Le Cercle des voisins du Centre de rétention de Cornebarrieu dénonce par ses actions l’enfermement des étrangers sans papiers pour des raisons administratives. Michel Plassat, président de l’association, commente le projet de loi asile immigration du gouvernement dont une des mesures prévoit le prolongement de la durée maximale de rétention administrative.
Univers-Cités : Qu’est-ce qu’un centre de rétention administrative?
Michel Plassat : C’est un lieu qui permet à l’administration d’avoir sous la main des sans papiers pour les expulser. Si on prend les mots de l’administration, c’est pour les éloigner du territoire. Parfois ils sont mis en rétention même lorsqu’ils ne s’opposent pas à la mesure d’éloignement qu’ils ont reçue. Dans les faits, les CRA sont comme des prisons.
U-C : Combien de personnes sont retenues dans le CRA De Cornebarrieu, près de Toulouse?
M.P. : Le CRA de Cornebarrieu est bondé depuis l’attentat de Marseille. Il compte entre 80 et 90 personnes. Après cet attentat, le préfet du Rhône a été démis de ses fonctions, car le tueur avait été libéré et non pas mis en rétention. Depuis, la préfecture a durci sa politique et augmenté le nombre de mesures d’éloignement et de placement en rétention. Les audiences s’enchaînent devant le juge des libertés pour contester les mesures d’éloignement. C’est pour cela qu’ils souhaitent systématiser les audiences par Skype, ils sont tous à bout de nerf.
U-C : A quoi ressemble l’intérieur du CRA ?
M.P. : Ce qu’ils appellent des chambres ressemblent en réalité à des cellules . Tout est verrouillé, attaché, il n’y a pas de tiroirs en verre, et tout est en métal pour empêcher un quelconque acte délictueux. Il y a un semblant de règlement intérieur mais les pratiques varient selon les CRA. Les retenus ne peuvent pas se couper les ongles par exemple. Il est aussi assez difficile pour eux d’aller à l’infirmerie. Ce sont de petits détails mais ça en dit long sur les conditions de rétention. Beaucoup de retenus sont complètement déprimés. Ils vivent leur rétention comme un échec et sont très fragiles psychologiquement.
U-C : Selon vous, pourquoi le gouvernement souhaite-il prolonger la durée de mise en rétention administrative ?
M.P. : Le gouvernement brandit toujours l’argument de l’appel d’air et de la dissuasion en matière pénale, comme si le fait d’augmenter la peine pouvait inciter les gens à changer leur comportement. C’est pareil concernant les sans-papiers. Or, une personne qui commet un délit pénal le commet en pensant qu’il ne sera jamais pris. Donc pour moi cet argument n’est pas valable. En réalité, le gouvernement veut afficher une certaine dureté pour plaire à un électorat ciblé. Il s’agit pour moi d’une mesure punitive.
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