À deux mois de leur conclusion, les États Généraux de l’Information ont réuni, le 27 mars, divers acteurs du monde médiatique pour débattre de l’indépendance des médias et des rédactions. Suite à l’acquisition d’Altice Media par Rodolphe Saadé, les discussions sont tournées vers l’indépendance des médias. Entre pressions économiques, contrôle des actionnaires et nécessité de garantir une information libre et pluraliste, les débats ont été intenses et les solutions envisagées variées.

Le 15 mars dernier, Rodolphe Saadé, à la tête du groupe CMA CGM, dévoile son intention d’acquérir 100% du capital d’Altice Media, propriétaire notamment de BFMTV. Il a suscité de vives réactions lors de l’Agora des États Généraux de l’Information des Assises de Tours, en exprimant son souhait de ne pas être critiqué par les journalistes de sa propre chaîne. Cette situation a conduit à des débats sur la nécessité de garantir l’indépendance éditoriale face aux intérêts commerciaux des actionnaires. L’Agora des États Généraux de l’Information qui s’est tenue mercredi 27 mars a été le théâtre de débats enflammés alors que les acteurs des cinq groupes de travail se sont réunis pour faire le point. Lancés il y a six mois, les États Généraux ont mobilisé près de 60 personnes bénévoles réparties en cinq groupes de travail, chacun se penchant sur des aspects spécifiques de la question. Parmi les participants, des figures influentes telles que Christopher Baldelli, président de Public Sénat, ont pris part aux discussions. Les sujets abordés ont été divers, allant de l’influence des actionnaires sur le contenu éditorial à la nécessité de préserver la liberté d’expression des journalistes. Le véritable point de tension entre les grands groupes et les syndicats des journalistes fut l’acquisition de BFMTV par Rodolphe Saadé. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la CFDT Journaliste ont soulevé la question autour du rôle de l’actionnaire majoritaire dans l’orientation éditoriale d’un journal. Menant à des comparaisons avec le modèle d’un club de foot dans lequel, le propriétaire du club et l’entraîneur restent chacun à sa place. De plus, ils ont proposé d’instaurer un droit d’agrément sur le directeur de la rédaction, semblable à un droit de veto, comme solution potentielle à ce dilemme. Cependant, cela a suscité des inquiétudes quant à la possibilité de conflits d’intérêts et d’atteinte à la liberté de la presse. 

Suite à la dernière acquisition de Rodolphe Saadé et à la crise que subit le journal “La Provence”, une soixantaine de médias, de journalistes et de syndicats ont signé une tribune, le 26 mars, auprès de Rachida Dati, afin de protéger et de garantir l’indépendance des rédactions face aux grands groupes. La ministre de la Culture rappelle la loi Bloche de 2016, qui renforce la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias. Le 4 avril prochain, le droit d’agrément porté par la député EELV Sophie Taillé-Polian, sera débattu à l’Assemblée Nationale. Droit qui permettra aux journalistes de nommer le/la directeur.trice de la rédaction.

Le modèle économique, un frein à la liberté de la presse ?

Les discussions ont également porté sur les modèles économiques des médias et notamment sur les aides à la presse. Les syndicats présents ont souligné le manque de protection pour les équipes rédactionnelles, où le refus de certains sujets par le journaliste pourrait entraîner son licenciement. Parmi les propositions, l’idée d’aides indirectes telles qu’une TVA à 0% a été avancée comme moyen de soutenir financièrement les médias sans compromettre leur indépendance éditoriale. Finalement, les États Généraux de l’Information ont mis en avant les défis auxquels sont confrontés les médias dans leur quête d’indépendance et d’intégrité éditoriale. Alors que la conclusion de ces débats approche, il reste encore beaucoup de débats à conclure pour trouver des solutions durables qui garantissent une information libre, pluraliste et de qualité pour tous.

Crédit image : Rachel Tlemsani