Z.K révèle à M.B l’objectif de l’expédition. En Espagne, les deux compères ont pour mission de laisser la voiture sur un parking qui sera récupérée et chargée par un tiers.
« Ce n’est pas le cartel de Medellin »
Pour le procureur, l’histoire de Z.K ne tient pas debout. « Rien de tout ce qu’il nous dit ne peut être vérifié de quelque manière que ce soit […]. Ces deux personnes ont fait le choix de se livrer à un trafic international de stupéfiants » estime-t-il. À ce titre, le procureur requiert quatre ans d’emprisonnement pour chacun des deux suspects. Une peine démesurée pour l’avocat de M.B. « Quatre ans pour un transport ? Mais jusqu’où va-t-on aller dans la répression ? Il n’est le chef de rien, l’instigateur de rien. Je considère qu’on est très éloigné de la peine proposée par monsieur le procureur alors qu’il n’a pas d’antécédent et qu’il reconnaît sa responsabilité ».
« On a vu mon client interpellé le 4 février pour 18 kilos de cannabis, 80 grammes de cocaïne et 200 grammes d’héroïne d’une qualité médiocre. Ce n’est pas le cartel de Medellin. » – L’avocate de Z.K
Du côté de la défense de Z.K, on rejette en bloc la démonstration du procureur. « Comment voulez-vous qu’il apporte des preuves ? Vous croyez qu’il va déposer plainte pour le vol de deux kilos de cannabis ? Vous croyez qu’il va dire qu’on l’a agressé pour l’obliger à faire des voyages et rapporter de la résine de cannabis ? C’est absurde ». Bien qu’en situation de récidive légale après des faits qui ont eu lieu en 2010, l’avocate demande à la cour de juger cette récidive « différemment » au vu des sept années qui séparent les faits. « Aucun élément ne vous permet de considérer et juger Z.K comme un trafiquant de stupéfiant ».
Après trente-cinq minutes de délibération, la Cour a condamné M.B et Z.K à respectivement 18 mois et trois ans d’emprisonnement ainsi qu’à une amende solidaire de 42 300€ réclamée par la représentante de l’administration des douanes.