Les opérations portes ouvertes dans les mosquées se multiplient dans tout le pays depuis les attentats. Objectif principal : éviter les amalgames. Au nord de Toulouse, la mosquée des Izards, s’est livrée à l’expérience. Reportage.

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Dimanche 24 janvier, sous un soleil de plomb. Il est treize heures et bientôt temps d’entamer adh-dhouhr, la prière de la mi-journée, au 64 chemin des Izards. Une centaine de fidèles est réunie sur les tapis, à l’intérieur de l’ancienne maison transformée il y a deux ans en lieu de culte. Ils s’apprêtent à entamer la deuxième des cinq prières quotidiennes mais aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres puisque la mosquée ouvre ses portes au grand public.

Des pâtisseries et du thé pour accueillir les visiteurs

A l’extérieur, Cherif Rezali, secrétaire de l’Association Culturelle et Cultuelle des Izards (ACCI), accueille les nouveaux arrivants et leur offre du thé et des pâtisseries, servis à l’ombre d’une tonnelle. Une fois la prière terminée, les fidèles de la mosquée Al-Fath rejoignent le buffet et échangent avec les visiteurs.

«Fath, en arabe, symbolise l’ouverture» explique Cherif Rezali qui peine à trouver un équivalent français à ce terme. C’est la première fois que la mosquée des Izards organise des portes ouvertes. «Depuis un an, on songeait à ouvrir les portes de la mosquée, mais les évènements récents ont accéléré le mouvement» précise-t-il. «Il existe un impératif dans notre religion, c’est l’ouverture, sur le quartier et l’extérieur. Les évènements récents amènent les musulmans à se justifier. On a voulu prendre le contre-pied et s’ouvrir davantage.»

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Objectif de la journée: s’ouvrir, échanger et casser les préjugés

Environ cent personnes – dont beaucoup d’élus – ont visité la mosquée ce matin. Principalement des habitants du quartier. En début d’après-midi, deux paroissiennes de l’église d’à côté sont là pour découvrir les traditions de la religion musulmane. Un autre homme, d’une cinquante d’années, est venu pour s’affranchir de ses peurs : «Je suis juif» , explique-t-il d’emblée. «Je voulais voir comment ça se passait ici, parce qu’en 2012, avec l’affaire Mohamed Merah, on a beaucoup parlé du quartier des Izards. Je m’attendais à tout, mais j’ai été rassuré.»

Au-delà de la vie de la mosquée, cette journée est aussi l’occasion de discuter des principes philosophiques de l’Islam. «C’est une religion de paix» , explique Yahia Laïd, le président de l’ACCI. «Mais mal interprété, le Coran peut se transformer en arme» , complète Cherif Rezali. «Des personnes passent cinquante ans à étudier ce texte religieux. Mais aujourd’hui, on voit émerger chez ceux qui se radicalisent une ‘connaissance Internet’ de l’Islam. Ils font fi de la méthodologie, indispensable pour comprendre le Coran, et se concentrent sur une synthèse approximative du texte. Ils sélectionnent les messages qui les intéressent et ‘zappent’ vite ce qu’un imam dit s’ils ne sont pas d’accord avec lui.»

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A la mosquée des Izards, il n’y a pas d’imam. C’est Hassan, la petite trentaine, qui mène la prière. Il a été choisi par les fidèles parce qu’ils ont vu en lui celui qui connaît le mieux le Coran. Vêtu d’une djellaba blanche et d’une doudoune bleu fluo, c’est lui, aujourd’hui, qui fait visiter les salles de culte et répond à toutes les questions. «Normalement les lieux de culte sont fermés aux non-pratiquants, on ne sait pas ce qu’il s’y passe” développe Hassan. «Le but de la journée portes ouvertes, c’est de montrer ce qu’est notre religion.»

Une situation encore précaire de mosquée de quartier

Il y a quelques mois, on récitait encore la prière du vendredi aux Izards. Mais, en raison de la forte affluence, en ce jour si spécial pour les musulmans, des problèmes de voisinage se sont posés et l’ACCI a dû y mettre un terme. Chaque vendredi, les musulmans du nord de Toulouse doivent donc traverser la ville pour se rendre à la mosquée de Colomiers ou à la mosquée du Château. «Les grandes mosquées sont au sud de Toulouse» , explique Cherif Rezali. «Nous sommes actuellement en négociation avec la mairie pour construire un espace de culte équivalent, c’est-à-dire pouvant accueillir, au nord de la ville, autour de 2000 personnes.»

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L’accueil des réfugiés: nouveau rôle de la mosquée

Plus qu’un rôle cultuel, l’ACCI joue aussi un rôle social aux Izards. De nombreux réfugiés sont arrivés dans le quartier, et la mosquée a servi de lieu de repère à ceux de confession musulmane. «Ils sont venus vers nous en premier. Nous les avons accueilli et aidé financièrement en attendant qu’ils parviennent à se construire une vie ici» raconte Hassan.

La journée portes ouvertes se termine. L’expérience sera renouvelée, «sans doute une ou deux fois par an» , selon les organisateurs, qui s’avouent très satisfaits.