Après une première semaine d’audience, le procès des complices présumés de Mohamed Merah reprend ce lundi 9 octobre au Palais de justice de Paris. La rédaction d’Univers-cités fait le point sur les éléments à retenir de la première des cinq semaines d’audience.

Lundi 2 octobre, le premier jour d’un long procès qui courra jusqu’au 3 novembre. L’évènement est colossal. 250 parties civiles, 150 journalistes accrédités, 55 témoins.

Et deux accusés. Abdelkader Merah, le frère aîné de Mohamed Merah, est accusé à titre principal du chef de « complicité d’assassinats et de tentatives d’assassinats commis en relation avec une entreprise terroriste ». À ses côtés, Fettah Malki, qui a reconnu avoir fourni des armes au tueur toulousain et nie avoir était au courant de leur finalité. Il est renvoyé pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle » et « recel de vol ».

Dans la salle Voltaire du Palais de justice de Paris, reste un grand absent. Le président de la Cour Franck Zientara avait pourtant annoncé d’emblée : « L’unique objet de ce procès est de déterminer si les accusés sont coupables des faits qui sont reprochés. » Mohamed Merah, l’auteur des sept assassinats en mars 2012 à Toulouse et Montauban, abattu par le RAID suite à ces tueries, est pourtant partout au coeur des débats de ce procès.

La mère de famille Merah, Zoulikha Aziri, est présente au Palais de justice de Paris dès le premier jour d’audience. Elle sera entendue le 18 octobre mais s’est exprimée dès lundi auprès des journalistes à la sortie de la salle d’audience où elle venait d’avoir une altercation avec Samuel Sandler, père et grand-père de trois des sept victimes de Mohamed Merah. Elle condamne les actes de son fils Mohamed mais prône l’innocence de son fils ainé Abdelkader Merah.

Abdelkader Merah lors de son procès. Croquis de Benoît Peyrucq, publié dans Le Monde

Mardi 3 octobre, la Cour passe en revue l’enfance des frères Merah, surnommés « Ben Ben » dans leur quartier des Izards à Toulouse où, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, ils avaient crié « Vive Ben Laden » pendant plusieurs jours. Le surnom ne les aurait ensuite jamais quittés.

Mardi également, la Cour étudie la thèse du loup solitaire, défendue par plusieurs policiers dont un patron de la sous-direction anti-terroriste à la Direction centrale de la Police judiciaire qui déclare « Merah a choisi seul ses cibles, a fait seul ses repérages, a commis seul les crimes ». Cette thèse minimise à la fois les failles des services de renseignements à l’époque et la responsabilité des accusés actuels. Elle a fait polémique dans le camp des avocats des parties civiles, l’un d’entre eux lança :

 « Vous vous rendez compte que votre témoignage peut conduire à l’acquittement des accusés ? ». 

Cette thèse était également celle de Bernard Squarcini, ancien patron du renseignement français, qui considérait ne pas pouvoir être entendu dans le cadre du procès, dans une lettre adressée au président de la Cour d’assises spéciale. Il expliquait que son statut de témoin assisté dans une autre affaire l’en empêchait. Après plusieurs réclamations, de la part des parties civiles comme de l’avocat de la défense Eric Dupond-Moretti, il a été annoncé que l’ex-patron du renseignement sera finalement entendu au cours des cinq semaines d’instruction.

Sur 55 témoins attendus, dix sont des numéros

Au jour 3, mercredi 4 octobre, une nouvelle polémique éclate autour de l’anonymisation des policiers qui témoignent. Sur 55 témoins attendus, dix sont des numéros, certains d’entre eux étant dans la salle par l’intermédiaire d’un écran où ils apparaissent cachés derrière un store. Leur voix est également transformée.

Il se trouve que l’un des policiers ayant réclamé l’anonymisaton aurait accordé un longue interview à la presse quotidienne toulousaine, à visage découvert. L’avocat de la défense Maître Dupond-Moretti n’a pas manqué de le souligner, et a dévoilé l’article au président de la Cour en déclarant « C’est ici que se rend la justice, pas dans les médias ». En colère, le président de la Cour a directement assuré que s’il avait eu connaissance de cette situation il n’aurait pas accordé l’anonymat au policier en question, le « numéro 35 ».

Un pas de côté quant aux lignes directrices annoncées d’emblée par le président de la Cour. Mercredi, une partie de l’audience était consacrée à l’analyse de la personnalité de Mohamed Merah, alors qu’il ne fait pas partie des accusés.

Au cour de cette troisième journée de procès, les deux accusés dans le box n’ont jamais été mentionnés dans les débats et n’ont jamais été invités à s’exprimer. Argument supplémentaire défendant le fait que le procès dépasserait largement les chefs d’accusation des deux présumés innocents et apparaît davantage comme un procès posthume du « tueur au scooter ».

Une balle dans la tête

Au matin du jeudi 5 octobre, Maître Dupond-Moretti manque à l’appel. L’après-midi, l’avocat d’Abdelkader Merah explique à la Cour avoir reçu un courrier comportant des menaces de mort et visant également ses enfants, les menaçant d’une balle dans la tête, le sort réservé aux victimes de Merah à l’école juive de Toulouse.

L’auteur anonyme de la lettre aurait écrit :

« Si Merah s’en sort, tu vas prendre cher. »

À l’étude au matin du jeudi 5 octobre, les dépositions des médecins légistes suite à l’autopsie des corps des sept victimes de Mohamed Merah sont glaçantes et très douloureuses pour les familles des victimes présentes dans la salle. Certains d’entre elles, comme Latifa Ibn Ziaten, la mère de Imad Ibn Ziaten, militaire et première victime de Mohamed Merah, se sentent obligées de quitter la salle.


Les autopsies révèlent un dénominateur commun à toutes les victimes : elles ont toutes été touchées voire achevées par une balle dans la tête.

Lors de son audition, un médecin légiste déclare que les victimes n’avaient « aucune chance » de s’en sortir. 

Au dernier jour de la première semaine d’audience, Amaury de Hauteclocque, ex-patron des policiers du RAID, raconte les dernières heures de Mohamed Merah. Il détaille les différentes étapes de l’assaut, le déroulé des négociations, jusqu’à la mort de Mohamed Merah, abattu d’une balle mortelle d’un sniper.

Cette semaine, la Cour abordera le sujet du vol du scooter. Adbelkader Merah reconnaît avoir été présent à ce moment-là, mais affirme n’y avoir pas participé pleinement. Cet élément constitue, pour le moment, l’unique preuve solide de la complicité du frère de Mohamed Merah. Preuve qu’il a d’ailleurs livrée lui-même aux policiers lors d’un interrogatoire. Jeudi 4 octobre dernier, à la sortie de l’audience, la soeur de Mohamed Legouad, militaire tué à Montauban lâchait :

 « On s’inquiète vraiment, on a peur de l’acquittement ». 

Les débats et la semaine d’instruction à venir devraient être déterminants.