Dans quelques heures, le CNES suspendra tout essai de communication avec Philae, le robot atterrisseur de la mission Rosetta. L’occasion de faire le point sur une aventure spatiale pilotée depuis Toulouse par Philippe Gaudon.

Philae sur la comète Churyumov-Gerasimenko. © CNES/DUCROS David
Philae vit ses derniers instants. Demain, le CNES (Centre national d’études spatiales) de Toulouse cessera définitivement toute tentative pour entrer en contact avec le petit robot qui s’est posé sur la comète Churyumov-Gerasimenko il y a maintenant deux ans. Elément essentiel de la mission Rosetta, l’atterrisseur Philae devait permettre d’analyser la comète de plus près. Philippe Gaudon, responsable du projet Rosetta pour la France, s’est chargé depuis Toulouse d’une des missions les plus minutieuses de cette aventure spatiale, celle de la navigation de l’atterrisseur sur la comète. Alors que l’hibernation de Philae semble aujourd’hui irrémédiable, quelles avancées ont été permises par l’automate ?

A l’origine de la mission Rosetta, se trouve une théorie vertigineuse sur la formation du système solaire. Les comètes, raconte le scientifique, ont été formées il y a 4,5 milliards d’années et permettraient aujourd’hui d’en savoir plus sur les nuages qui ont précédé notre système solaire. « Cinq cent millions d’années après la formation du système solaire, une pluie d’astéroïdes et de comètes serait tombée sur la Terre, y amenant l’eau. En somme, les comètes ont apporté les molécules à l’origine de la vie dans les océans », explique Philippe Gaudon. D’où l’autre objectif de la mission Rosetta, celui d’observer si la comète contient des molécules organiques complexes, composées d’acides aminés à l’origine de la vie sur Terre. A des millions de kilomètres de notre planète bleue, c’est ainsi une plus grande connaissance sur notre propre origine que Rosetta est partie chercher.
Philippe Gaudon. © CNES/GRIMAULT Emmanuel
Atterrissage délicat

Quel rôle a joué Philae dans ce projet spatial ? Ce robot est un atterrisseur, voué à analyser de plus près la comète. Les données qu’il a recueillies devaient être transmises à la sonde Rosetta, en orbite autour de la comète. Le 12 novembre 2014, Philae s’est enfin posée sur Churyumov-Gerasimenko, plus de 10 ans après avoir quitté la Terre. L’atterrissage du bolide fut quelque peu mouvementé. « Il devait se détacher de Rosetta et atterrir à sa surface à vitesse faible », raconte Philippe Gaudon. « Son propulseur devait plaquer au sol Philae lors de son atterrissage mais cela n’a pas fonctionné. En effet, la gravité que l’on observe à la surface d’une comète est inférieure à celle d’une station spatiale. Un corps qui tombe sur une comète risque donc de rebondir haut et nous voulions éviter cela », complète-t-il.

Arrivé tant bien que mal sur la comète, Philae a néanmoins pu entrer en communication avec Rosetta quelques jours après son atterrissage. « Philae a pu fonctionner pendant trois jours grâce à ses piles, déjà chargées lors du lancement », précise Philippe Gaudon. Le robot a ensuite donné des signes d’activité de façon épisodique. Après quelques contacts aux mois de juin et juillet 2015, l’atterrisseur est entré en hibernation. « Les contacts que nous avons eu avec Philae en 2015 nous ont permis d’établir que ses batteries étaient encore chargées. Nous en avons déduit qu’il s’agissait bien d’un problème d’entrée en communication avec lui », analyse le responsable de la mission.

Philae a reniflé la poussière

Pour Philippe Gaudon, il serait peine perdue de continuer à essayer d’entrer en communication avec Philae. « Il n’y a aucun espoir d’avoir des nouvelles car la comète s’éloigne du soleil, les panneaux solaires de Philae fourniront de moins en moins d’énergie », constate-t-il, une situation qui ne semble pourtant pas entacher son optimisme. Certes, l’atterrissage sur le côté de la machine a empêché ses instruments de toucher le sol, compromettant son objectif principal de prélever un morceau de la comète. Mais l’atterrisseur a tout de même trouvé le temps de remplir 80% de ses objectifs. « Les instruments de Philae ont pu renifler le gaz et la poussière, mesurant de l’acétone, du CO2 ou du monoxyde de carbone qui seraient peut-être à l’origine de la vie sur Terre », se réjouit-il. Une radiographie de l’intérieur de la comète a même contredit l’hypothèse des chercheurs du CNES qui s’attendaient à y découvrir une structure faite de couches. A la place, c’est une comète homogène, fabriquée en une seule fois, que le robot a révélée.

La mission Rosetta continue

« La phase de novembre 2014 après l’atterrissage a été très positive », constate Philippe Gaudon, qui voit dans les données analysées par le robot de quoi occuper les scientifiques au moins pour les dix années à venir. Croiser les résultats pour mettre au jour une image de la comète, prélever un échantillon de 10 kilos sur la comète afin de l’analyser sur Terre lors d’une prochaine mission… La fin de l’aventure pour Philae ne signe pas celle des recherches sur la comète Churyumov-Gerasimenko. D’ailleurs, le voyageur de l’espace tire sa révérence en ayant fortement contribué à la recherche spatiale. « Philae a été le premier atterrisseur à se poser sur une comète ou un astéroïde. Il a bien marché malgré les difficultés de son atterrissage », se réjouit Philippe Gaudon. Au dessus des panneaux solaires de l’atterrisseur qui s’éteindront bientôt, Rosetta continue son petit bonhomme de chemin. « Rosetta marche comme une horloge et compense la faiblesse de Philae. Rosetta voit la comète évoluer au fur et à mesure du temps », conclut le chercheur.