Quand les joueuses se laissent aller… Récit d’une affaire d’espionnage en Pro D2 de rugby féminin, dont les clubs de Montauban et Perpignan sont les vedettes.

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Il y a des affaires qu’on croirait sorties d’un bon vieux roman d’espionnage. Elles surgissent, surprenant même les plus imaginatifs, rappelant que la frontière entre réalité et littérature est plus fine qu’on ne le pense. L’espionnage, pas de soucis. Mais dans un domaine où le fair-play est (censé être) de mise, une telle affaire peut faire hausser le sourcil.

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Sourcil levé ou pas, il faut bien se rendre à l’évidence : il y a des soupçons – pour ne pas dire anguille sous roche. Rappel des faits : vendredi 27 février, l’Equipe de France de rugby féminin affronte le Pays de Galles, dans le cadre du tournoi des VI nations. Une victoire 28 à 7 pour les tricolores. Le stade Sapiac de Montauban est prêté la rencontre. Trois jours plus tard, c’est l’heure du match de championnat de Pro D2 entre Montauban (l’USM) et Perpignan (l’USAP). Plusieurs des membres du XV tricolore ayant joué le vendredi se retrouvent lors de cette rencontre.

Et c’est là que ça coince. Après la large victoire de Perpignan, 48 à 17, le coach accoste son homologue de Montauban. « L’entraîneur de Perpignan, Alain Hyardet, qui est un ami, m’a dit avant le match, « il faudra que je te parle, j’ai quelque chose de très important à te dire ». Il m’a montré qu’il avait en sa possession les touches que l’on affiche dans les vestiaires toutes les semaines de match et qui doivent être effectuées le jour de la rencontre » a déclaré Xavier Péméja, manager de l’USM, ce que rapporte le journal Libération.

Enquête et boule de gomme

Toujours d’après le coach, le duo s’interroge d’abord : et si la fuite venait de Montauban ? « Cela me paraissait impossible ». Et ça se complique. L’objet du vol (les combinaisons de touche) ayant été enlevé des vestiaires vendredi matin, l’heure du crime est annoncée pour la veille, alors que les joueuses de l’Equipe de France ne sont pas censées être au stade. « Elle a fait des photos et les a envoyées à un dirigeant de Perpignan ». Tout ceci par un simple email. Rappelons que quatre joueuses de l’USAP évoluent chez les tricolores.

Xavier Péméja reconnait que son équipe aurait difficilement gagné à Perpignan. Mais le déroulement du match laisse perplexe : « Il faut savoir qu’en touche, jusqu’à présent nous avons 75 % de ballons joués, à Perpignan on tombe à 25 %. On prend le premier essai sur une de nos touches où l’on perd le ballon et essai en suivant. »

Attention, mettons de côté l’humour pour un court instant : il fait bon de rappeler que l’Equipe de France prend l’affaire très au sérieux et qu’il ne s’agit pour l’instant que de soupçons. Nathalie Janvier, responsable de la délégation des Bleus, a réagi très rapidement : « On veut savoir ce qui s’est passé de manière claire, nette et précise ». L’enquête est lancée, vingt-trois joueuses et neuf membres du staff sont actuellement entendus.

Original, ou simple remake ?

Pas ou peu d’antécédents dans le rugby, du moins à la connaissance du public. Marc Lièvremont, ancien sélectionneur du XV de France (masculin) en dessine malgré tout une esquisse dans son ouvrage Cadrages et débordements, en 2012. Il y parle de la proximité des différentes équipes dans les hôtels, lors des grands tournois. Parfois, quelqu’un voit ce qu’il n’aurait pas du voir. Trahis par une fenêtre.

Et il ne s’agit là que de schémas tactiques – même si l’espionnage industriel amènera quand même à l’exclusion de MacLaren du championnat des constructeurs de Formule 1, en 2007. L’espionnage dans le sport peut être beaucoup plus radical, concerner la vie privée des joueurs, ou les secrets des dirigeants. L’histoire de l’USAP et l’USM ne semble pas aller jusque là. Après tout, le rugby est un sport ‘propre’.